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Mais que faisaient les deux truands israéliens assassinés à Mexico sur ordre du Cartel de Jalisco ?
©HECTOR GUERRERO / AFP

Narconnection ?

Le 24 juillet, une scène digne des meilleurs films policiers s’est déroulée dans le complexe Plaza Artz Pedregal au sud-ouest de Mexico. Le problème réside dans le fait qu'il ne s'agit pas d'une fiction et qu’il y a eu mort d’hommes.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Tout d’abord, il a eu un affrontement armé entre au moins deux sicarios et les forces de police à l’extérieur du centre commercial Plaza Artz laissant un auxiliaire de police blessé sur le carreau. Les enquêteurs pensent que cette échauffourée (évènement relativement fréquent au Mexique) était une diversion devant permettre la fuite d’autres acteurs qui sont passés à l’action dix-sept minutes plus tard à l’intérieur du restaurant chinois Hunan situé dans le centre commercial.

En effet, une femme attablée avec un complice s’est soudain levée, a sorti un pistolet semi-automatique et a criblé de balles deux consommateurs qui se trouvaient assis à une table voisine. Protégée par deux complices armés de fusils d’assaut (dont l'homme qui était attablé avec elle), elle est sortie précipitamment du restaurant. Malheureusement pour elle, la police a pu l’intercepter au moment où elle se débarrassait de sa perruque blonde et tentait de changer de vêtements pour se désilhouetter comme cela se dit dans les milieux avertis. Ses deux complices se sont évaporés dans la nature couvrant leur fuite par des tirs blessant un policier. Un "superviseur" aurait identifié sur les vidéos de surveillance du complexe commercial. 

La "gattillera" (la "gâchette" ou tueuse) a été identifiée comme Esperanza Gutierrez (33 ans). Elle a d’abord prétendu qu’il s’agissait d’un crime passionnel affirmant qu’une des deux victimes l’avait éconduite. Confrontée à la réalité des faits (la scène a été filmée par les caméras de surveillance et il a été prouvé qu’elle n’avait jamais rencontré ses deux victimes), elle a fini par admettre qu’elle avait été payée 5.000 pesos (262 $) pour ce contrat commandité par le Cartel de Jalisco Nouvelle Génération (CJNG), l’organisation criminelle transnationale la plus puissante du Mexique (1). Le "superviseur" cité plus avant aurait été identifié comme un haut responsable du CJNG. Il ne fait pas de doute que l’opération a été soigneusement préparée et qu’il s’en est fallu d’un cheveu pour que les agresseurs et les commanditaires ne soient pas identifiés.

Les victimes bien connues des services de police mexicains et israéliens

Les deux victimes ont été identifiées comme étant des citoyens israéliens. Il s’agit d’Aalon Azulay (41 ans qui n'est pas retourné en Israël depuis vingt ans car il y est accusé de meurtres) et surtout de Benjamin Yeshurun Sutchi alias Johny Ben (44 ans) au lourd passé criminel. À la fin des années 1990, il avait été condamné à 17 ans de prison pour le meurtre en 1998 d’un fils du présumé capo israélien Ezequiel Aslan. Il était parvenu à s’échapper en 2001 pour rejoindre le Venezuela puis en 2003 la ville de Mexico.

Là, il avait constitué sa propre société de "sécurité" destinée à protéger la communauté juive des quartiers chics de Polanco et de Tecamachalco. Dans les faits, cette activité lui a permis d’escroquer de nombreux juifs mexicains n’hésitant pas à se livrer à des actions violentes comme la séquestration et le racket. Il en a profité pour se livrer à deux trafics traditionnels au Mexique, la drogue et les armes. Il était alors en affaires avec Edgar Valdez Villareal alias "La Barbie", le chef du cartel Beltran Leyva à Sinaloa. À l’époque, cette organisation importait environ une tonne de cocaïne par mois aux États-Unis (2).

Malheureusement pour Sutchi qui faisait l'objet d'une fiche de recherche délivrée par INTERPOL, il a été arrêté en juin 2005 lors d’une opération de police mexico-israélienne. Un jour après son arrestation, il a été extradé vers l’État hébreu où il devait finir de purger sa peine de prison alourdie du fait de son évasion de 2001. La rumeur avait couru à l'époque qu'il avait été un temps entraîné par le Mossad, ce qui en faisait un homme très dangereux... Il n’est ressorti libre qu’en février 2019 et a rejoint le Mexique sous une fausse identité afin de reprendre ses petites affaires.

Quelques jours après ces assassinats, les enquêteurs pensent que les deux Israéliens qui participaient au blanchiment d’argent sale pour le compte du CJNG via des sociétés écran basées dans les provinces d'Oaxaca, Puebla, Guanajuato, Querétaro et Mexico. Ils auraient fait l'erreur de tenter d’escroquer le cartel. Il leur aurait été proposé une négociation "à l’amiable" dans un lieu public, rendez-vous qui s’est révélé être un piège. Les deux hommes n’étaient pas armés et aucun garde du corps n’a été repéré sur les vidéos de surveillance (ce qui ne veut pas dire qu'ils ne bénéficiait pas d'une escorte qui n'est pas intervenue pour une raison ou une autre).

La piste d'une vengeance d'un groupe mafieux israélien rancunier a été évoquée d'autant qu'un de ses anciens compagnons de cellule en Israël qui s'était échappé en même temps que lui en 2001, un certain Erez Akrishevsky, a été arrêté à Cancun et rapatrié en Israël quelques jours avant le meurtre. Les autorités policières israéliennes ont, par mesure de précaution, resserré la surveillance autour de certaines personnalités du crime organisé par peur de représailles. Il est vrai que même si la presse en parle peu, les crimes mafieux entre gangs rivaux sont monnaie courante en Israël.   

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