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Petites vérités utiles à rétablir sur l’espérance de vie en France
©Flickr

Petites vérités

L'espérance de vie (EdV) est fréquemment évoquée dans le débat politique autour des retraites et du système de soins. Le sujet de cet article n'est pas de s'immiscer dans ce débat. C'est de faire la lumière sur les notions d'espérance de vie, d’espérance de vie sans handicap majeur, de qualité de vie.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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L'espérance de vie (EdV) est fréquemment évoquée dans le débat politique autour des retraites et du système de soins. Le sujet de cet article n'est pas de s'immiscer dans ce débat. C'est de faire la lumière sur les notions d'espérance de vie, d’espérance de vie sans handicap majeur, de qualité de vie. C'est nécessaire car un certain nombre de données factuelles ou de définitions utilisées dans le débat sont erronées ou corrompues par la volonté d'infléchir le raisonnement politique, au motif que l'espérance de vie serait compromise par tel ou tel scénario.

Les définitions sont précises.

L’espérance de vie moyenne est comme son nom l’indique un temps de vie moyen qu’un individu peut espérer dans la société où il vit. Ce n’est donc pas une assurance de vivre tout ce temps, certains vivent plus longtemps d’autres moins longtemps. Ce n’est pas une prédiction c'est une moyenne calculée à partir des certificats de décès de la même population pour une année donnée. C’est pourquoi personne en réalité ne vit exactement cette moyenne au jour près mais les humains étudiés dans cette société, les français métropolitains par exemple, sont très nombreux à avoir une EdV proche de cette valeur. L’âge des français décédés dans un laps de temps suit une distribution autour de cette moyenne, très peu vivent au delà de 105 ans et très peu meurent à la naissance. Cette EdV peut être calculée à la naissance ou bien pour un âge déterminé. En d’autres termes elle dépend bien sûr de l’âge que vous avez, c’est pourquoi on distingue par exemple l’EdV à la naissance et l’EdV à 65 ans.

Figure N°1: Distribution de la mortalité en France métropolitaine.

L’EdV dans le monde croît fortement depuis la fin de la seconde guerre mondiale. 

Au milieu du XVIIIe siècle, la moitié des enfants mouraient avant l’âge de 10 ans et l’espérance de vie ne dépassait pas 25 ans. Elle atteint 30 ans à la fin du siècle, puis fait un bond à 37 ans en 1810 en partie grâce à la vaccination contre la variole. La hausse se poursuit à un rythme lent pendant le XIXe siècle, pour atteindre 45 ans en 1900. Au cours du XXe siècle, les progrès sont plus rapides, à l’exception des deux guerres mondiales. Les décès d’enfants deviennent de plus en plus rares : 15% des enfants nés en 1900 meurent avant un an, 5 % de ceux nés en 1950 et 0,4 % (3,5 pour mille exactement) de ceux nés en 2015. Les morts évitables diminuent. Ainsi l’EdV a presque doublé au XXe siècle. Toute croissance de l’EdV se mesure par le gain en mois, années et il est commode de choisir le gain moyen des français métropolitains c’est l’EdV à la naissance. Le graphique le plus récent nous est fourni par l’OCDE. Première constatation l’EdV en France est élevée qu’il s’agisse de l’EdV à la naissance ou à 65 ans.

À la naissance les femmes ont une EdV de 85,9 et les hommes de 79,6 soit 6 ans d’écart ce qui est considérable.

Tableau N°1:  EdV à la naissance dans le monde, données les plus récentes de l’OCDE (2017). Les femmes (croix) japonaises ont la plus longue EdV à la naissance (87,3 ans) et les françaises sont à 85,6 ans. Les hommes (rond plein) en France on une espérance de vie à la naissance de 79,6 ans, soit 6 ans de moins loin derrière d’autres pays.

À soixante cinq ans l’EdV des femmes en France est très élevée, la deuxième du monde. Les hommes ont une EdV moyenne de 19,6 ans soit 4 ans de moins que les femmes.

Tableau N°2:  EdV à 65 ans dans le monde, données les plus récentes de l’OCDE (2017). Les femmes japonaises ont la plus longue EdV à 65 ans et les françaises sont secondes avec 23,6 ans. Les hommes en France on une espérance de vie à 65 ans de 19,6 ans, soit 4 ans de moins loin derrière d’autres pays.

La France est plutôt un pays de longue espérance de vie moyenne. La principale différence entre les français est celle liée au sexe puisque les hommes vivent en moyenne 5 à 6 ans de moins que les femmes. La deuxième différence importante est celle liée au statut social. Et à ce propos la plus grande différence (soit environ 5 ans) est entre par exemple des cadres ou des enseignants et des personnes désocialisées. Mais il y a aussi d’autres différences dès que l’on s'intéresse à des sous groupes plus petits qui témoignent des différences de parcours qui ne se résument pas à une métrologie des revenus.

La tendance à l’allongement de l’EdV persiste même si elle ralentit

Personne n’aurait imaginé une telle évolution il y a 50 ans. Cette croissance de l’EdV s’explique par l’absence de guerre mondiale, les gigantesques progrès effectués dans l’hygiène, l’eau potable, les calories disponibles et bon marché et plus accessoirement les soins médicaux. Ces infrastructures sont en place, fonctionnent correctement et nous avons atteint un plateau quand aux possibilités d’améliorer l’espérance de vie par des infrastructures collectives. En effet ces infrastructures sont très efficaces car elles sont préventives. Elles assurent la prévention des infections, des intoxications, des famines, des accidents etc. Les choix individuels dans cette période ont moins compté car les progrès à faire sur le plan collectif étaient énormes, en revanche aujourd’hui ils deviennent prépondérants. Fumer conduit à des complications difficiles à traiter en particulier le cancer. L’obésité une fois installée a des conséquences inévitables que le système de soins tentera d’amoindrir mais ne pourra pas empêcher. Le diabète type 2 (DT2) quelque soit le traitement conduit à des complications sérieuses et la médecine a beaucoup de mal à les retarder ou à les réparer. Les maladies neurodégénératives sont une source de handicap majeur et de mortalité alors que nous n’avons pas de moyens de les traiter. Les choix de vie jouent désormais un rôle majeur dans les gains d’espérance de vie. C’est pourquoi on observe ce plateau et c'est pourquoi en France le différentiel d’EdV entre les hommes et les femmes est difficile à combler sans un changement des choix à risque qui caractérisent surtout les hommes et parmi eux ceux qui ont le niveau d'éducation le plus faible.

Tableau N°3:  EdV à la naissance dans le monde, données les plus récentes de l’OCDE (2017). Les femmes japonaises ont la plus longue EdV à 65 ans et les françaises sont secondes avec 23,6 ans. Les hommes en France on une espérance de vie à 65 ans de 19,6 ans, soit 4 ans de moins loin derrière d’autres pays.

La santé détermine fortement la qualité de vie et l’EdV. 

La santé est un capital personnel qui s’évanouit un jour mais dont la détérioration est, dans nos sociétés développées, avant tout le résultat de nos choix individuels. L’extraordinaire progrès des conditions de travail (mécanisation, sécurité) et la disponibilité de l’eau potable, des aliments et d’un habitat sain et chauffé a placé nos choix en première position dans la conservation du capital santé. Il est donc très important d’identifier les facteurs de ces morts précoces ou évitables. Les déterminants principaux de la santé individuelle sont la génétique et les choix individuels mais leur contribution proportionnelle est très différente. Je suis à peu près sur que la répartition proportionnelle de ces facteurs dans la Figure N°4 étonnera même des soignants. De manière pratique, il est donc efficace de répertorier et d’informer sur les causes liées aux choix individuels.

Figure N°2: Les déterminants de santé et leur contribution proportionnelle aux morts prématurées ou évitables  (https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMsa073350). 

Nous atteignons un plateau dans l’espérance de vie. Les progrès sont plus lents et nous savons pourquoi. Avant que l’innovation permette une nouvelle accélération de l'espérance de vie par exemple en guérissant le cancer ou en stoppant certaines maladies neurodégénératives, il y a une voie que seuls les individus peuvent rationnellement choisir: diminuer leur prise de risque. Un exemple, aux USA une baisse de l'espérance de vie récente a pu être rapportée à deux causes principales, la surconsommation d'opioïdes et les suicides. La question des opioïdes se pose aussi en Europe et l’augmentation des suicides aggrave la surmortalité masculine car dans le monde occidental, les hommes se suicident trois à quatre fois plus souvent que les femmes. Le rôle de l’éducation avec comme relais la société civile (école, université, entreprise) et des programmes incitatifs (de la restauration collective à des baisse de primes d’assurance maladie) plutôt que de la publicité punitive ou d’interdits divers doivent être évalués car les résultats observés dans certains pays sont encourageants. 

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