Spirale infernale
Mort du maire de Signes : ces racines de la spirale infernale d’incivilités dans laquelle s’enfonce la France
Le Maire de Signes, Jean-Michel Mathieu est mort, ce lundi, renversé par un fourgon alors qu'il venait de demander aux ouvriers à bord du véhicule de ramasser des gravats déposés illégalement. Un fait divers qui illustre encore davantage le climat de tensions et d'incivilités qui semble régner en France.
Yves Michaud
Yves Michaud est philosophe. Reconnu pour ses travaux sur la philosophie politique (il est spécialiste de Hume et de Locke) et sur l’art (il a signé de nombreux ouvrages d’esthétique et a dirigé l’École des beaux-arts), il donne des conférences dans le monde entier… quand il n’est pas à Ibiza. Depuis trente ans, il passe en effet plusieurs mois par an sur cette île où il a écrit la totalité de ses livres. Il est l'auteur de La violence, PUF, coll. Que sais-je. La 8ème édition mise à jour vient tout juste de sortir.
Atlantico : La mort du maire de Signes intervient dans un contexte difficile. Les dérapages se multiplient, nous pensons par exemple, aux permanences d'élus locaux saccagés, à la défiance face à la police... Qu'est-ce que traduisent ces incivilités ?
Nombreux sont les citoyens qui se sentent oubliés ou défavorisés par un système qui fonctionnerait contre eux (d'un point de vue économique et social). En ce sens ils perçoivent les forces de l'ordre et les autorités, par exemple, comme étant au service d'une minorité, minorité à laquelle ils n'appartiennent pas. Ainsi, faire respecter l'ordre est donc rendu plus difficile par cette situation. Comment réussir à revenir à une société civilisée ? Une société ou l'ordre et ses représentant ne sont ni haïs ni défiés mais respectés ?
Yves Michaud : Je ne suis pas certain que le complexe de « justice de classe » soit si puissant que ça. Certes la répression contre les Gilets jaunes a été bien plus dure que contre les racailles de banlieues qui font à peu près la même chose, mais j’ai surtout le sentiment que chacun pense avoir des droits, peu de devoirs et risquer très peu à basculer dans la violence. Ce n’est pas un sentiment d’impunité complet mais d’immunité relative. On apprend régulièrement qu’un meurtrier était « défavorablement connu des services de police » et qu’il en est à sa vingtième affaire… Je dis depuis longtemps qu’il faut absolument augmenter le nombre des places en prison au lieu de pratiquer une sorte de numerus clausus honteux en réservant la prison aux pires criminels et aux pauvres types qui ne sont pas assez malins pour s’en sortir avec un bon avocat – ceux qui passent en comparution immédiate devant une justice d’abattage.
Je sais aussi que la prison est criminogène mais ici encore il faut faire preuve d’invention : il faudrait absolument séparer les primo-délinquants des récidivistes lourds, disposer d’unités psychiatriques pour les très nombreux délinquants très perturbés, et surtout, contrairement à la pratique reçue, faire absolument exécuter très vite les peines légères. Un mois en prison pour un ado, c’est une sale expérience qui le fait réfléchir. Il ne sert à rien d’attendre qu’il en soit à sa dixième condamnation.
En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.
Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !