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Irlande du Nord : quand la mort du fondateur de l’IRA-provisoire signe la fin d’une époque
©PETER MUHLY / AFP

In Memoriam

Billy McKee, figure de la Brigade de Belfast de l'IRA-Provisoire quand reprend la guerre en 1969, est mort indompté dans sa 97e année.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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En ce grisâtre matin de juin - le soleil fuit Belfast, Ulster - la pluie noie bien sûr la cathédrale catholique Saint-Peter et la petite foule venue conduire Billy McKee à son ultime demeure, au son du Uilleann Pipe, la cornemuse irlandaise. Saint-Peter, Falls road, de Lower Falls à Andersonstown, artère vitale du Belfast catholique - vingt ans durant, le fief de Billy McKee, figure républicaine et premier Officer Commanding (OC) de la Brigade de Belfast de l'IRA-Provisoire quand reprend la guerre en 1969, mort indompté dans sa 97e année.

Devant la cathédrale, le cercueil de Billy drapé du drapeau irlandais, frappé du Serment gaélique ERIN GO BRAGH (L'Irlande à Jamais), proclamé à la Grande Poste de Dublin à Pâques 1916: la république indépendante de 32 comtés. Sur le cercueil encore, le béret et les gants noirs du Volontaire de l'IRA qu'il fut, des décennies durant.

Portant Billy au cimetière - après l'arrêt-symbole au mémorial républicain de Falls Road, ses frères d'armes du féroce commando (IIe bataillon de la Brigade de Belfast-IRA) la D. Coy (Compagnie D, fief Lower Falls), surnom The Dogs, qu'il commanda et où combattirent Gerry Adams et avant lui, le père de ce dernier.

Retour sur l'IRA provisoire : elle émerge en 1969 quand le "Vatican" de l'IRA, Army Council (Conseil de l'Armée) relance la guerre. Alors, sa Brigade de Belfast (premier OC: Billy McKee, 1969-1971) comprend trois bataillons territoriaux :

- 1 Bat. : Andersonstown, Upper Falls, etc. (cœur du ghetto catholique),

- 2 Bat : Ballymurphy, Clonard, Lower Falls, etc. ("zone frontière" avec le Belfast Prod - protestant),

- 3 Bat : Ardoyne, Newlodge, etc. (quartiers Prod, où l'IRA porte la guerre).

1977 : après 8 ans de conflit, ses chefs (alors Gerry Adams et Martin McGuinness) restructurent l'IRA en Active Service Units, commandos plus opaques à l'efficace renseignement britannique. Dès lors, Billy McKee rentre dans l'ombre. L'homicide "sectaire" (tuer un Prod pour sa religion) est désormais proscrit - et Billy avait parfois la main lourde...

Mais quelle histoire que la sienne : volontaire à l'adolescence, six ans de prison en 1940 pour "trahison" dans la geôle de Crumlin road, à Belfast nord. Puis d'autres séjours derrière les barreaux, avec grèves de la faim...

Sur ses vieux jours, Billy McKee rejetait la trêve conclue par l'IRA en juillet 1997, suivi de l'ordre de fin de guerre du Conseil de l'Armée (juillet 2005). La lutte armée restait pour lui la seule voie. Il se consolait en assistant à la messe chaque matin - "catholique" à Belfast-ouest n'est pas un terme frivole.

Parcours d'un terroriste ? Combattant de la liberté ? Comment juger ? En tout cas, Billy McKee vécut l'ultime épisode des guerres de religion (catholiques-protestants) en Europe. Sanglante histoire - guerre à l'européenne quand même. L'établira cette conclusive anecdote.

L'auteur connaît un officier britannique, jadis chef du renseignement militaire à Newry, chef-lieu du South-Armagh, comté "frontière" Ulster-République d'Irlande. La pire guérilla du sanglant conflit : soldats britanniques lâchant leurs coups, féroces attaques d'une IRA rurale sur les "Forces de la Couronne".

Or un jour au marché de Newry, l'officier anglais tombe sur le notoire chef (OC) de la brigade du South-Armagh-IRA. Ils se toisent et par défi, l'Irlandais invite l'Anglais à boire le thé chez lui, au cœur d'un quartier où tout soldat Brit est tué à la minute. Perdre la face en public ? L'officier anglais répond "avec joie" et, nul ne se découvrant, va papoter avec le chef de l'IRA devant du thé et des petits gâteaux. L'ultime guerre à l'européenne : panache, respect de l'ennemi. Impossible avec de fanatiques moudjahidines, bien sûr.

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