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A la recherche de l’accord perdu : les tentations chimériques de Boris Johnson
©Oli SCARFF / AFP

Atlantico Business

Le gouvernement britannique va proposer jeudi à Bruxelles une proposition pour régler la question de la frontière irlandaise afin de mettre en place un Brexit qui ne réveillerait pas les antagonismes historiques entre les deux Irlandes.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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« Puisque les Anglais ont voté pour le Brexit, qu’ils fassent le Brexit». A Bruxelles, les Européens considèrent qu’il faut désormais fermer le dossier.

Boris Johnson a compris qu’il n’obtiendrait plus rien des Européens. Il a donc enfin reconnu que son gouvernement ne souhaitait pas reconstruire une frontière entre les deux Irlandes. Il va proposer à l’Union Européenne de créer des centres de dédouanage des deux côtés de la frontière irlandaise afin d’éviter des contrôles sur la frontière qui ne sera pas matérialisée.

Les praticiens de la logistique et les experts ne voient pas très bien comment le système pourra fonctionner mais si ça permet de débloquer la situation pourquoi pas !

Cette question de la frontière entre l’Irlande (au sud), membre de l’Union européenne et l’Irlande du Nord qui fait partie du Royaume-Uni avait été une des plus difficiles à résoudre dans la mise en place du deal négocié par Theresa May.

Chacun reconnaissait que les antagonismes entre les deux Irlandes avaient été dans le passé très violents.

Les deux Irlandes étaient trop différentes entre le Nord, très british, très protestant et très riche. L’Irlande du Sud, plus pauvre à majorité catholique mais plus peuplée aussi. Les oppositions étaient telles que les gouvernements avaient dû ériger une frontière matérielle très fermée avec des points de passage difficiles à franchir. Bref, il n’y a pas si longtemps il y avait un mur (comme à Berlin avant). Tout cela sur fond de terrorisme.

La création de l’Union Européenne et l’adhésion de la Grande Bretagne avait permis de quasiment réunifier les deux Irlandes sous la bannière de Bruxelles. L’abondance des fonds structurels et les tolérances fiscales ont permis aussi d’accélérer le développement économique de l‘Irlande du Sud et ce faisant, le rapprochement entre les deux communautés.

Aujourd’hui, les nouvelles générations considèrent appartenir à un seul et même pays. Le problème, c’est que les administrations sont restées différentes, le Nord a continué de travailler sous la tutelle de Londres et le Sud a profité de son indépendance au sein de l’Union européenne.

Il est évident qu’un Brexit qui n’aurait pas pris en compte ces spécificités aurait créé un clivage difficile à gérer, sur le plan non seulement économique mais aussi social et politique. Les populations ne sont pas prêtes à accepter a nouveau un retour à la séparation.

Le problème, c’est que dans le cadre d’un Brexit, l’absence de frontières entre les deux Irlandes n’était pas plus acceptable par les partisans du Brexit.

Michel Barnier, le négociateur pour l'UE, s'était entendu avec l'ancienne Première ministre britannique Theresa May sur une «clause de sauvegarde» («backstop»). Cette clause de sauvegarde prévoit que le Royaume-Uni restera dans une union douanière avec l'UE jusqu'à la mise en place d'«arrangements de substitution» qui éviteraient le retour à une frontière dure dans le cadre d'un accord de libre-échange.

C’était politiquement assez malin, puisqu’en fait on acceptait le Brexit de part et d’autre, et notamment la zone de libre-échange, mais on remettait à plus tard la mise en place d’arrangement de substitution ou alternatif, qui aurait évité le retour à une frontière dure.

En bref, on bougeait tout avec un Brexit, mais on ne changeait rien avec le report de la négociation des modalités pratiquées. On se donnait même des délais très larges.

Boris Johnson a évidemment refusé cette clause puisqu’elle portait la signature de Theresa May. Sauf que s’il veut éviter le retour d’une situation tendue entre les deux Irlandes, il reconnait qu il faut trouver une solution. D’où l’idée d’installer à 5 ou 10 km de la pseudo frontière, des centres de dédouanement dans lesquelles les formalités pourraient se faire très rapidement. Et surtout ça éviterait la création de postes frontières.

Plus on approche de la date butoir du 31 octobre, plus la situation devient absurde, cocasse et compliquée pour les différents opérateurs. En gros, il ne reste plus que deux scénarios possibles.

1er scénario : Très improbable. La Grande Bretagne demande un nouveau délai pour se refaire une doctrine, éventuellement négocier un nouveau deal, ou alors organiser de nouvelles élections si les sondages nous indiquent que la majorité des Anglais qui ont voté le Brexit, estiment qu’ils n’avaient pas les informations claires sur les conséquences du Brexit. Mais dans ce cas, ce deuxième scénario ne peut pas s’écrire avec Boris Johnson, sauf si Boris Johnson jouait comme Alexis Tsipras en Grèce. Il finirait par accepter le contraire de ce pourquoi il est arrivé au pouvoir. C’est peu probable.

2e scénario. Le Brexit aura bien lieu le 31 octobre mais la Grande-Bretagne resterait dans l’union douanière le temps de négocier les modalités pratiquées. La plupart des opérateurs commerciaux se préparent à cette hypothèse. Ils s’organisent coté continent à mettre en place des contrôles douaniers intelligents, c’est à dire digitaux, qui permettront des passages très rapides. En gros, ils le font déjà pour contrôler la nature des produits exportés et surtout importés. Il faut simplement en amont un travail très rigoureux des entreprises de l’import-export. Toute la question est de savoir ce qui se passera du côté anglais. Mais à priori, les Britanniques n’ont aucunement intérêt à bloquer les flux d’importation. Ils ont plus besoin des produits européennes que les Européens ont besoin du marché anglais même si le marché anglais est important.

Ce 2e scénario revient pour les Anglais à couper les relations administratives et politiques avec l’union douanière, mais à continuer à commercer avec l’Europe à condition de respecter les normes et les règles de l’UE.  Les Anglais vont donc se retrouver dans une situation sur laquelle ils n‘ont plus la possibilité d’intervenir dans la définition des normes et des procédures qu’ils devront pourtant appliquer.

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