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 Petites vérités sur les incidents nucléaires en France
©Reuters

N’en déplaise aux marchands de peur

Médias et militants anti-nucléaires répandent l'idée que les incidents nucléaires sont légions. Pourtant, si l'on s'intéresse de prêt aux incidents recensés par l'Autorité de Sûreté Nucléaire, on se rend rapidement compte que, bien heureusement, la grande majorité d'entre eux sont sans incidence aucune.

Tristan Kamin

Tristan Kamin

Tristan Kamin est ingénieur en sûreté nucléaire. Son compte twitter : @Tristankamin

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Atlantico : Si l'on se penche sur les incidents nucléaires recensés par l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), quelles conclusions peut-on tirer quant au nombre et à la gravité des incidents nucléaires ? Sont-ils aussi nombreux et coûteux qu'on le croit ?

Tristan Kamin : Le nombre total d’événements significatifs déclarés par les exploitants à l’ASN en 2018 est d’exactement 1487. Parmi eux, 91 concernent des transports de substances radioactives et 165 concernent des activités nucléaires de proximité : nucléaire médical, ou industries non nucléaires ayant recours à du matériel radioactif, par exemple. Quant aux 1092 autres, ils concernent des « installations nucléaires de base (INB) : centrales, usines du cycle du combustible, site de stockage de déchets, centres de recherches…

L’ASN encourage cependant une très grande prudence dans l’exploitation de ces données, et de leur évolution dans le temps, pour tirer des conclusions. Une augmentation du nombre d’événements déclarés pouvant être aussi bien le fruit d’une sûreté qui se dégrade… Que d’une transparence qui s’améliore.

Une approche plus nuancée est conseilleée. Par exemple, on peut distinguer les écarts au fonctionnement nominal (aucune importance en termes de sûreté) qui représentent, pour les INB, environ 90% des événements déclarés, et les sorties du fonctionnement autorisé qui représentent approximativement les 10 autres pourcents.

Une augmentation du nombre d’événements déclarés peut donc très bien résulter d’une augmentation du nombre d’écarts déclarés sans que le nombre de sorties du régime autorisé n’augmente pour autant ! Ce serait donc un bon signe pour la transparence et la sûreté.

C’est par exemple ce qu’on observe entre 2016 et 2017 : +102 écarts mais -14 sorties. En revanche, entre 2017 et 2018, les deux ont augmenté.

Quels sont les impacts des incidents nucléaires selon leur niveau de gravité (0, 1, 2 etc.) ? Par quoi sont-ils généralement causés et quelles conséquences ont-ils ?

Les événements significatifs pour la sûreté sont hiérarchisés selon une échelle de gravité internationale dite échelle INES, établie après l’accident de Tchernobyl.

Elle est graduée en huit niveaux, de 0 à 7. Le niveau zéro correspond aux écarts que je mentionnais précédemment, le niveau 7 correspond aux accidents majeurs comme Fukushima-Daiichi et Tchernobyl.

De manière très simpliste, les autres niveaux peuvent être qualifiés ainsi :

  • niveau 1 : anomalie ou sortie du domaine de fonctionnement autorisé,
  • 2 : incident mineur,
  • 3 : incident grave,
  • 4 : accident n’entraînant pas de risque important hors du site,
  • 5 : accident entraînant un risque hors du site,
  • 6 : accident grave.

En pratique, la catégorisation est plus nuancée. Elle va dépendre du nombre de barrières de sûreté qui auront été perdues, de la contamination ou l’irradiation des travailleurs, des dommages subis par le cœur dans le cas d’un réacteur nucléaire, et des rejets radioactifs dans l’environnement.

En France, les INB déclarent entre 800 et 1000 événements de niveau 0 par an, une centaine au niveau 1, et entre 0 et 2 au niveau 2 (avec un pic à 4 en 2017). Quant aux niveaux supérieurs, ils sont rarissimes : un incident de niveau 3 en 1981 et deux accidents de niveau 4 et 1969 et 1980 (classés sur l’échelle à posteriori).

S'il y a beaucoup moins d'incidents nucléaires qu'on ne le pense, pourquoi les centrales sont-elles toujours considérées comme génératrices d'incidents réguliers et graves ? Quel rôle joue l'inculture scientifique et la désinformation dans le procès qui est fait aux centrales nucléaires aujourd'hui ?

Des années de surenchère médiatique sur le sujet des risques nucléaires ont conduit un grand nombre de personnes à immédiatement associer Tchernobyl et Fukushima aux termes « d’accidents nucléaires ».

À côté de ça, une volonté de transparence très forte depuis 2006 notamment conduit à rendre public chaque événement de niveau 1, et l’ASN diffuse un communiqué de presse pour tout événement de niveau 2 ou plus.

Alors, il devient facile pour les militants antinucléaires de clamer « des accidents partout ! » et laisser l’imagination et les raccourcis faire leur œuvre… Quand on parle d’incident nucléaire, rare sont ceux qui penseront « capteur remplacé en retard » plutôt que « rejets radioactifs » !

À cela, on peut ajouter une défiance systématique envers tout ce qui est « officiel », qui laisse l’industrie perdante à tous les coups aux yeux de certaines personnes. Si les incidents ne sont pas déclarés, « on nous cache des choses », s’ils sont déclarés, « la gravité est minimisée ». Et si trop de détails sont communiqués, c’est du jargon technique pour noyer le poisson, et « ça cache des choses » : la boucle est bouclée !

Les risques et les accidents nucléaires sont, en fait, beaucoup trop romancés, dramatisés, montés en épingle… Ainsi, lorsque l’on présente une réalité bien moins spectaculaire, immanquablement, ça laisse sceptique.

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