Au-delà des oscillations des sondages, la victoire de Boris Johnson se dessine <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Europe
Au-delà des oscillations des sondages, la victoire de Boris Johnson se dessine
©Ben STANSALL / AFP

Disraeli Scanner

Lettre de Londres mise en forme par Edouard Husson. Nous recevons régulièrement des textes rédigés par un certain Benjamin Disraeli, homonyme du grand homme politique britannique du XIXe siècle.

Disraeli Scanner

Disraeli Scanner

Benjamin Disraeli (1804-1881), fondateur du parti conservateur britannique moderne, a été Premier Ministre de Sa Majesté en 1868 puis entre 1874 et 1880.  Aussi avons-nous été quelque peu surpris de recevoir, depuis quelques semaines, des "lettres de Londres" signées par un homonyme du grand homme d'Etat.  L'intérêt des informations et des analyses a néanmoins convaincus  l'historien Edouard Husson de publier les textes reçus au moment où se dessine, en France et dans le monde, un nouveau clivage politique, entre "conservateurs" et "libéraux". Peut être suivi aussi sur @Disraeli1874

Voir la bio »

Mon cher ami, 

Le sondage national de YouGov prédit-il le résultat comme en juin 2017 ? 

Encore douze jours avant que la Fortune ne bascule pour l’un ou l’autre camp ! Jeudi dernier, soit deux semaines avant le vote, YouGov a publié un sondage effectué auprès de 100 000 personnes et permettant de faire des pronostics circonscription par circonscription. Il y a deux ans, ce sondage avait annoncé, à peu de choses près, le résultat. Vous pensez comme il était attendu! Eh bien, le sondage détaillé donne 359 sièges aux conservateurs et 211 aux travaillistes - il faut 317 sièges pour faire une majorité. Les jeux sont-ils faits? Les équipes de YouGov ont constaté que l’avance des Tories s’était réduite au cours des huit jours où ils avaient effectué leurs interviews. d’autres sondages ont confirmé une tendance similaire, ces derniers jours, l’avance des conservateurs baissant aux environs de dix points. Et tous nos médias de citer l’un des oracles des variations de l’opinion, le Professeur Sir John Curtice, qui explique doctement que Boris Johnson est en train de faire le plein de voix pro-Brexit, alors que les voix pro-Remain sont encore divisées entre travaillistes et libéraux-démocrates - en Angleterre, s’entend: il suffirait, nous dit Sir John Curtice, que les opposants au Brexit votent utile, c’est-à-dire Corbyn, et Boris Johnson pourrait voir ses espoirs de majorité fondre comme neige au soleil. 

La cristallisation du vote du 12 décembre est en cours

Une fois que l’on fait la part du sensationnel entretenu par des gazetiers désireux d’entretenir le suspense auprès de leurs lecteurs, on commence à bien distinguer quelques tendances de fond: 

- malgré son comportement peu reluisant des deux dernières années, Corbyn continue à séduire l’électorat jeune: en particulier, il écrase les Tories dans la classe d’âge 18-24 ans. Une donnée importante du vote sera donc la participation des jeunes électeurs. S’ils se mobilisent massivement dans les régions Remain, cela permettra à Jeremy Corbyn d’augmenter son nombre de députés. 
- C’est dans l’Angleterre du Nord que le Labour pâtit le plus de son attitude pro-Remain. La capacité qu’auront les Tories à gagner dans cette région déterminera l’ampleur de la majorité. Le sondage de YouGov repère 76 circonscriptions très serrées entre les conservateurs et les travaillistes et prévoir que 43 d’entre elles basculeront en faveur du parti de Boris Johnson. 
- Il est certain que le maintien du Brexit Party dans huit circonscriptions très serrées entre les « bleus » et les « rouges » est à l’avantage de ces derniers et risque de réduire la majorité de Boris Johnson. Néanmoins, le retrait du Brexit Party de 350 circonscriptions est ce qui permettra, in fine, la victoire de Boris Johnson. 
- Les libéraux-démocrates sont certes passés de 8% à la dernière élection à 13% dans les actuels sondages. Mais cela ne leur permettra pas d’obtenir plus de 13 sièges au niveau national. 
- On notera qu’aucun des candidats «  rebelles » expulsés du parti conservateur n’a de chance de gagner. Sauf Dominic Grieve, dans la circonscription des Disraeli, même si Joy Morrissey, présentée par les Tories, lui donne du fil à retordre. 
- L’Ecosse devrait voir le parti nationaliste gagner huit députés de plus, les conservateurs en perdant deux et les travaillistes en perdant quatre ! Au contraire, au Pays de Galles, les Tories s’apprêteraient à gagner quatre sièges aux dépens des travaillistes. 

Ce qui se passe réellement dans l’opinion

Une fois que l’on est sorti des manchettes de journaux sensationnelles, on voit bien que le parti travailliste est très divisé. Les sections du parti dans le nord de l’Angleterre reprochent amèrement leur stratégie aux « Londoniens »; mais dès que certains commencent à lancer des oeillades aux électeurs pro-Brexit, c’est au sud qu’on se rebelle, au nom du vote utile. Pour ma part, je ne suis pas convaincu que l’électorat LibDem soit si facilement fongible dans le vote Labour. 

Il se passe en fait un double transfert: les conservateurs gagnent aux dépens du Labour ce qu’ils perdent aux dépens des libéraux-démocrates. Et il est psychologiquement improbable qu’un électeur conservateur centriste aille voter pour le mélange de socialisme, de gauchisme et d’antisémitisme dont est porteur la direction du Labour de Corbyn. Je fais donc le pari que le Labour est lui-même en train d’atteindre le maximum du ralliement des voix Remain. 

Dominic Cummings a raison de rappeler aux conservateurs que rien n’est gagné. La campagne sur le terrain dans les 76 circonscriptions en ballottage entre les deux principaux partis va faire rage dans les dix jours de campagne qui restent. Les Tories vont espérer que Donald Trump ne fasse pas de cadeau empoisonné, durant sa visite des trois prochains jours, au Premier Ministre, alors que ce dernier est à peine sorti de la campagne de Corbyn pour prouver qu’avec les Tories le National Health Service serait à vendre aux capitaux privés américains. Mais somme toute, les grandes tendances sont là. Et si l’on devait voir un mouvement de dernière minute, je suis convaincu qu’il s’agira de mouvements favorisant le parti conservateur: soit que des électeurs Remain du parti Tory renoncent à voter LibDem; soit que des partisans du Brexit Party votent utile dans les circonscriptions les plus disputées avec le Labour. 

Mon cher ami, je vous souhaite une excellente semaine malgré le jeudi de grève qui vous attend dans les transports. N’y voyez aucune perfidie de ma part ! 

Bien fidèlement à vous 

Benjamin Disraëli

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !