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5 décembre : dans la cocotte minute de l’opinion
©Reuters

Cocotte minute

La manifestation du 5 décembre prochain promet d'être massive, mais dans quelle mesure cette mobilisation découle-t-elle du mécontentement des Français, déçus par un président agissant au jour le jour sans plan à long terme ?

David Nguyen

David Nguyen

David Nguyen est directeur conseil en communication au Département Opinion et Stratégies d'Entreprise de l'Ifop depuis 2017. Il a été conseiller en cabinet ministériel "discours et prospective" au ministère du Travail (2016-2017) et au ministère de l'Economie (2015-2016). David Nguyen a également occupé la fonction de consultant en communication chez Global Conseil (2012-2015). Il est diplômé de Sciences-Po Paris. 
 
Twitter : David Nguyen
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Atlantico : Une étude de BVA montre qu'une majorité de Français estime qu'Emmanuel Macron agit au jour le jour. Dans quelle mesure les mobilisations massives du 5 décembre illustrent-elle un mécontentent lié à l'absence de représentation politique satisfaisante ?

David Nguyen : Nous sommes à un moment du quinquennat d'Emmanuel Macron où tout le monde retient son souffle. Après des débuts très volontaristes (ordonnances travail, ISF, réforme SNCF), suivis d'une longue période de gestion de la crise des gilets jaunes (mesures sociales, grand débat national), la grande question est de savoir si à mi-mandat l'exécutif va réussir à renouer avec sa capacité à réformer ou au contraire plonger dans un nouveau conflit social dur. Nous ne sommes plus au lendemain de l'élection présidentielle, quand la légitimité à agir était forte, l'attentisme bienveillant de mise et que le macronisme était encore un objet politique non identifié suscitant peu d'oppositions. Depuis, les clivages se sont exacerbés, le débat public s'est tendu et les Français commencent à exiger des résultats. La réforme des retraites, même si elle a donné lieu à de longues consultations menées par Jean-Paul Delevoye et même si le gouvernement est plutôt dans une posture de négociation, s'engage dans un climat social explosif. Aux mobilisations éparses mais répétées des gilets jaunes vont s'ajouter des grèves structurées et paralysantes qui vont tendre d'emblée le rapport de force. Reste que le gouvernement conserve au moins deux atouts politiques : les partis d'oppositions sont toujours très affaiblis, notamment après leurs résultats aux élections européennes de mai 2019, et les sympathisants LREM expriment un soutien sans faille au président de la République et à son action. 

Un peu moins de la majorité des Français est opposée aux régimes spéciaux des retraites (sondage Ifop); pour autant, ils seront nombreux à soutenir la manifestation du 5 décembre. Il y a donc véritablement un mouvement de fond. Par quoi est-il alimenté ?

Ce paradoxe s'explique par le fait qu'il est question ici d'une réforme globale. Les Français ont compris qu'il ne s'agissait pas seulement de mettre fin aux régimes spéciaux, mais bien de modifier l'ensemble du système des retraites. Nous ne sommes plus dans le cadre de la réforme de la SNCF du printemps 2018 qui était soutenue par une majorité des Français parce qu'elle ne concernait que les cheminots. Désormais, tout le monde se dit qu'il va peut-être y perdre. L'argument de la fin des "inégalités" entre régimes de retraites ou de l'équilibrage financier du système ne suffisent pas. Il faut aussi rassurer sur les conséquences concrètes pour chaque Français en matière de pouvoir d'achat, de niveau futur des pensions. Et le problème actuel est bien là : parce que le gouvernement prend son temps pour ne pas tendre le débat, les contours de la réforme sont flous et il est difficile de présenter les éventuels bénéfices concrets et individuels que les Français pourront en tirer.  

Les mobilisations des Français sont différentes selon leur orientation politique. Comment expliquer que ce mouvement n'ait pas transcendé les logiques partisanes ?

Selon un sondage de l'Ifop publié le 21 novembre dernier, le mouvement du 5 décembre est considéré comme "justifié" par 98% des sympathisants FI, 88% des PS, 76% des RN et seulement 24% des LREM et 43% des LR. On constate donc effectivement des clivages politiques très clairs, à la fois selon l'axe "ouvert/fermé" et "gauche/droite". Il y a d'un côté les personnes proches des formations les plus radicalement opposées au pouvoir actuel - FI et RN - qui soutiennent massivement les grèves à venir, de l'autre les sympathisants LREM qui expriment un point de vue diamétralement opposé. C'est à la fois la conséquence d'un rapport opposition/majorité classique, mais aussi de deux visions de la nécessité ou non de transformer le modèle social français. En parallèle, on retrouve le clivage gauche-droite entre les sympathisants PS en forte opposition à la réforme et les LR qui y sont majoritairement favorables. Le gouvernement va peut être se fonder sur cet état de l'opinion en insistant sur la nécessité de réformer, d'équilibrer les comptes et de moderniser le système - un discours auquel sont sensibles les électeurs LREM et LR - tout en essayant de rassurer une partie de l'opposition sur les conséquences de la réforme en matière de pouvoir d'achat. 

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