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Arrêtons de parler d'incivilités !
©YURI CORTEZ / AFP

Les mots et les choses

Cette litote conduit à banaliser et à minimiser des agressions, des vols, des dégradations, bref toutes sortes d'actes qu'il faudrait pourtant combattre et punir.

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon est présidente du Mouvement ETHIC (Entreprises de taille Humaine Indépendantes et de Croissance) et chef d’entreprise (SDME).

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Le terme d’incivilité est le parfait prétexte à banaliser, à minimiser, à exempter les coupables des dommages que nous subissons. Mais vous ne savez peut être pas ce qu’est une incivilité ? avec son côté Proustien presque élégant de celui qui n’aurait pas laissé sa carte avant une visite chez madame Verdurin !  

Soyons clairs, une incivilité est la désignation d’une agression, d’un vol, d’une dégradation, d’une attaque verbale ou physique, de dommages matériels, etc. En cette période de vacances, il est particulièrement flagrant de constater que les victimes passent par pertes et profits au royaume des plaintes. 

Nos concitoyens, quels qu’ils soient, sont par ce terme édulcoré implicitement excusés de leur responsabilité face à toute nuisance : c’est si peu de chose une incivilité ! Alors que l’insécurité qui pollue notre quotidien ouvre par sa navrante banalisation les chemins du truandage. Pour nos enfants, cela devient « frime » d’enfreindre la loi, un sport comme un autre avec sa petite part de risque. Le  « pas vu pas pris » est devenu la règle  puisque nos forces de l'ordre (ou du désordre) n’ont pas les moyens de réagir à de si petites choses. Quand nos forces de l’ordre interpellent, si elles y arrivent, elles savent qu’elles retrouveront, goguenards au coin de la rue quelques jours après, « l'incivil » en personne, à pied d'oeuvre. 

Une incivilité, c’est par exemple ce que j’ai vécu hier à la montagne devant chez moi, posant mon sac à dos pour faire 30 m avec mon chien, lorsqu’une une voiture s’arrête puis redémarre tranquillement : plus de sac à dos ! Stupéfaite, je téléphone quand même à la gendarmerie (quand même parce qu’on est que gêné de déranger la gendarmerie pour ces larcins minimes). Ils n’y peuvent rien et vous le disent, ils n’ont pas les moyens de faire quoique ce soit. Dans le cas présent la chose est intéressante non pas parce que j’en suis la victime, mais parce qu’on m’a écoutée avec beaucoup d’intérêt, me demandant si j’avais relevé le numéro d’immatriculation, la marque du véhicule etc… (pourquoi l’aurais je fait ? ). Mais j’appris ravie, que des caméras vidéos étaient postées à 3 endroits stratégiques de cette route du Mont d’arbois, et qu’ils allaient donc pour m’être agréable, me dit-on, regarder la vidéo puisque tout c’était passé en 4 minutes à un moment précis avec peu de traffic. Effectivement, il fut facile d’identifier la voiture Renault gris beige dont je me souvenais... seulement voilà, on me disssuada de porter plainte puisqu’il était hors de question d’interpeller quelqu’un   « sans raison » et de rechercher le propriétaire du véhicule dont on voyait le numéro d‘immatriculation à l’écran...au grand regret sincère du gendarme.  « Cela s’assimile à du vol la sauvette, on ne peut rien ». 

De même  lorsqu’on vous pique votre portable et que vous le repérez avec un GPS, personne au commissariat  n’ira le chercher. Votre Vélo est volé? Oubliez! Aucune intervention n’est prévue, on accepte bien sur de prendre votre déclaration de vol mais en ajoutant : « vous savez, c’est uniquement  pour nos statistiques pour voir les quartiers où l’on en vole le plus ». 

Parmi les incivilités courantes vous avez encore la scarification de votre voiture neuve qui a le tort de rendre jaloux un jeune ou un vieux qui « n’a pas les moyens, lui » (regard lourd sur le propriétaire que vous êtes). Le vol de votre sac, le voyou qui fouille vos poches au marché, l’effraction du tiroir au bureau, le chapardage en tout genre  et votre raquette de tennis que vous avez posée 5 minutes à côté du cours et qui a disparu ? Les vols à l’étalage passés par pertes et profits qui font partie de cette fameuse « démarque inconnue » des magasins pour les produits volés, disparus ou cassés. Et si vous avez été vraiment cambriolé, pratiquement aucune chance que l’on retrouve l’auteur ...

On a renoncé à cherche les coupables et on vous le dit sans vergogne.

De ces incivilités, les « braves gens » ont presque le sentiment d’être sinon coupables du moins responsables : vous laissez traîner vos affaires, vous ne surveillez pas assez vos biens, vous êtes ridiculement confiant, inconscient de la chance que vous avez d’être du coté des nantis par rapport aux plus nécessiteux qui ont toutes les excuses, eux.

Taguer une permanence selon un élu d’opposition ne serait pas le fait d’un délinquant ! Juste une opinion politique qui ne trouve pas où s’exprimer. Le nécessiteux et le manifestant violent sont de pauvres victimes contraintes à l’incivilité.

Il n’est plus supportable de vivre dans la culture de l’excuse et de voir les coupables échapper à tout espoir de sanction ; la fameuse justice à deux vitesses n’est plus celle qu’on croit ; soi-disant en faveur des bourgeois,  elle donne la sensation d’être au contraire plus favorable et tolérante aux petits délinquants alors que l’on n’exempte de rien les gens honnêtes. Dans la vie de tous les jours, le sentiment d’exaspération est croissant; que la police vienne exiger une amende dans l’immédiat  à des jeunes qui, à tort certes, n’ont pas baissé la musique un soir d’anniversaire malgré un premier avertissement, soit! mais qu’en revanche, on soit pollué par des drogués qui dans la rue empêchent tout le monde de dormir, normal? que les exactions des manifs soient pardonnées pendant qu’avec application on dresse des PV à certains riverains qui ne peuvent plus bouger de chez eux, etc… tout cela dégrade la confiance et nuit à la cohésion sociale. La tolérance et la bienveillance ne s’appliquent plus aux bonnes personnes.

Sans compter le raz le bol de ceux qui sont rackettés non seulement par les voleurs et les “inciviques”, mais aussi par les donneurs de leçons qui forts de leur pouvoir s’autorisent à taxer sans répit et sans contre pouvoir. Les procès verbaux, les contraventions pour mauvais stationnement même d’une minute, et toutes ces petites taxes, et contrôles, qui se sont multipliés. On  a parfois le sentiment qu’ il y a aussi une forme d’ “incivilité d’Etat” devenue insupportable et qui explique surement la révolte des citoyens envers leur classe politique. Et que dire de l’exaspération que suscitent les voitures de fonction tous girophares allumés qui à vive allure foncent dans les encombrements! Que l’on ne s’étonne pas que les gens se révoltent exagérement contre les ministres qui eux roulent avec chauffeurs, Falcon, et cocardes; cela serait accepté dans une République fière d’elle même et exemplaire ; ce n’est plus le cas et il est inquiétant d’avoir le sentiment qu’on nous « fait les poches » regulièrement quelles que soient les circonstances et que nous n’ayons rien à dire. 

Il faut rétablir une tolérance zéro face à une société qui part à vau l’eau

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