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François Fillon sur une autre planète...
©ERIC FEFERBERG / AFP

La Suisse n'est pas si loin

François Fillon a accordé un entretien à la télévision suisse sur la chaîne RTS. L'ancien candidat à l'élection présidentielle s’est notamment exprimé sur la crise des Gilets jaunes, sur Emmanuel Macron et sur l’état de la droite.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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S'il y a un sujet sur lequel on ne l'attendait pas François Fillon, c'est bien celui du concours de la plus grosse... manif à son actif. Impossible de résister à l'allusion. Maniant l'ironie, l'ancien Premier Ministre, candidat malheureux à l'élection présidentielle de 2017, s'est vanté d'avoir connu, au moment de la réforme des retraites de 2003, des manifestations  bien plus importantes en nombre, que  celles des Gilets Jaunes pendant la saison 2018-2019. Toute ironie mise à part, cette déclaration est extraite d'un l'entretien accordé à la télévision suisse romande, à l'occasion du salon Communica qui se déroulait à Genève. Et le moins que l'on puisse dire, est que l'ancien locataire de Matignon, (- qui au départ ne voulait pas parler politique), d'habitude tout en retenue, tout en silence depuis son échec, s'est lâché sans langue de bois. Mais ces réflexions livrées  par un homme qui passe beaucoup de temps à l'étranger depuis qu'il a quitté la vie politique montrent qu'il s'est aussi déconnecté des réalités hexagonales depuis qu'il a tourné la page...

"Si on réfléchit bien, c'est pas grand-chose, cette affaire de Gilets jaunes. Il y a eu au maximum des manifestations 150.000 à 180.000 personnes dans toute la France... Je vais être un peu prétentieux mais quand j'ai fait la réforme des retraites, j'ai mis 2 millions et demi de personnes dans la rue" a relevé sur un ton mi- badin, mi-bravache, l'ancien Premier ministre, qui raille celui qui a conquis le fauteuil qu'il briguait : "Macron, c'est un petit joueur... Pourtant il va reculer. Pourquoi? parce qu'il y a cette puissance médiatique, cette puissance de l'image, des réseaux sociaux , qui fait qu'on a l'impression que la France est à feu et à sang...Et Emmanuel Macron va se lancer dans cette affaire de grand débat qui aura des conséquences fâcheuses sur la suite de sa volonté de réformes...Si cette crise a déstabilisé un gouvernement légitime venant d'être mis en place, ce n'est pas bon signe", assène ce fan des nouvelles technologies  qui fut l'un des premiers twitteurs... 

Au passage François Fillon glisse qu'en son temps il avait tenu bon...et qu'il n'est pas sûr qu'Emmanuel Macron réussira, quant à lui,  à mener à bien "sa" réforme des retraites. On pourrait lui objecter que la réforme Fillon n'a pas suffi pour régler le problème, puisqu'il est  à nouveau à l'ordre du jour...Mais par delà cette querelle d'ego de chefs, François Fillon  qui se trouvait en Chine au plus fort de la crise des gilets jaunes, n'a manifestement pas pris la mesure de l'ampleur de la crise à son retour. Car il  s'agissait d'une protestation autrement plus protéiforme que la contestation d'une réforme, fut-elle douloureuse, puisque les gilets jaunes étaient en révolte à la fois contre la hausse des carburants, le manque de services publics, les pensions alimentaires impayées, le sentiment de déclassement et d'abandon, et... la mondialisation. Et même si les mesures prises pour calmer la contestation n'ont pas réglé tous les problèmes, elles ont, avec le grand débat,  au moins permis de ramener le calme dans le pays. Ces réflexions à chaud de l'ancien candidat renvoient à son propre programme et aux réformes radicales qu'il prônait, notamment en matière de réduction du nombre de fonctionnaires. L'imagine-t-on, inflexible, au nom de l'équilibre budgétaire, face à  une contestation comparable voire plus grave que  celle qui a secoué le pays l'hiver dernier ?

Enhardi par la franchise de son interlocuteur le journaliste lui a demandé s'il avait éprouvé les "3 R, regrets, remords et rancune", après sa défaite de 2017, l'ancien candidat de la droite a répondu, " les trois, forcément", avant d'ajouter : " Il y a de la rancune, mais je tourne la page, je fais autre chose, je regarde devant. Maintenant, il y a des comportements humains qu'on ne peut pas pardonner… Je pense que la droite française s'est suicidée avec ses divisions ! Ça ne commence pas avec la campagne présidentielle, c'est plus ancien. C'était intéressant de voir aux obsèques du président Chirac tous ces hommes et ces femmes qui s'étaient battus les uns contre les autres… Depuis une vingtaine d'années, il y a des batailles uniquement personnelles, uniquement individuelles, d'ego, et il n'y a pas beaucoup de débats idéologiques ! Ce qui a animé la droite depuis ces vingt dernières années, ce n'est pas le débat idéologique". Il en sait quelque chose pour y avoir pris sa part.

François Fillon  se fait plus grave lorsqu'il s'interroge, à propos de l'Europe : "cette Europe qui est vieille, qui est fatiguée, ne croit plus à grand chose,  qui a tendance à se replier sur les communautés, est ce que ce mouvement là est un mouvement historique profond, et personne ne pourra aller contre (- l'empire romain s'est bien effondré)? ou est-ce qu'il y a, à un  moment un homme qui aura cette force pour aller contre ? Je ne sais pas" , s'est interrogé François Fillon. "Est ce que cela peut être Emmanuel Macron" ?, lui a malicieusement demandé son  interviewer. " Pourquoi pas ?" a répondu François Fillon, qui ignorait sans doute à ce moment que la candidate d'Emmanuel Macron avait été sèchement retoquée par le Parlement européen...

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