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Le capitalisme responsable. Est-ce vraiment le seul challenge ?
©CHARLES PLATIAU / POOL / AFP

Les entrepreneurs parlent aux Français

Denis Jacquet évoque cette semaine le sujet du capitalisme et la nécessité d'appliquer une vision. Le capitalisme peut redevenir responsable une fois doté d’une nouvelle responsabilité, d’une nouvelle mission.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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Ce week-end, j’avais la chance, car c’est un privilège, d’être l’invité de Jean Dominique Sénard à l’Abbaye de Royaumont, dans laquelle d’illustres orateurs se réunissent pour des débats passionnants. Sans filtres, pour la plupart. Le thème ne manquait pas d’actualité puisqu’il posait la question d’un capitalisme responsable. Ce qui, entre les lignes, signifiait, est ce que nos entreprises peuvent devenir responsables ? La question, comme en math quand nous étions enfants, est nécessaire, indispensable, et nous la posons encore trop peu, mais pas suffisante. Les entrepreneurs et les entreprises vont devenir les hommes politiques les plus en vues, car les politiques sans vision, ni courage, sans idées, ni solutions, vont se défausser sur eux, leur laissant trop de pouvoir. Entre le trop peu, qui était la norme, et le trop, il faut redessiner la frontière, mais pour cela il faut être plusieurs. Explications.

La mer s’est retirée il y a longtemps. Je faisais remarquer, en lui posant la question, à Xavier Bertrand, qui était en face de moi, connaissance de longue date, que sans lui faire affront, le courage et la vision avait depuis longtemps quittés le camp politique. Il en a convenu sans réserve. Le politique a laissé la place vide, et personne n’a voulu la prendre. A part les extrêmes ou les dictateurs, armés d’une idéologie brutale, primaire ou dangereuse, mais au moins, armés de quelque chose à proposer. Et les peuples ont commencé à s’en saisir. 15% de dictatures en plus en 15 ans, des populistes pleuvant sans répit sur le monde entier, des mouvements de refus ou de désespoir fleurissant partout et une seule locution commune à tous : « NON ». Partout le NON a remplacé le OUI, que plus personne ne prononce.

Le politique, sans idée, mais jamais sans ressort, a désigné une victime, à offrir à la vindicte populaire, pour mieux s’exonérer de sa propre turpitude : L’entreprise. La grande, au moins, car elle emploie une large partie de la population, est une cible facile et identifiée, surtout quand elle est une banque ou une compagnie pétrolière, plus facile à faire détester par la population. Elle lui a assigné des obligations, mais sans les droits correspondants. RSE, formation, pollution, diversité, elle a reçu la panoplie complète du parfait citoyen, presque un rôle régalien, mais sans avoir son mot à dire, en contrepartie, sur ce que l’État, lui, devrait faire dans le même temps pour apporter sa contribution au changement. 

Aux USA, la situation est différente, mais le résultat est identique. On n’a jamais demandé à un Président américain d’avoir une idéologie au sens Européen du terme. On lui demande des résultats, une élévation sociale et une fierté maintenue dans son pays. La confiance que les USA resteront les leaders « du monde libre ». Dès lors, quand il recule, c’est simplement par ses investissements, pas par l’idéologie. Il recule sur l’espace, les infrastructures, la recherche ? Les entreprises, notamment et surtout, les entrepreneurs milliardaires, prennent le relai, armé d’une autorisation d’investissement massif dans les tourments de la société : La déduction fiscale. Plus de 400 milliards de dollars en 2018. C’est ainsi moins de 100 personnes, qui décident de l’avenir des USA ou de ses orientations principales, y compris en matière d’environnement, reléguant à un niveau secondaire, la signature ou l’accord ou le désaccord face aux accords de Paris. Le Président parle, les entreprises font ce qu’elles veulent.  Armées du pouvoir digital, du pouvoir d’orienter les élections, d’influencer le consommateur dans sa vie quotidienne, de récolter la data qui permettra les traitements médicaux, lui dispenser l’éducation et les idées, d’assurer sa sécurité, l’entreprise devient LE gouvernement.

Je suis entrepreneur. Je pourrais crier « victoire ». C’est une amère défaite. L’objectif est que nous nous reposions sur la diversité, sur l’équilibre des pouvoirs, des idées, définissions ensemble une vision commune, partagée, mais surtout renouvelée, et que nous l’exercions ensemble. Remplacer un défaillant par un impartial, apportera un changement, mais pas la solution.

Le capitalisme ne sera pas responsable. Il l’est déjà. Ou plutôt, il l’a longtemps été, quoi qu’en pensent les gauchistes dogmatiques. C’est le meilleur, ou le moins pire, des systèmes, et il était responsable, car il répondait à la mission que la société lui avait confiée. Créer de la richesse, des emplois, entretenir l’illusion plus ou moins forte d’une possible ascension sociale par le travail et l’éducation, participer à la société en la finançant par ses profits et ses obligations diverses, participer à l’équilibre entre les riches et les pauvres en permettant, par le travail et la progression hiérarchique et salariale, permettant au peuple de penser qu’il existe par sa consommation et sa position sociale. C’était sa mission. On lui a assigné cette mission. D’un « commun accord ». On ne peut rien lui reprocher. On ne pouvait lui reprocher quoi que ce soit, jusqu’à ce qu’il s’aperçoive de ses erreurs et de leurs conséquences. Mais à nouveau, il ne pouvait pas être seul, ni à décider, ni à payer. La mission devait être changée. L’ordre de mission, revu, corrigé, par l’ensemble de la société. Cela n’a pas été fait. Pas d’intellectuels pour prendre la plume. Pas de politique doté de vision. Le soldat entreprise restant sous pression de créer la richesse, seul, ne prenait que des initiatives limitées. Cosmétiques souvent. Et quand il faisait bien, personne ne voulait le lui reconnaitre. Il est coupable d’un manque de réaction face au désastre. Oui, comme les autres, mais au moins il essaie, de plus en plus chaque jour. Mais seul, il n’ira pas loin.

En conclusion, le capitalisme peut redevenir responsable une fois doté d’une nouvelle responsabilité, d’une nouvelle mission. La question était « de quoi » ? Pour qui ? Comment ? Il faut donc une nouvelle vision, un nouveau dessein, seul capable de fournir un nouveau destin. Et l’entreprise l’accomplira. Avec imperfection, comme l’État, mais dans les grandes lignes, elle le fera.  La responsabilité n’a pas de définition, elle est relative, dépendante d’un référentiel. Elle ne peut être mesurée qu’à cette aune. Nous avons TOUS la responsabilité de réécrire le futur, et les consignes à donner à la TOTALITE de la société, et pas seulement au « capitalisme ».  Nous pourrons alors poser la question d’un capitalisme responsable, car nous aurons à nouveau la possibilité d’en mesurer la réalisation.

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