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Edouard Philippe et Emmanuel Macron ont voulu une réforme de gauche mais acceptable par la droite. Pour l’instant, ils n’ont satisfait personne
©YOAN VALAT / POOL / AFP

Atlantico-Business

Après avoir eu la droite la plus bête du monde, la résistance au plan retraite prouve qu‘on a aussi la gauche la plus bête du monde. D’un côté, un projet de retraite universelle et de l’autre des mesures d’équilibre financier. Techniquement, c’est compatible. Politiquement, ça paraît contradictoire.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le problème d’Edouard Philippe est qu’il présente un projet où cohabitent l'ambition d’universalité et l'objectif d’équilibre financier. La retraite par points et le report de l’âge à 64 ans. Techniquement, c’est parfaitement compatible. C’est même indispensable. Politiquement, c’est contradictoire. D’où le clash ! 

La réforme du système de retraite présentée par Edouard Philippe est sans doute l’une des plus ambitieuses qu‘un gouvernement ait proposé depuis un demi-siècle. L’architecture de cette réforme change tout le fonctionnement de la solidarité entre les générations. Cette réforme n’est ni de gauche, ni de droite. Ni étatiste sinon, il n‘aurait pas dépoussiéré le paritarisme. Mais elle n’est pas davantage libérale, sinon il aurait ouvert la porte aux fonds de pension. Le résultat, c’est qu’il est coincé entre des syndicats qui, au nom de la gauche, défendent en fait des corporatismes qui sont assez archaïques, des syndicats réformistes qui ne s‘y retrouvent pas, et une majorité politique qui se compose d’un courant de gauche très social-démocrate et un courant de droite libérale. 

La réforme systémique qui est au cœur du projet s’inscrit évidemment à gauche.  Les valeurs d’universalité et d’égalité sont évidemment des valeurs cardinales de la gauche. Cette réforme est distributive jusqu’à la caricature. Le régime universel, c’est un même régime pour tout le monde, ce principe-là supprimerait de facto les régimes spéciaux et obligerait le gouvernement à compenser les pertes subies par certains groupes. La réforme universelle par points et non plus par trimestres s’avère très favorable aux femmes et aux bas salaires. Parmi les perdants, on retrouve notamment les hauts salaires.

Ce système universel était déjà le rêve de Jean Jaurès, et avant lui de Napoléon 3 quand il a dessiné les prémices du modèle social français. Il a été défendu par la gauche socio démocrate depuis la Libération en 1945. C’est la mécanique qu'on a fabriquée pour gérer l’Agirc-Arrco avec les encouragements à l’époque de la CGT et de FO, c’est d’ailleurs un système qui a très bien fonctionné et qui continue de donner satisfaction. 

Ce système de retraite est de gauche dans la mesure où il donne le pouvoir de gérer aux partenaires sociaux. C’est donc un réveil du paritarisme.

Mais parallèlement, la reforme présentée par Edouard Philippe a l’ambition de mettre en place des mécanismes qui garantissent l’équilibre financier du système universel par répartition. Et pour ce faire, il ne peut qu’utiliser les facteurs paramétriques. Il ne peut toucher ni aux cotisations en les remontant, ni aux pensions en les baissant. Il ne peut que se rabattre sur l’allongement de la durée du travail à 64 ans, âge qui donnerait droit à une retraite à taux plein. Il est évident qu’en abordant cette composante de la réforme, il donne des gages aux partisans de l’orthodoxie financière, il donne des gages au courant libéral de sa majorité, mais il agite le chiffon rouge que les syndicats ne peuvent pas accepter sauf à se couper de leur base. 

Le projet tel qu’il a été présenté est à la fois très ambitieux et très prudent, mais il crée une situation syndicale et politique assez inextricable avec autant de contradictions que de paradoxes. 

Le premier paradoxe dans cette affaire, c’est que les syndicats n’adhèrent pas à un projet dont l‘ADN s’inscrit pourtant dans la culture de gauche et de progrès social. La CGT et FO se sont refait une santé en défendant les intérêts corporatistes des bénéficiaires des régimes spéciaux. Ils ne vont pas abandonner les cheminots et les salariés de la RATP en rase campagne. 

Mais les syndicats réformistes comme la CFDT et l’Unsa  qui étaient partisans de la réforme par points, se retrouvent opposés aux décisions paramétriques de l’âge, parce qu’ils considèrent que ça n’est pas à l’Etat d’imposer cette norme, mais aux partenaires sociaux de le décider.

Le gouvernement pensait satisfaire la gauche et cherchait à ne pas trop mécontenter la droite libérale.  Le problème est qu'en faisant le grand écart, il n'a convaincu personne.

Alors la situation n’est évidemment pas insoluble, parce qu‘il y a beaucoup de postures politiques dans la position des uns et des autres. Mais il va falloir encore négocier. C’est évidemment possible. 

D’abord, parce que la situation de blocage n’est pas durable et qu’elle arrive un moment où la crise est telle qu’elle rend intelligent , mais à quel prix et pour qui ? 

Ensuite, parce que tout le monde est d’accord pour restructurer le modèle social si on veut le conserver et la majorité du pays y est attachée. Il y a donc des faits, des chiffres qui obligent à accepter l’évidence et l’évidence en matière de retraites se cache dans la démographie. Tout dépend de l’équilibre entre les actifs et les inactifs. Le mur de la réalité est dans la croissance économique et la croissance dépend aussi de la démographie. 

Enfin, parce qu’à un moment, le changement n’est acceptable que si chacun y trouve son compte. Si le changement condamne ou pénalise une catégorie sociale qui profitaient d’acquis sociaux qui ne sont plus en phase avec l’écosystème, il faut nécessairement racheter ces acquis sociaux ou les échanger contre d’autres avantages.

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