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Et l’Europe découvrit en cette fin juillet que son économie allait encore moins bien que prévu
©DANIEL ROLAND / AFP

économie européenne

Surprise ? Malheureusement non, au vu des événements récents et des données économiques et financières, mais le contraire de ce qui était prévu : une amélioration économique en fin d’année.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Atlantico : Une croissance du PIB d'environ 0,2% au deuxième trimestre et une inflation ralentie à 1,1% (la plus faible depuis 2018) : que nous apprennent les indicateurs économiques quant à la santé de l'économie européenne ?

Jean-Paul Betbeze : « De plus en plus mal » : Mario Draghi n’a pas embelli la situation de la zone euro, lors de sa conférence de presse du 25 juillet. De fait, plus le temps passe et moins la croissance y est forte (0,4% fin 2018, 0,2% débit 2019) et l’inflation de moins en moins en ligne avec les 2% que devrait atteindre la BCE pour « répondre à son mandat ». La croissance dévisse,les anticipations d’inflation décrochent. Le dernier indicateur disponible : l’indice des Directeurs d’achat Markit, publié le 24 juillet, est même alarmant, annonçant « un affaiblissement de la croissance économique de la zone euro...Les perspectives d’activité des entreprises privées de la zone euro se sont également détériorées en juillet, le taux de confiance se repliant à son plus faible niveau depuis octobre 2014 » Et l’inflation, selon les économistes professionnels (Survey of Professional Forecasters) consultés par la BCE, serait de 1,5% en 2021!

Au regard de la conjoncture économique et des politiques économiques européennes, les mauvaises performances des économies européennes sont-elles une surprise ? Concernent-elles tous les pays de la même façon ?

Surprise ? Malheureusement non, au vu des événements récents et des données économiques et financières, mais le contraire de ce qui était prévu : une amélioration économique en fin d’année. Elle n’aura pas lieu indique Mario Draghi, ce sera donc pour plus tard. Les raisons invoquées pour expliquer cette situation sont, toujours pour Mario Draghi, géopolitiques et externes : tensions douanières, risques sur le pétrole, Brexit… tous éléments qui freinent les échanges et la croissance. On aurareconnu États-Unis et Chine aux premières places derrière « les risques pesant sur les perspectives de croissance de la zone euro… reflétant le maintien prolongé des incertitudes, liées aux facteurs géopolitiques, à la menace protectionniste croissante et aux vulnérabilités sur les marchés émergents. » Mais les mauvaises performances de la zone euro ne viennent pas seulement de l’extérieur. Les réformes structurelles, essentiellement l’assouplissement du marché du travail,sont toujours trop lentes selon la BCE. Surtout, si les pays dont la dette publique est élevée doivent continuerleurs efforts d’amélioration (Grèce, Italie, France ?),ceux qui ont des marges de manœuvre pourraient les utiliser. La référence à l’Allemagne est transparente : pays en excédent budgétaire (1,7% du PIB) et dont le ratio dette/PIB atteint 60,9%, le magique 60% de Maastricht ! Le respect des objectifs est une chose, pas quand il se produit au détriment de la croissance du pays et de la situation de la zone…

De la même façon ? Malheureusement non, là non plus. C’est l’Allemagne qui souffre le plus : les services résistent, pas l’industrie. Mario Draghi a mis l’accent sur « l’atonie (des) échanges commerciaux dans un contexte d’incertitudes mondiales prolongées, qui pèsent en particulier sur le secteur manufacturier de la zone euro ». On aura reconnu l’Allemagne et un peu moins laFrance. Chris Williamson, Chief Business Economist à IHS Markit, note : « le regain d’expansion observé récemment aura été de courte durée…Les données flash signalent ainsi l’une des plus faibles croissances du secteur privé de la zone euro depuis six ans, préfigurant un ralentissement de la hausse du PIB au troisième trimestre… » Brexit, tarifs douaniers, automobile jouent contre l’Allemagne, qui pourrait avoir un troisième trimestre étale ou en baisse (après 0,4% au premier trimestre 2019 et 0,2% au deuxième). Et la croissance française, après 0,2% seulement au deuxième trimestre, pourrait rester molle si les ménages, certes avec des revenus supérieurs et plus de confiance, continuaient à épargner. 

Bref, tensions géopolitiques mondiales, tensions Trump-Union européenne, menaces sur les tarifs douaniers (Mercedes, en attendant les vins français), pèsent sur la reprise attendue en zone euro - qui n’aura pas lieu, et sur le secteur manufacturier (notamment allemand) le plus sensible aux chocs.

Mario Draghi a confié au personnel de la BCE et des banques centrales nationales une mission avant la prochaine réunion afin d’examiner ce que les décideurs peuvent faire pour aider l’économie. La réduction des taux et les nouvelles séries d'achat d'obligation promises par le président de la BCE auront-elles raison de ce ralentissement ? Quelle politique innovante pourrait mettre en place Christine Lagarde pour enrayer ce déclin ?

Mario Draghi est malin : il ne voulait pas baisser ses taux avant de savoir ce que ferait la Fed… le 31 juillet. Il a donc annoncé le plus d’action possibles, pour qu’elle dévoile son jeu, outre « le maintien des taux d’intérêt directeursà leurs niveaux actuels, ou plus faibles, au moins pendant le premier semestre 2020 et, en tout cas, aussi longtemps que nécessaire pour assurer la poursuite de la convergence durable de l’inflation vers notre objectif à moyen terme » ! Pour que tout soit clair, il faut « une orientation très accommodante de la politique monétaire pendant une période prolongée dans la mesure où les taux d’inflation, à la fois enregistrés et projetés, ont été constamment inférieurs aux niveaux correspondant à son objectif. » Vient alors l’annonce de différents comités spécialisés pour « renforcer nos orientations sur la trajectoire future des taux d’intérêt directeurs (forward guidance), des mesures compensatrices, comme la mise au point d’un système de paliers pour la rémunération des réserves, et des scénarios relatifs à l’encours et à la composition d’éventuels nouveaux achats nets d’actifs. » 

Acheter plus de titres publics et privés, ce qui veut dire italiens, français, portugais et pourquoi pas grecs ? Baisser plus les taux, ce qui veut dire aider plus les banques fragiles en compensation (italiennes), mais pèsera quand même plus sur les banques allemandes et françaises, et jusqu’à quand ?

Les propos de Mario Draghi engagent techniquement la BCE, donc Christine Lagarde pour un an au moins. Mais elle aura deux tâches compliquées, bancaire et budgétaire. La tâche bancaire sera de gérer la restructuration du secteur, sous l’effet de taux durablement bas pour plus longtemps, ce qui passe par des fusions en Italie et en Allemagne, au moins. Pas facile. En effet, la bourse n’aime pas les banques » : taux d’intérêt et de croissance trop bas.Donc elle les sous évalue largement, de moitié en moyenne, ce qui les force à distribuer des dividendes importants pour « tenir » leurs cours avec une « rentabilité boursière » anormale, entre 6 et 8% pour les banques françaises du Cac40.

La tâche budgétaire sera de pousser la zone euro à décider d’un budget commun significatif, notamment pour soutenir la recherche et les innovations, l’écologie et lutter contre les dérèglements climatiques. Elle pourrait pousser à de grands emprunts que le BCE achèterait en partie. En même temps, dans la suite des appels du pied à l’Allemagne pour qu’elle augmente ses dépenses budgétaires, elle devra exercer une pression maximale. Bref, après Mario Draghi, un vaste programme, sans doute plus politique.

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