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Et voilà ce que vous devriez faire si vous souhaitez être à la pointe de la tendance pour vos vacances 2019
©David Parker / POOL / AFP

#Chill

Summit Prairie, une maison de vacances située au sommet d’une tour au cœur de la nature sauvage de l’Oregon, ne dispose ni de Wi-Fi, ni de télévision, ni d'horloge et le premier commerce se trouve à une heure en voiture. Pourtant, les vacanciers américains s'arrachent ce chalet pour une somme très élevée (200$/nuit).

Bertrand Réau

Bertrand Réau

Bertrand Réau est sociologue au Conservatoire national des Arts et Métiers.

Il est l'auteur de Les Français et les vacances : Sociologie des pratiques et offres de loisirs (CNRS Editions, mai 2011).

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Atlantico : Pourquoi le nouvel Eldorado des personnes riches qui partent en vacances, les Américains les premiers, est paradoxalement un lieu peu luxueux, doté de distractions minimales et loin des lieux de tourisme habituels ?

Bertand Réau : Ce qui caractérise le tourisme de manière générale, et encore plus lorsqu'il s'agit d'ultra-riches, ce sont des logiques de distinction. Ce sont donc des pratiques qui évoluent dans le temps. Si l'on parle des catégories les plus riches, il y aura des multiplicités de pratiques, dont celle de s'isoler dans une maison, quelques jours, sans wifi etc. Mais il s'agit là de pratique parmi d'autres.

En outre, même au sein des personnes très riches, il y a des fractions de classe qui sont fortement différenciées et qui traduisent des goûts différents : certains seront plus occupés aux dépenses ostentatoires, d'autres au capital culturel, à la dimension du retour sur soi etc. Le cas en question est donc un épiphénomène par rapport à la variété des pratiques de ces groupes sociaux qui vont trouver ici un écho assez peu inattendu, pas très original. Déjà dans les années 1970, "Terres d'aventure" proposait ce genre de retour sur soi avec cette relecture philosophico-esthétique de l'individu dans la nature, seul au monde.

Une des caractéristiques de cette nouvelle tendance en vacances est aussi de pratiquer le moins d'activités possibles. A quoi est due cette saturation de certaines personnes pour les vacances organisées et touristiques ? Les "vacances sans loisirs" sont-elles la preuve d'un excès de loisir ou de travail ?

Ce que recherchent avant tout ces individus, c'est la coupure avec les réseaux sociaux, avec l'Internet et tous ces moyens de communication qui peuvent être considérés comme très utiles et avilissants. En réalité, cela recompose même les voyages des backpackers : certains sont en Asie du Sud Est et tous les jours publient leur vlog sur Facebook ou d'autres réseaux sociaux. Ils sont en somme très connectés aujourd'hui, alors qu'avant le carnet se faisait sur un bout de papier et rien que pour soi.

Cette hyper-connexion est parfois même recherchée là où elle est encore absente, et cela recompose cette quête d'authenticité. Par exemple, quand vous êtes dans une guest house tenue par des Allemands en Indonésie et que vous passez toutes vos soirées sur Facebook à échanger avec vos amis en Europe, vous n'avez pas tout à fait la même rupture permanente que si vous êtes dans un village mong, tout seul  et sans connexion.

C'est vraiment ce qui est intéressant dans ce genre de pratique : elle n'est pas réservée à une élite, puisque la rupture numérique peut se faire de façon plus simple et plus aisée au quotidien, de couper son portable. Qui plus est, elle veut se présenter comme une "radicalité chic" en montrant que, pendant un temps, on peut se permettre de ne plus exister socialement alors même qu'on a beaucoup de responsabilités : en disant, on montre que l'on existe énormément. C'est très distinctif : on n'a pas besoin de le dire si on veut le faire, ni de le montrer. Ce que les personnes riches doivent payer cher, c'est un moment de tranquillité que la célébrité n'offre pas souvent.

Il ne s'agit donc pas d'une pratique réservée aux classes supérieures : la rupture numérique peut être aisément faite par chacun d'entre nous, d'autant qu'il y a un droit à la déconnexion qui existe aujourd'hui. En revanche, ce qui est distinctif, c'est de payer si cher sa tranquillité pour une personne importante et à hautes responsabilités. Ce qui intéressant, c'est la mise-en-scène qu'il y a autour en montrant que l'on cherche à se couper du monde. Il ne s'agit pas d'une aventure, mais bien d'une volonté d'affichage de rupture.

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