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Retraites : les vraies raisons pour lesquelles les chefs syndicaux ne peuvent pas adhérer au projet de réforme en dépit de toutes les garanties apportées et l’oubli très politique des fonds de capitalisation
©REUTERS/Benoit Tessier

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Il va falloir écouter tous ceux qui râlent contre les râleurs contre le projet parce que les chefs syndicaux continuent le combat en dépit d’un projet très ambitieux, mais accessible et prudent.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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L’erreur du Premier ministre a peut-être été de s’adresser à l’ensemble de l’opinion publique, à toutes les catégories professionnelles qui se sentaient menacées par un projet qui n’apportait pas, c’est vrai, les garanties d’équilibre ou de sécurité nécessaire. Édouard Philipe a déroulé un discours qui reprend tous les sujets porteurs d’incertitude et répondu à chaque catégorie professionnelle et sociale. Il a éclairé le fonctionnement de la retraite par points, la sanctuarisation de la valeur du point, le respect des partenaires sociaux en leur confiant la responsabilité de la gestion du nouveau système et des évaluations du point, la condition des femmes et des veuves, la situation particulière des enseignants. Édouard Philippe aurait pu dérouler un discours aussi accessible et prudent il y a deux ou trois mois, on aurait certes gagné du temps et peut-être un blocage de la société française. 

Ceci étant, le projet est très important, très sociétal puisqu’il propose un système qui refonde le modèle de solidarité entre les générations. C’est du même ordre que ce qu’avait fait le général de Gaulle à la Libération en refondant le modèle social. Le projet n’est ni libéral, ni étatique. Il s’inscrit dans la tradition d’équité et d’égalité sociale du gaullisme social. Dans cette logique idéologique, Édouard Philippe s’engage à confier aux partenaires sociaux la gestion du système comme ils le font très correctement à l'Agirc-Arcco. Ils gèrent les retraites complémentaires des cadres ( par points ) sans s’en plaindre. 

Le Premier ministre est très honnête, puisqu‘il ne cache pas la nécessité prochaine de faire évoluer la date de départ effective à la retraite jusqu'à 64 ans, ce que tout le monde sait. Mais après tout, ce sera la encore de la responsabilité des partenaires sociaux. C’est très honnête de sa part, mais ça ne peut-être pas très habile politiquement parce que c’est une ligne rouge dont les syndicats ne voulaient pas qu’elle soit franchie. 

L’autre habileté politique, c’est de ne pas avoir dit un seul mot sur la retraite par capitalisation qui aurait pu apporter un complément à la répartition. Mais l’annonce d’un âge d’équilibre à 64 ans constituait déjà un chiffon rouge, alors les fonds de pension à la française ne pouvaient pas apparaître au grand jour. C’est une faute technique que de laisser cette épargne sans mission, mais la convoquer dans la réforme aurait provoqué un cataclysme dans un pays où les fonds de pension sont pestiférés.  

Le projet est bardé de tellement de mécanismes de protection qu'on voit mal une majorité le rejeter. Les seules catégories sociales qui ressortent perdantes de cette nouvelle architecture sont les cadres supérieurs qui gagnent plus de 120 000 euros et qui seront mis à contribution pour assurer l’équilibre financier du régime universel. Il va donc falloir attendre la réaction des consommateurs, des clients, des salariés du privé et du public. 

Parce que, dès la fin du discours du Premier ministre, les chefs syndicaux ont réagi très négativement. Les critiques des uns se combinant à la colère des autres prônent une poursuite du blocage. 

Alors la question va être d’observer la réaction des usagers citoyens à l’ostracisme des chefs syndicaux et d’essayer de comprendre ce qui motive ces réactions. 

1ère raison. Les syndicats souffrent d’une très mauvaise représentativité. Ils ont donc intérêt à développer des positions très dures, voire radicales, et même de se déplacer sur le terrain politique pour exister. 

2e raison, la base de leurs adhérents est vent debout pour les mêmes raisons, c’est à dire pour se faire entendre. Le stress des dirigeants syndicaux est donc de ne pas se faire déborder. L’épisode des gilets jaunes les a tellement surpris et humiliés pendant dix-huit mois, parce que pour la CGT, FO ou Sud, le succès des gilets jaunes marquait leur impuissance. 

3e raison, les syndicats ont réussi à mobiliser leurs troupes, ils vont chercher à capitaliser un maximum pour les conserver et accroitre leur influence. Y compris en ignorant les avances et les prudences du projet qui tient compte de la majorité des critiques. 

4e raison, les syndicats, pas tous, ont sans doute un projet politique, celui de s’opposer au gouvernement, au président et à sa majorité. Ils tiennent lieu d’opposition au régime, ce qui leur vaut un certain soutien de l’opinion.

Maintenant, il faudra bien sortir des contradictions et des ambiguïtés, reconnaître que le système actuel ne fonctionne pas, reconnaître qu’il faudra reculer l’âge de la retraite, reconnaître que le système actuel est très inégalitaire, reconnaître que le projet ne dépossède pas les partenaires sociaux de leur responsabilité de gérants du modèle. Reconnaître ensuite que les régimes spéciaux le sont pour répondre à des particularités qu'il va falloir prendre en compte. 

Reconnaître enfin que, si les syndicats ont beaucoup de pouvoir actuellement, c’est parce qu’ils ont la possibilité de bloquer le fonctionnement des entreprises de transport public, Sncf et Ratp. Donc une infime minorité de salariés peut imposer une situation difficile à une grande majorité de salariés et de chefs d’entreprise qui ne font pas grève. 

C’est cette majorité silencieuse qu'il va falloir écouter parce qu’elle peut se faire entendre et se mette à râler contre ceux qui bloquent tout.

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