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Plan d'urgence pour l'hôpital public : comment le gouvernement ménage dangereusement la chèvre et le chou
©MARTIN BUREAU / AFP

Mesures

Le Premier ministre Edouard Philippe et la ministre de la Santé Agnès Buzyn ont dévoilé ce mercredi plusieurs mesures afin de répondre à la crise au sein de l'hôpital public et afin de répondre au malaise du personnel hospitalier.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Edouard Philippe a annoncé ce matin des mesures d’urgence pour les hôpitaux publics. Ce plan était très attendu, et avait été présenté, grâce à des fuites organisées par le gouvernement, comme une grande victoire d’Agnès Buzyn sur Bercy. Finalement, le détail des décisions prises montre l’incapacité de l’équipe en place à penser de vrais chocs systémiques et sa stratégie de mesures techniques modérées et savamment pensées. Avec 500 millions supplémentaires en moyenne par an pendant trois ans, on doute que les personnels soient vraiment convaincus par l’exercice…

Après la grève des hôpitaux de la semaine dernière, et avant la grève du 5 décembre qui devrait paralyser le pays, le gouvernement avait annoncé qu’il abattrait un atout pour renverser le cours du jeu. Après plus de six mois de grève pacifique dans les services d’urgence, exténués par une organisation bureaucratique de plus en plus étouffante, l’Etat employeur s’est enfin décidé à jouer son rôle de décideur.

Seulement voilà, les annonces qui sont tombées ce matin ont six mois de retard (on retrouve ici le retard à l’allumage déjà cruel au moment de la crise des Gilets Jaunes) dont le pouvoir exécutif macronien est coutumier paraissent bien pâles par rapport aux attentes que le gouvernement avaient lui-même nourries.

Des demi-mesures pour les hôpitaux

Edouard Philippe voulait frapper fort. Il a annoncé 1,5 milliards supplémentaires mobilisés sur trois ans, dont 300 millions supplémentaires dès 2020. Il a aussi annoncé une reprise de 30% de la dette des hôpitaux par l’Etat, ce qui devrait donner un peu de mou sur la corde budgétaire très tendue. Il promet une prime annuelle de 800 euros pour les personnels soignants d’Ile-de-France gagnant moins de 1.900 euros mensuels.

Point par point, ces mesures ne manqueront pas de paraître fades. Pourquoi reprendre 10 milliards seulement sur les 30 gros milliards de dettes actuelles ? Pour ne pas plomber les comptes publics pardi. Sauf qu’il en reste 20 à charge pour les hôpitaux, qui trouvent ici un peu de respiration, mais certainement pas le grand bol d’air frais attendu. Quand à la prime de 800 euros, le diable, comme toujours, se cachera dans les détails.

On sait d’expérience que ce genre de mesure crée toujours autant de frustrations chez ceux qui ne la perçoivent pas que de satisfaction chez ceux qui la perçoivent.

Une insatisfaction très prévisible

Outre que ce plan, nous l’avons dit, est très tardif, il pose une vraie difficulté : il est très en-deçà des attentes exprimées par les grévistes. Ainsi, au moment de la grève de la semaine dernière, la CGT avait expliqué de façon carrée qu’elle voulait un ONDAM hôpital de 4% (pour une inflation spontanée estimée des dépenses de santé d’environ 4,5%). Autrement dit, les syndicalistes les mieux organisés ont donné la semaine leur feuille de route au gouvernement : il faut augmenter le budget des hôpitaux de 4% au moins.

Selon la Fédération des Hôpitaux de France (FHF, qui regroupe les hôpitaux publics), le plan d’Edouard Philippe permet d’atteindre un ONDAM en hausse de 2,5%, contre les 2,1% actuellement discutés en projet de loi de financement de la sécurité sociale. Politiquement, on est donc loin du compte.

De leur côté, les organismes complémentaires santé ont annoncé une hausse de leurs tarifs de 3% pour 2020. Le gouvernement peinera donc à plaider que les tarifs de la santé publique ne peuvent guère suivre ceux de la santé privée. Tout indique que le plan annoncé comme un atout majeur apparaisse comme une carte secondaire dans un jeu déjà bien engagé.

La manie de la demi-mesure bourgeoise perdra Emmanuel Macron

On retiendra donc de ce plan qu’il est tout entier oint de la prudence bourgeoise qui caractérise le style Macron. Ce qui paraît un geste énorme pour ceux qui ont fait une clé de bras à Bercy a un goût de mièvre pour le reste du pays. Alors que la dette française dépasse les 2.000 milliards, une reprise de 10 milliards supplémentaires est présentée comme un effort surhumain. Alors que les Français sont fondamentalement attaché à un système de santé proche d’eux et de bon niveau, le gouvernement peine à trouver 300 millions en 2020 pour panser les plaies, et présente cette laborieuse trouvaille comme une nouvelle page de l’histoire qui s’écrit.

Jamais on n’a vu un tel décalage entre les attentes ordinaires et la ridicule incapacité d’imagination du pouvoir en place. Au lieu de se camper en grand faiseux, Edouard Philippe apparaît comme un arbitre timide entre la volonté du pays et l’avarice de Bercy.

Ce faisant, il ne contente ni les uns, ni les autres, et c’est bien ce qui perdra ce gouvernement, et probablement ce régime. A force de pratiquer la demi-mesure avec le ton du bretteur gascon, l’exécutif va se griller définitivement les ailes et susciter une exaspération dont il n’a probablement pas l’idée.

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