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PMA / GPA : la guerre idéologique est-elle perdue ?
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Combat politique

Une enquête de l'Ifop pour CNews et Sud Radio révèle que les Français n'ont jamais été aussi nombreux à soutenir la PMA. Le soutien à la GPA atteint lui aussi un niveau record. 68% des sondés approuvent l'ouverture de la PMA aux femmes seules.

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

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Atlantico.fr : Un sondage IFOP pour CNews et Sud Radio semble montrer qu’une majorité de Français est favorable à l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, voire même à la GPA. Le combat des opposants à la PMA est-il perdu ? 

Bertrand Vergely : Si on appelle victoire politique le fait que la PMA va être votée, les partisans de celle-ci ont gagné et leurs adversaires ont perdu. Maintenant, s’agit-il d’une vraie victoire ? 

On imagine mal un sondage qui aurait annoncé que la majorité des Français est opposée à la PMA. Si tel avait été le cas, le gouvernement qui est suspendu à la com. aurait immédiatement opéré un rétropédalage. Pour éviter cette situation, il a pris les devants en organisant il y a un an des états généraux de la bioéthique afin de s’assurer que le vote de la PMA était jouable.  À l’époque, les discussions avaient montré que les Français n’étaient pour la PMA qu’à une courte majorité, ce qui avait étonné les journalistes qui s’attendaient à plus.  Aujourd’hui, c’est encore le cas. La majorité des Français pour la PMA est courte et fragile. Témoin le fait de dire que les Français « semblent » pour la PMA.  Manifestement cette adhésion n’est pas écrasante. Mais on fait comme si elle l’était en transformant la courte majorité en majorité. Dans ce contexte, un sondage ne prouve rien. 

Quand les hommes politiques sont gênés par un sondage qui ne leur est pas favorable, ils clament haut et fort que l’on ne gouverne pas à coups de sondages. Quand un sondage leur est favorable ils clament haut et fort que leur politique est la bonne puisqu’elle fait ce que les Français désirent.. À cet égard, il est intéressant de voir comment la question est abordée.

Quand on demande : « Êtes vous pour l’ouverture de la PMA à toutes les femmes ? », la question est piégée et la réponse est courue d’avance. Les termes « ouverture » et « toutes les femmes » impressionnent.  L’ouverture, qui va être contre ? Qui va dire qu’il est pour la fermeture ?  Quant à la formule « toutes les femmes », ce terme qui parle d’égalité lui aussi impressionne. Qui va être contre ? Qui va dire qu’il est pour l’inégalité, alors que matin, midi et soir les medias nous serinent qu’il ne faut pas discriminer ?  Enfin, à l’heure où des femmes sont victimes  des violences, qui va oser dire qu’il est contre la PMA pour « toutes » les femmes en prenant le risque d’apparaître comme antiféministe ?  D’où le résultat du sondage sur la PMA, personne ne vouant apparaître comme fermé, contre l’égalité et antiféministe.

Perverse dans sa forme, la formule « PMA pour touts les femmes » l’est sur le fond. Qui est concerné par la PMA ? Les couples hétérosexuels confrontés à un problème de stérilité, les couples de femmes homosexuelles et les femmes seules. Au nom de l’égalité, tout ce monde est mis dans le même sac. Cette confusion relève de la supercherie. Les couples hétérosexuels qui demandent la PMA ne demandent pas l’impossible. Ils sont stériles. S’ils le pouvaient, ils se passeraient volontiers de la PMA. Les femmes homosexuelles qui demandent la PMA ne sont pas stériles. Elles demandent l’impossible à savoir que deux femmes puissent avoir un enfant. Quant aux femmes seules qui demandent la PMA, elles ne sont ni stériles ni en quête d’impossible. Elles ne veulent pas d’homme dans leur vie et de père pour élever leur enfant. Mettons toutes ces demandes de PMA dans le même sac. On fait passer la violence qui consiste à vouloir l’impossible et celle qui consiste à exclure le mari et le père en masquant cette violence derrière un secours porté aux femmes  en mal d’enfant. On occulte l’agression perpétrée contre le masculin, le mari et le père.

Quand Christiane Taubira a présenté le mariage pour tous, elle a parlé d’étendre le mariage à d’autres couples. Procédé habile. Parlez d’étendre le mariage à tous les couples, vous faites plaisir aux progressistes qui veulent le mariage gay et vous damez le pion aux conservateurs en expliquant que le mariage va être non pas détruit mais étendu. Aujourd’hui, le gouvernement recourt à ce même procédé. En proposant d’ouvrir la PMA à toutes les femmes il fait plaisir aux progressistes qui veulent la procréation  et la famille gay tout en expliquant que ce projet s’adresse à toutes les femmes et respecte la personne humaine.  

Enfin, on peut s’interroger sur la victoire politique que le vote de cette loi va exprimer. Quand François Hollande a proposé le mariage pour tous, il a expliqué vouloir faire advenir une société apaisée. Il n’a pas apaisé la société. Il l’a divisée comme jamais.  Aujourd’hui Emmanuel Macron, parle lui aussi de vouloir établir une société apaisée. Est-il en train de créer une société apaisée ?  Non. La société est divisée comme jamais. Ces échecs ont une raison profonde. 

Quand les juristes se sont penchés sur le mariage pour tous, ils se sont aperçus qu’aucun texte de loi ne mentionnait que le mariage est par définition un mariage entre un homme et une femme. Même chose en ce qui concerne les enfants. Aucun texte de loi ne mentionne qu’un enfant se fait par une femme et un homme et s’éduque par un père et une ère.  Les partisans du mariage pour tous et de la PMA se sont engouffrés dans ce vide.

Essayez de dire aujourd’hui que se marier, faire un enfant et l’élever ne peut se faire qu’entre un homme et une femme. Vous allez passer  pour un horrible réac homophobe. Les partisans du mariage pour tous en ont profité et en profitent encore. Puisqu’aucune loi ne dit que le mariage et l’enfant ne peuvent se faire que par un homme et une femme, c’est qu’il n’y a pas de loi. Comme il n’y a pas de loi, on peut faire ce que l’on veut et appeler loi ce qui arrange. Il suffit pour cela d’avoir une majorité à l’assemblée et des sondages favorables. 

Jusqu’à présent,  il n’y a pas eu  de loi disant qu’il faut un homme et une femme pour se marier, faire un enfant et l’éduquer, pourquoi ? Parce que le monde était guidé par le respect pour la loi non écrite. Il est heureux d’être guidé par une telle loi. On se situe au-delà de la loi humaine et de ses disputes. La vie ne dépend pas d’un rapport de forces et d’une majorité électorale. Faisons passer les règles qui la  gouvernent de la loi non écrite à la loi écrite. On fait dépendre la vie des rapports de force entre êtres humains et des majorités de circonstances. La vie était protégée. Elle ne l’est plus. 

Dans notre monde a dit Michel Foucault, qui aura le biopouvoir aura le pouvoir. Avec le mariage pour tous et la PMA c’est chose faite. Le mariage et la vie n’appartenaient à personne. Désormais, ils appartiennent à la politique, à la médecine et au droit. La vie n’appartenant plus à la vie,  nous sommes en train de vivre le plus fantastique transfert de pouvoir  jamais opéré dans l’histoire de l’humanité. 

Si l’on compte les abstentions Emmanuel Macron n’a été élu que par 25% des Français. Avec 25 % du corps électoral en sa faveur il a pris le pouvoir à l’assemblée. Cette assemblée va voter la PMA. Cela veut dire que celle-ci va être votée non pas par la majorité réelle des Français mais par une majorité fictive se révélant  être une minorité. Les promoteurs de la PMA font croire le contraire. Ils clament haut et fort que la majorité des Français les soutient. Comme le fait le sondage qui vient de sortir. Et la supercherie passe comme une lettre à la poste. 

Quels arguments n’ont pas été évoqués et auraient pu changer  la majorité des Français favorable à la PMA ?

Cinq raisons de fond s’opposent à la PMA. 

- Première raison, la raison. Deux femmes ne peuvent avoir un enfant. Par la loi et un technique médicale cette impossibilité va être contournée. On rend l’impossible possible. Et de ce fait on change d’humanité. Le couple homme-femme cesse d’être le seul couple à pouvoir faire un enfant. Il est annihilé en tant que couple fondateur de la vie. Dans le même temps, on utilise quand même le sperme masculin pour faire un enfant. D’où un état de schizophrénie. Alors que d’un côté on explique qu’un homme et une femme ne sont plus nécessaires pour donner la vie, d’un autre on ne peut pas s’en passer. Installer cette contradiction, c’est rendre l’humanité folle. Refuser la PMA pour toutes les femmes c’est refuser ce qui veut rendre fou. 

- Deuxième raison, les principes. La République se fonde sur la liberté, l’égalité et la fraternité. 

Avec la PMA, plus de fraternité, les femmes pouvant faire des enfants entre elles rien qu’avec du sperme masculin sans passer par un homme.  Plus de collaboration nécessaire entre l’homme et la femme pour donner la vie.

Avec la PMA pour toutes les femmes, liberté pour les adultes de faire des enfants comme bon leur semble,  pas de liberté pour l’enfant à qui on supprime son père d’office en faisant de lui un orphelin. 

Enfin, avec la PMA pour toutes les femmes,  égalité entre les couples homos et hétéros mais pas d’égalité pour l’enfant né sous une PMA, celui-ci n’ayant plus qu’une demi-famille.  

- Troisième raison, le respect de la personne humaine.  Réduit à n’être plus qu’un phallus bon à donner du sperme l’homme n’est pas respecté. Évincé dans l’éducation, le père est éliminé. Enfin, le droit à l’enfant l’emportant sur le droit de l’enfant, l’enfant est le grand sacrifié de la PMA pour toutes les femmes. Qu’il soit un orphelin condamné à une demi-famille, celle-ci s’en moque. 

- Quatrième raison, la morale. Quand on fait remarquer que l’enfant n’aura pas de père et que les femmes devront jouer ce rôle, les partisans de la PMA répondent cyniquement « L’enfant s’adaptera » en occultant le fait que la plupart des enfants sans père ne s’en remettent jamais. Notre humanité repose sur le sens de la personne qui repose sur le visage et le nom. Plus de visage et plus de nom sur l’origine ? On rentre dans un monde parfaitement inhumain. Enfin,  en évinçant le masculin au lieu de susciter un masculin plein d’amour la PMA pour toutes les femmes ne règle pas le problème de la violence masculine. Elle ajoute de la violence à la violence. 

- Cinquième raison,  des questions d’ordre pratique. Une PMA ne se fait pas comme cela. C’est coûteux pour la santé des femmes, du fait du traitement hormonal que celles-ci doivent suivre. C’est financièrement coûteux pour la société.  4100  euros pour chaque insémination, c’est lourd, surtout quand il en faut plusieurs.   Dans le cas d’une levée de l’anonymat du donneur, quel sera le statut de l’enfant ? Sera-t-il un héritier comme les autres ? 

Sur le plan de l’argumentation, au vu de ces objections, la PMA est indéfendable, notamment, quand il s’agit de l’enfant et du père. Les partisans de la PMA pour toutes les femmes n’en tiennent pas compte, ceux-ci martelant en boucle trois arguments : être contre la PMA c’est être homophobe, l’enfant s’adaptera et c’est l’évolution. Procédé habile. Agitons la peur de passer pour un homophobe, un ringard traditionaliste et un rétrograde contre son temps, la discussion devient impossible, la peur annihilant toute capacité de réflexion, de jugement et d’argumentation. 

À la peur s’ajoute l’air du temps. Nous vivons dans un monde dont l’idéologie officielle repose sur l’individualisme, l’utilitarisme et l’hédonisme. Moi, mon plaisir et les moyens de le réaliser, telles sont ses valeurs. D’où un pacte tacite servant de lien social : je respecte ton désir de PMA, tu respectes mes désirs. Si l’on vivait dans une société reposant sur la conscience morale, les arguments contre la PMA pour toutes les femmes seraient audibles. Mais, nous vivons dans une société de marché et non de morale reposant sur un pacte hédoniste. De ce fait, les arguments contre la PMA pour toutes les femmes sont inaudibles. 

Si la défaite politique sur ce terrain semble être le cas, les conservateurs doivent-ils continuer à se battre sur ces questions ? 

Que veut dire conservateur ? Être contre la PMA pour toutes les femmes ce n’est pas être conservateur ou bien encore traditionnaliste. C’est être éco-humaniste. Les écologistes se battent pour protéger la planète. Il faut se battre pour protéger l’humanité et pas simplement la planète.

Faut-il pour cela continuer à lutter contre la PMA pour toutes les femmes ? Si l’éco-humanisme ne se bat pas contre, on voit mal ce qui va lui rester. Maintenant, que veut dire se battre contre ? Réclamer l’annulation du futur vote de l’assemblée nationale sur ce sujet ? On voit mal les députés annuler la loi qu’ils vont voter. En revanche, le combat de fond est loin d’être terminé. 

Pour que la PMA pour toutes les femmes puisse vraiment s’implanter, il va falloir que les familles gays soient considérées comme des familles comme les autres. Pour qu’il en soit ainsi, il va falloir vraiment supprimer la différence sexuée homme femme afin que le couple homme-femme ne soit plus considéré comme le couple fondateur de la vie. Afin d’y  parvenir, il va falloir que les partisans de la PMA pour toutes les femmes rentrent dans un combat idéologique en intensifiant les procédés déjà utilisés : propagande continuelle, intimidation, prise d’assaut des écoles, éducation dès le plus jeune âge aux nouvelles parentalités, mise au pas des mentalités, surveillance des mots, poursuites judiciaires contre les irréductibles etc … Bref, on voit mal comment les nouvelles parentalités pourront s’installer autrement que de façon totalitaire, cette installation ayant déjà commencé avec le politiquement correct. La petite  majorité des Français qui est pour la PMA pour toutes les femmes ne s’en rend pas compte, mais les choses ont un coût. Une fois la loi votée, il va falloir régler la facture de la loi en assumant tous les remous, toutes les complications, toute la pagaille que cette loi va générer.  Quand ce sera la cas, le combat ne fera que commencer. Dans l’immédiat, pour ne pas traumatiser les futurs enfants nés sous PMA il va falloir que l’on supprime du langage le terme « père ». Les Français seront-ils d’accord ? Suite au prochain numéro. 

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