Cercle des économistes : à Aix en Provence, les chefs d’entreprise paraissent plus optimistes que les universitaires sur l’avenir de l’économie mondiale <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Cercle des économistes : à Aix en Provence, les chefs d’entreprise paraissent plus optimistes que les universitaires sur l’avenir de l’économie mondiale
©ERIC PIERMONT / AFP

Atlantico Business

Le gratin du monde des affaires et de l’université se penche sur les moyens de restaurer la confiance dans le système économique pour générer le progrès pour tous. Si les économistes universitaires sont d’un pessimisme noir, les chefs d’entreprises, eux, restent pragmatiques et ils ont leurs raisons.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

Le Cercle des économistes a fait fort cette année. Il a obtenu les résultats de l’enquête annuelle de McKinsey sur le niveau de confiance à l’heure des grandes mutations économiques et technologiques. La confiance, c’est le thème des Rencontres économiques de cette année. Afin de mesurer et de comparer les niveaux de confiance dans diverses régions du monde et d’identifier les causes de leur recul, le cabinet a interrogé 100 000 personnes dans 29 pays.

Alors, tout commence par une très bonne nouvelle, le pessimisme n’est pas propre à la France. L’étude corrobore l’existence d’un ébranlement structurel de la confiance dans le monde entier. De nombreuses régions parmi les plus avancées affichent des niveaux de confiance dégradés, sans lien apparent avec les indicateurs de prospérité ou de bien-être. C’est la confiance dans l’avenir qui apparaît la plus fragilisée : même les citoyens qui portent un regard positif sur leur pays ou sur leur situation individuelle expriment de vives inquiétudes pour l’avenir de leurs enfants. S’agissant des citoyens des pays émergents, bien que plus optimistes, ils expriment eux-aussi des préoccupations fortes, par exemple, sur les perspectives de l’économie, l’accès aux infrastructures et aux services publics de base ou encore l’environnement.

Quatre facteurs d’explication de cette défiance généralisée. A l’échelle mondiale.

  1. L’instabilité économique. C’est le cancer du monde moderne. Si l’amélioration de leurs perspectives économiques constitue l’aspiration prioritaire d’environ 60 % des citoyens, dans toutes les régions du monde, quelle que soit leur trajectoire de croissance depuis deux décennies, c’est qu’ils ne voient pas les possibilités d’améliorations. L’insécurité de l’emploi et l’augmentation du coût de la vie constituent les principaux motifs d’inquiétude, en particulier dans les pays où la mondialisation est la plus contestée : ainsi, 54 % des Français estiment qu’elle les a appauvris ces dernières années, contre 42 % des autres Européens et 37 % des citoyens des pays émergents.
  2. L’accroissement des inégalités, c’est le ferment du désordre. Cette question des inégalités croissantes est sensible partout dans le monde –  en France, 54 % des citoyens considèrent qu’il devrait s’agir d’une priorité. Partout dans le monde, face à la présomption d’une société à deux vitesses, les services publics apparaissent comme les garants d’un minimum d’équité, notamment dans l’accès à l’éducation et à la santé, où les attentes sont les plus vives. 
  3. Un scepticisme sur la capacité d’action des pouvoirs publics. La grande déception. En France, comme dans les autres pays européens, de même que ceux de l’OCDE, plus des deux tiers des citoyens estiment que les pouvoirs publics n’obtiennent pas les résultats escomptés – c’est le cas aussi pour 59 % des citoyens des pays émergents.
  4. La perception de l’inutilité démocratique. Les citoyens expriment des doutes immenses sur la capacité des citoyens à peser sur les décisions publiques. Un phénomène commun à la plupart des Etats démocratiques du monde, mais qui culmine en France : 52 % des votants français pensent que leur suffrage n’a aucun effet contre seulement 40 % en Europe.

A partir de ce constat, bonjour les dégâts, parce que le chantier de rénovation est immense. A priori, il ne s’agit pas de reconstruire Notre Dame de Paris, il s’agit d’espérer qu’on sera capable d’inventer une nouvelle renaissance.

Les pistes existent mais sont quand même assez contradictoires.

  • les citoyens du monde entier attendent d’abord un traitement efficace de leurs sujets de préoccupation prioritaires, tels qu’ils ressortent de l’étude de McKinsey : en premier lieu celui de l’impact des mutations technologiques sur le marché du travail, avec le risque associé de chômage (redouté par environ 60 % des répondants) et de creusement des inégalités (redouté par 54 % des Français et 46 % des Européens).

 -Dans un deuxième temps, le retour de la confiance passerait par un investissement volontariste dans quelques catalyseurs de progrès économique et social. Les citoyens interrogés mentionnent le renforcement de l’égalité entre les hommes et les femmes dans tous les domaines, le développement des infrastructures ou encore le logement. Ces mesures auraient à la fois un effet direct et induit – via les gains de productivité qu’elles entraîneraient – sur le bien-être.

-Enfin, l’enquête le démontre : la préservation des grands équilibres environnementaux et sociaux constitue également une préoccupation cruciale pour les citoyens. Ainsi, l’urgence environnementale est considérée comme une priorité par 58 % des Français, 56 % des Européens et près d’un citoyen sur deux dans le reste du monde. Intervenir de manière déterminée, efficace et visible pour le développement durable et la croissance inclusive permettrait de rassurer sur les perspectives des générations futures.

Face à ce diagnostic partagé par tous les acteurs de la sphère économique, les réactions sont déroutantes et contradictoires.

Le Cercle des économistes, qui rassemble des intellectuels, fait dans l’intellectualisme et met l’accent sur la nécessité de s’accorder sur une définition de la confiance et de parcourir les manuels de la pensée économique pour essayer de s’en sortir et construire une formule acceptée par tous.

De John Locke, qui la définit comme le trust au fondement de la société civile, aux approches plus récentes de Fukuyama, Putnam, mais aussi Ronald Inglehart, James Coleman et Yann Algan, en passant par Adam Smith complété par Hardin et Gambetta, les membres du Cercle des économistes ont travaillé sur de très nombreuses sources et débattu afin de proposer la définition suivante :

« La confiance, c’est le risque assumé de s’en remettre à l’autre ou aux autres en vue d’une coopération répétée dans le temps, quelle qu’elle soit, et fondée sur notre perception de l’intérêt commun. Elle ne se limite pas à la seule satisfaction des intérêts particuliers, elle s’appuie sur la légitimité́ absolue de l’état des connaissances et présente évidemment une dimension sociale et culturelle. Elle concerne aussi bien les individus que les institutions, les nations, l’Europe et toute autre forme de collectivité́. »

 Ouf ! Tout le monde sera d’accord, mais « so what ? », comment fait-on ? 

Les chefs d’entreprises apparaissent beaucoup plus pragmatiques. Ils savent très bien que les décisions leur appartiennent depuis deux siècles, depuis la révolution industrielle du 19e siècle. Ce pessimisme généralisé provient en partie de l’incertitude quant à la transition énergétique qui pèse sur nos sociétés, accentuée par le manque de transparence des acteurs publics quant aux coûts économiques et sociaux qu’elle va engendrer. Il paraît évident que l’Europe est à l’aube d’une nouvelle vague de désindustrialisation massive, qui va provoquer une déqualification et faire disparaître à nouveau des millions d’emplois. Le système éducatif ne pourra pas réagir assez rapidement à ces fulgurantes mutations du travail.

Face à tous ces défis, la responsabilité des chefs d’entreprises est de répondre à la demande et aux aspirations de leurs clients consommateurs, de leurs salariés et de leurs actionnaires. Toutes les demandes vont dans le même sens. Du progrès, la transparence, de la sécurité. etc.

Alors, « qu’on les laisse agir et répondre» disent les patrons. Mais pour cela, ils ont aussi besoin de politique et c’est là où le bât blesse.

L’Europe se fragmente au gré de stratégies agressives et nationalistes de concurrence économique. Dans d’autres régions du monde, la situation géopolitique est toute aussi critique. Il y a évidemment des chocs technologiques et démographiques, des fractures sociales et territoriales, des tensions militaires, autant de facteurs d’instabilité qui se renforcent les uns les autres. 

La majorité des chefs d’entreprise ne dénigrent pas la politique. Pas même, les hommes politiques. Un Etat libéral a besoin de règles, de lois, de limites qui protègent plus l’expression des libertés individuelles que des rentes de situation. Mais un Etat moderne a aussi besoin d’expertise et de technicité. Un Etat moderne ne se gouverne pas à l’émotion, mais à la gestion des réalités. Un Etat moderne ne se gouverne pas dans l’autarcie mais dans la confrontation et la collaboration avec d’autres.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !