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Une grande majorité de l’opinion croit encore que la France est riche et puissante, alors qu‘elle est complètement fauchée !
©Reuters

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Les chefs d’entreprises ont raison d’être inquiets. Les sociologues aussi. La France est plus proche du basculement dans la violence que du compromis qui permettrait de sortir de la crise. Ce qui est grave, ce n’est pas que l’Etat soit fauché, c’est que les Français croient le pays encore très riche.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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La vérité de la situation est, pourtant hélas, très simple à comprendre. La force du mouvement social se nourrit de l’idée que le pays est assez riche pour éradiquer, non seulement les poches de misère, mais aussi éliminer toutes les frustrations et les risques qu’engendre la modernité. 

Pendant plus d’un an, les gilets jaunes, très inorganisés mais sponsorisés par les black blocs ont réussi à réunir une foule hétéroclite, avec des vrais pauvres, des sans emplois, mais surtout des classes moyennes qui ont un job ou une petite entreprise qu’ils ont de plus en plus de mal à maintenir en équilibre. En portant une colère sociale souvent légitime, le mouvement des gilets jaunes a obtenu près de 17 milliards d’euros en pouvoir d’achat. Ils ont donc administré la preuve qu‘il devait y avoir dans le pays des ressources financières disponibles. Si on en croit les chiffres de la consommation, cet argent a été dépensé assez rapidement dans les magasins et le e-commerce ou alors placé sur les comptes d’épargne à un taux proche de zéro.

Aujourd’hui, les syndicats qui avaient été complètement débordés par la vague des gilets jaunes pensent avoir repris la main. Le succès des manifestations est exceptionnel. Il leur apporte une très belle revanche et une nouvelle légitimité. Sauf qu‘il faut maintenant utiliser pleinement cette puissance et ça ne va pas être très facile, parce la situation renforce l’idée que la France a les moyens de répondre aux demandes sociales.

Si les syndicats persistent à tenir des positions radicales, tout le monde va se retrouver dans une situation insoluble. 

Les syndicats bloquent la société et notamment les moyens de transport pour montrer qu‘ils existent en invitant leurs adhérents à refuser toute réforme parce qu’elle serait pénalisante. 

Or les syndicats ont négocié avec le gouvernement sur les retraites pendant une année et demie. Cette négociation a examiné tous les cas de figure, afin d’écarter normalement tous les malentendus. On se retrouve aujourd’hui comme au premier jour avec une base inquiète et incertaine. 

Que le gouvernement ait été maladroit, c’est certain, mais les dirigeants syndicaux ont aussi peu relayé ce qu’ils préféraient : sur la durée ou la valeur du point, sur l’intérêt de la réforme. Ils prônent de toute façon le statu quo.  Vu le nombre d’inconnues, d’incertitudes et de fausses nouvelles qui circulent, on est obligé de reconnaître que tout le monde a perdu son temps. 

Ce faisant, on se retrouve dans un climat où l’opinion n’est pas convaincue de la nécessité de toutes ces réformes et qu‘on ne manquera de rien. Pour une raison très simple, la majorité des Français pense qu’il existe de l‘argent caché sous les matelas, investis dans les assurances vie et stocké par les riches, très riches, qui ne paieraient pas beaucoup d’impôts. Bref, la France serait le pays où triomphent les inégalités comme l’explique Thomas Piketty, avec un modèle social qui a très bien fonctionné pendant un demi-siècle. Il suffit de ne rien toucher aux structures sociales et de prendre aux plus riches pour faire les ajustements. 

La vérité est totalement fausse et les chefs syndicaux eux-mêmes le savent. 

Un : il y a certes beaucoup d’argent liquide dans ce pays, mais cette épargne privée est une épargne de précaution parce que les gens sont inquiets. La situation économique est fragile et le système bancaire est en risque de défaut. 

Deux : il y a certes des montants énormes dans les assurances vie (plus de 500 milliards), mais c’est parce l'Etat a offert quelques avantages fiscaux pour la draguer et l’utiliser dans le financement des dépenses publiques. L’épargne des assurances vie est une forme d’impôt volontaire.

Trois : quant aux vrais riches, faut pas rêver, ils ne sont pas si nombreux. Ils ont diversifié leur fortune. Les entreprises du Cac 40 sont très largement détenues par des fonds étrangers et on ne voit pas comment elles pourraient être mises à contribution plus qu‘elles ne le sont sans prendre le risque de les voir disparaître ou s’expatrier. 

La réalité du pays est qu’il n’a pas les moyens de répondre à la demande sociale qui se manifeste depuis un an. Le pays n’est pas en faillite, il a encore beaucoup d’actifs qui peuvent intéresser les investisseurs étrangers ( les Emirats, la Chine, la Russie et les fonds anglo saxons) mais le pays est fauché. Son bas de bilan est désastreux. Trop de dettes qui servent à financer trop de dépenses de fonctionnement. Ce qui est aberrant. 

On paie beaucoup d’impôts (la France est championne du monde), on dépense des ressources dans le financement du fonctionnement de services publics et du modèle social et par conséquent on s’endette.

Le plus grave, c’est que ces services publics fonctionnent mal et qu‘en plus leurs personnels sont affreusement mécontents. 

Le pays vit donc au dessus de ses moyens dans des proportions ultra dangereuses en se gargarisant de l’idée qu’il est riche et puissant. Ce qui est dangereux en France , ça n’est pas que l’Etat soit fauché mais qu’on croit le pays riche et puissant.

Ce qui est étonnant, c’est le pourquoi de cette conviction qui n’est qu‘une illusion. La France se croit encore belle et forte dans le monde, parce que la France l’a été dans le passé. Elle a eu la culture du beau, des idées neuves et la culture de la puissance, coloniale, napoléonienne, Louis XIV et Versailles. La France a eu l’obsession du centralisme, de l’Etat fort. Encore aujourd’hui. Cette illusion attire les touristes du monde entier mais ne fait pas vivre le pays.  Cette illusion nous amène à entretenir une armée puissante dont on fait croire qu’elle peut intervenir sur tous les théâtres du monde. 

C’est simple et nullement caricatural, la France qui se croit tellement fière qu‘elle en est arrogante, n’a plus de croissance, n’a plus les meilleurs hôpitaux  ou les meilleurs universités, elle n’a plus d’investissements, ni d’emplois. Elle en arrive même à exporter ses Bac plus 5. 

Parallèlement, elle s’agrippe à ses avantages sociaux comme les vieux aristocrates à la Rolls dont ils ont hérité.

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