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Vague rose à Évian : les golfeuses coréennes déferlent sur le golf mondial et le sauvent du déclin
©JOHANNES EISELE / AFP

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Alors que l’Evian Championship, la seule compétition de niveau mondial organisée en France, a encore permis aux joueuses coréennes d’imposer leur suprématie. L’industrie du golf compte désormais sur les femmes pour échapper au déclin.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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L‘Evian Championship s’est donc terminé par la consécration des joueuses coréennes qui ont animé et dominé les 4 journées de compétition.  

Jin Young Ko, sud-coréenne, a remporté The Evian Championship après quatre jours d’une météo terrible, puisqu’après deux jours de canicule, il a fallu supporter les orages et les trombes d’eau. C'est sa troisième victoire de la saison et même son deuxième succès dans un tournoi du Grand Chelem.

Jin Young Ko devrait prendre la place de n°1 mondiale à sa compatriote Sung Hyun Park.

Avant cela, il lui avait fallu se battre contre une autre de ses compatriotes ultra expérimentées : la leader Hyo Joo Kim.

Cette année 2019 a toute les chances d’offrir au golf mondial une évolution dont il a bien besoin. Dire qu’il est en crise est un euphémisme. Partout dans le monde, cette activité sportive est en risque de déclin. Moins de pratiquants, moins de licenciés. Sauf en Asie, en Chine et en Inde, mais ces deux pays émergents sont en pleine découverte.

Le golf se place en tête du classement des sports individuels les plus pratiqués au monde avec 64 millions de joueurs. En effet, 25 millions de joueurs sont comptabilisés aux Etats-Unis, plus de 17 millions au Japon et 3 millions en Angleterre dont 900.000 licenciés. Mais ces chiffres déclinent.

En France, le golf s’était beaucoup développé à partir de 1970, mais ce développement s’est ralenti à partir des années 2000, pour stagner et même reculer aujourd’hui en termes de licenciés et de pratiquants, aux alentours de 800 000 environ dont la moitié seulement de licenciés. Avec des équipements et des parcours de golf qui sont partout en France en situation économique fragile, il existe 400 parcours de golf en France, mais peu sont rentables.

Le déclin du golf est difficilement explicable, parce qu’en théorie, la pratique de ce sport est parfaitement adaptée au vieillissement des populations occidentales puisqu’il apporte un bénéfice santé et permet de tisser du lien social. Le seul problème - et sans doute le seul frein - est que l’apprentissage peut paraître assez ingrat au départ, parce qu’il demande beaucoup d’effort et de rigueur, beaucoup de temps aussi. Apprendre le golf, c’est un peu comme apprendre la musique, il faut assimiler le solfège et c’est parfois ingrat surtout quand l’école ne donne pas le gout de l’effort individuel comme c’est le cas en France. Ne parlons pas de la barrière sociale et culturelle qui freine encore l’accès au golf du plus grand nombre.

Les seuls pays qui se mettent au golf et qui réussissent sont les pays asiatiques. Mais les joueurs ont la chance de se mettre au golf dès la maternelle avec la même détermination qu’ils se mettent à la musique. Le monde entier a découvert des virtuoses chinois ou coréens du piano ou du violon. Le monde va découvrir de plus en plus de champions du drive et du put.

Ce déclin du golf occidental, là où le jeu est né, a été masqué par le succès insolent des joueurs américains, anglais et même espagnols ou portugais. Masqué aussi par l’afflux d’argent qui s’est déversé sur les circuits, argent de sponsors attirés par les audiences d’un Tiger Woods et des autres. La PGA, l’organisme international qui gère les grandes compétitions hommes dans le monde (les grands majors), a un public potentiel de 100 millions de joueurs dans le monde, dont 25 millions sont comptabilisés aux Etats-Unis, et plus de 17 millions au Japon, c’est vrai.

Mais ce qui est extraordinaire, c’est que dans la plupart des pays la demande est dominée par les hommes golfeurs. 

En moyenne, 65% de tous les golfeurs sont des hommes, 25% sont femmes et 10% sont des juniors. 

Au Royaume-Uni et en Irlande, qui forment le plus grand marché de golf d’Europe, les trois quarts des joueurs sont des hommes. 

Alors le fait nouveau, depuis quelques années, c’est la montée en puissance du golf féminin qui pourrait peut-être compenser la stagnation du golf masculin.

Ce sport qui a été le privilège d’une élite blanche, masculine est peut-être en train de se réinventer. Grâce aux joueuses.

Les dirigeants du golf mondial ont enfin commencé à ouvrir leurs portes aux joueuses et à les mettre en valeur. Ce qui attire forcément les pratiquantes et les juniors.

Augusta National Golf Club, le temple géorgien du conservatisme, a créé pour la première fois un tournoi national pour les amateurs femmes.

Que ce club ultra fermé ait créé un tournoi pour la gente féminine n’est pas un hasard. Il a senti la lame de fond. En moins de 10 ans, le nombre de tournois américains organisés pour les femmes est passé de 20 à 35, avec près de 100 millions de spectateurs. Ce qui veut dire que l’élite féminine de ce sport s’est mise à attirer les sponsors. Puis les télévisons, puis les organisateurs d’évènements ou de compétitions.

La LPGA (l’équivalent pour les femmes de la PGA) est sans doute beaucoup moins riche, elle ne pèse que 25% de son équivalent masculin. Mais sa santé est aujourd’hui insolente.

Ce qui est intéressant dans cette évolution, c’est que la France a donné le la sur le marché international. Quand, il y a 25 ans, Franck Riboud (alors président d’Evian et de Danone) et le publicitaire passionné, Jacques Bungert ont l’idée de créer une compétition de golf féminin à Evian qui possède un magnifique parcours, l'élite mondiale, en majorité anglo-saxonne, les a regardés avec un brin d’ironie.

Aujourd’hui, l’Évian Championship, c’est son nom, a certes digéré les codes anglo-saxons mais il a aussi installé sur les terres françaises l’un des 4 plus grands tournois du monde. Incontournables pour toutes les joueuses qui ont l’ambition de faire une carrière internationale. Du coup, l’audience est au rendez-vous et les sponsors arrivent.

Franck Riboud et Jacques Bungert sont convaincus que le golf des femmes peut donner un second souffle mondial à cette activité. Mais ce n’est pas tout, ce qui les intéresse, c’est d’attirer les jeunes, les petits comme les juniors, avec cette initiative de créer dans le sillage du succès de l’Evian Championship, une compétition qui permettra de détecter de la graine de champion et de diffuser les valeurs qui sont portées par le sport.

Parce que des champions français, on en a assez peu. Et pourtant, il y a 25 ans, si l’Evian Championship a pu démarrer, c’est parce qu’il y avait en Europe proportionnellement beaucoup plus de grandes joueuses en Europe continentale qu’en Amérique. Sans compter qu‘aujourd’hui encore, il y a sur le circuit américain beaucoup de Françaises qui ont été formées dans les universités américaines. Et moins de Français.

La déferlante qu'il faut affronter, c’est bien évidemment la déferlante asiatique et notamment celle des Coréennes. Elles ont pris une position incontournable sur tous les grands tournois du monde.

Cette année, les golfeuses licenciées en France ne représentent que 30% du total des licenciés du golf. Le potentiel de croissance est donc énorme. Et grâce à Evian, mais pas seulement, les dirigeants du golf français ont sans doute compris qu’ils avaient intérêt à surfer sur cette vague rose. Ils n’ont d‘ailleurs pas le choix.

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