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Marine Le Pen : retour aux fondamentaux (et au plafond de verre)
©CLEMENT MAHOUDEAU / AFP

rentrée politique

Marine Le Pen a réussi à se hisser au premier rang de l’opposition mais ne semble pas capable de chasser les voix de l’électorat conservateur classique. Elle reste antisystème et populiste. Marion Maréchal l’a compris et veut se démarquer via sa stratégie d’union des droites.

Frédéric Mas

Frédéric Mas

Frédéric Mas est journaliste indépendant, ancien rédacteur en chef de Contrepoints.org. Après des études de droit et de sciences politiques, il a obtenu un doctorat en philosophie politique (Sorbonne-Universités).

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Que peut-on retenir du discours de rentrée politique de Marine Le Pen ?

Ce qui me semble remarquable, c’est surtout son absence d’originalité. Il n’y a pas grand-chose de nouveau dans le discours de rentrée, assez scolaire quand on y pense, de Marine Le Pen. Elle répète les formules qui lui ont valu son succès aux scrutins précédents, tout en gardant pour objectif la prochaine présidentielle de 2022 : l’autorité au sommet, l’opposition aux privatisations, la coupure entre le peuple et ses élites, tout ça sonne comme la campagne présidentielle de 2017 avec quelques aménagements pour coller à l’actualité d’aujourd’hui. C’est assez révélateur, en creux, de la confiance toute relative que le leader du RN porte en ses troupes pour les municipales. L’implantation locale est un problème de longue date pour la formation d’extrême-droite qui n’a pas trouver de solution, à quelques exceptions géographiques près, en particulier dans le Sud et les Hauts de France.

Le 11 septembre, un sondage pour BFM TV révélait que Marine Le Pen était toujours considérée comme la meilleure candidate par les sympathisants du RN devant Marion Maréchal. Pour autant l'influence de Marion Maréchal reste présente. L'autorité de Marine Le Pen sur son parti est-il aussi solide qu'elle le semble ?

Marine Le Pen a dû gérer ces dernières années plusieurs crises internes au RN, qui se sont traduites, entre autres, par le départ de Marion Maréchal et Florian Philippot en 2017. Marion Maréchal incarnait l’aile « traditionaliste », c’est-à-dire plus proche des idées de son grand-père Jean-Marie et soucieuse de refonder intellectuellement la droite de la droite, tandis que Florian Philippot était plus « rupturiste », et militait pour une refonte entièrement national-souverainiste de la formation d’extrême-droite. Après leur départ, il semblerait que les tensions se soient atténuées. Il n’y a plus que Marine Le Pen pour occuper le débat, penser la stratégie et orienter le contenu des programmes. L’autorité de la présidente du RN me semble donc solide, mais au prix d’un certain appauvrissement du débat interne. Ce n’est pas sans rappeler la situation du Front national de 1998 après la crise mégrétiste qui a vu le départ de la plupart des cadres du parti.

Le logiciel proposé par Marine Le Pen, s'il lui a permis de se hisser au premier rang de l'opposition, semble incapable de lui permettre de remporter une élection présidentielle. Dans ces circonstances, la stratégie de Marion Maréchal pourrait-elle servir de recours à un RN en quête d'Elysée ? 

Marine Le Pen occupe une niche électorale importante, qui malheureusement pour elle, ne semble pas suffisante pour la porter au pouvoir suprême. En choisissant délibérément un discours de rupture populiste, antilibéral et contestataire, elle cible les classes populaires, la France d’en bas qui perçoit la mondialisation essentiellement comme une menace pour l’identité nationale et le modèle social français. C’est un discours qui acte la sécession entre le peuple et ses élites, et qui est en quelque sorte le pendant du centrisme autoritaire et élitaire de LREM, qui lui a choisi d’ignorer superbement les attentes des classes populaires notamment après la crise des Gilets jaunes. 

Seulement, dans un cas comme dans l’autre, on a l’impression qu’ils ne sont plus capables de sortir de leur niche électorale pour parler à l’ensemble de la population. Le morcellement social du pays, ou son archipélisation, pour emprunter l’expression à Jérôme Fourquet, doublé de l’extrême polarisation du débat public ont rendu tout dialogue politique transpartisan difficile à établir. Or remporter le scrutin présidentiel suppose de pouvoir s’adresser au-delà du cercle des convaincus, vers ces indécis prêts à vous écouter pour éventuellement voter pour vous. En d’autres termes, pour que Marine Le Pen puisse remporter la mise, il faudrait qu’elle réussisse aussi à s’adresser à l’électorat d’Emmanuel Macron, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.

Marion Maréchal pourrait-elle servir de recours au RN pour faire sauter ce plafond de verre ? Il me semble qu’on peut faire trois remarques sur le positionnement actuel de Marion Maréchal. 

Premièrement, Marion Maréchal, en se retirant de la vie politique du RN, le tout pour se consacrer à son école de formation, ne semble pas avoir de visée électorale immédiate. Elle souhaite d’abord peser dans le débat public, à droite en particulier. Mais ce n’est pas une stratégie d’influence visant exclusivement le Rassemblement national. 

Deuxièmement, si la stratégie de Marion Maréchal n’est pas électorale, du moins pour l’instant, elle est idéologique : elle vise essentiellement à faire naître un courant conservateur à la française, un peu sur le modèle de celui américain. Investir le combat des idées pour peser dans les médias et les appareils politiques peut être payant, mais la base sociologique, et donc électorale, d’un tel courant en France reste assez mince. 

Troisièmement, pour que Marion Maréchal change la donne au sein du RN, il faudrait que Marine Le Pen accepte de voir revenir sa rivale la plus dangereuse. C’est pour ça que ça me semble assez improbable. 

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