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Retraites : on peut être de droite et préférer la répartition
©JOEL SAGET / AFP

Répartie

Julien Aubert, député LR du Vaucluse, a souhaité répondre à un article de Mathieu Mucherie publié sur Atlantico cette semaine.

Julien  Aubert

Julien Aubert

Julien Aubert est ancien député de Vaucluse, vice-président des Républicains

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Dans une tribune parue dans Altantico, Mathieu Mucherie, conseiller en produits financiers dans un grand établissement bancaire [NDLR : il dirige les études économiques d’une grande banque], a pris la liberté de pilonner le débat actuel sur les retraites, griffant au passage votre serviteur. Le fait de critiquer le système par capitalisation suffit visiblement à être dépeint en « adversaire du grand Kapital », c’est à dire en marxiste. 

Si la teneur humoristique de cette description ne m’a pas échappé, elle dissimule cependant une philosophie de la Droite, qui dans l’esprit de l’auteur, doit être forcément favorable à sa paroisse bancaire, au système marchand, à l’individualisation du revenu financier, bref au Nouveau Monde annoncé par Emmanuel Macron. Sinon, on est un avatar de Georges Marchais. Il n’y a pas d’entre-deux. 

On sent d’ailleurs dans la rédaction que M.Mucherie serait presque tenté de traiter le Président-banquier de dégonflé qui n’ose pas assumer une belle réforme avec Blackrock en joyau de la couronne. 

Confessons en introduction qu’il n’y a pas que des absurdités dans les arguments de M. Mucherie, même si son argumentation est parfois embrouillée. Par exemple, qu’on parle de répartition ou de capitalisation, cela ne change pas grand chose au fait que ce sont bel et bien les revenus de l’année n qui payent les pensions de l’année n. La fiction est cependant différente : dans le cas de la capitalisation, ce que je perçois est ce que j’ai placé ; dans le cas de la répartition, ce que je perçois est le produit de la solidarité nationale de la génération qui me suit. 

Il ne s’agit donc pas seulement d’un arbitrage technique, mais d’une conception politique de la société : le primat de l’individu ou la solidarité de la collectivité. 

Il ne faut bien évidemment pas abuser du mot solidarité qui, à gauche, rime souvent avec impôts, spoliation ou double-peine (on cotise plus que les autres pour toucher proportionnellement moins). Reste que contrairement à M.Mucherie, je ne me réjouis pas que les Français se sentent obligés de trouver par eux-mêmes des compléments de retraite (immobilier, préfon, etc...) car c’est bel et bien le signe qu’émerge un système à deux vitesses qui laissera sur le carreau ceux qui n’ont pas eu la chance de faire l’ENA ou de briller dans les salles de marché de la BNP Paribas. 

Il y a une marge entre le système actuel où l’on a la liberté d’arrondir sa retraite avec des à-cotés, et le système formidable par M. Mucherie, où ce serait une condition sine qua none, au risque de se retrouver avec un système à points dépréciés. Quelque chose me dit du reste que plus on encouragera le niveau par capitalisation, plus les classes aisées essaieront de réduire leur part contributive au premier niveau. C’est normal : aucune personne un tantinet égoïste n’a envie de de payer pour les autres. 

Sauf que voilà, en démocratie, le vote du pauvre a le même poids que le vote du riche, et qu’une réforme doit viser l’intérêt général. 

Sinon, on détricote une Nation. 

Du reste, même au plan technique, la retraite par capitalisation est un objet à double-tranchant. Comment ne pas parler des taux d’intérêt déprimés qui sont la principale caractéristique des marchés mondiaux ? Ils sont la preuve d’un surplus de capital qui ne trouve pas preneur, c’est à dire d’épargne. M. Mucherie pense que plus on augmente l’épargne disponible pour les investisseurs, plus cela rapporte. C’est oublier que la finance n’est pas un objet autonome et qu’aux dernières nouvelles, c’est l’économie réelle qui permet de nourrir les rendements. 

Or, l’arbitrage systématique opéré en faveur de la rémunération du capital a laminé les classes moyennes occidentales, tout en organisant la désindustrialisation massive de ces économies autrefois productives. Aujourd’hui, l’économie réelle est déprimée car les fondamentaux sont minés, l’économie financière totalement déconnectée des fondamentaux économiques (il n’y a qu’à voir la capitalisation ahurissante de Facebook ou le fait que la dette mondiale est de 230 000 milliards d’euros, trois fois supérieure au PIB mondial) et la situation politique des pays occidentaux de plus en plus instable, conduisant à une démondialisation rampante qui va à mon sens s’accélerer dans les années à venir (blocage OMC, mesures protectionnistes). 

Bref, je ne suis pas aussi optimiste que les analystes marchés sur les « performances » de fonds alimentés par la capitalisation. 

Quelqu’un qui aurait plaidé pour les fonds de pension avant la crise de 2008 aurait sans doute été un bien mauvais prophète. Qu’est-il arrivé ? En 2007, juste avant la crise, la valeur des fonds de pension atteignait 27 000 milliards de dollars. Selon la Banque mondiale, le PIB mondial s’élevait alors à 55 000 milliards.
Après cinq années d’augmentation régulière, la Bourse s’est effondrée en 2008, tout comme les marchés immobiliers, entraînant une chute de 3 500 milliards de la valeur des actifs des fonds de pension.

C’est dans mes souvenirs à peu près à ce moment que tous nos banquiers talentueux, libéraux et plus à l’aise à Londres qu’à Paris, sont venus faire la queue à l’Elysée pour supplier que l’Etat les sauve, avec l’argent du contribuable. Que c’est beau la solidarité nationale ! 

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