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Les trois orientations de la la lutte contre les émissions de CO2 sont-elles justifiées ?
©YASUYOSHI CHIBA / AFP

Efficacité à prouver

Après une campagne acharnée à l’échelle mondiale, une partie de l’humanité est désormais persuadée de l’urgence « climatique ». Mais les solutions mises en oeuvre en France sont au mieux imperceptibles, au pire plus émettrices que nos pratiques actuelles.

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent est ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France, et spécialiste des questions d'énergie. Il est président de la branche industrie du mouvement ETHIC.

 

Ingénieur à l'Institut polytechnique de Grenoble, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Pierre Dreyfus (1981-1982), il devient successivement PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986), de Elf Aquitaine (1989-1993), de Gaz de France (1993-1996), puis de la SNCF avant de se reconvertir en consultant international spécialisé dans les questions d'énergie (1997-2003).

Dernière publication : Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel.

Son nom est apparu dans l'affaire Elf en 2003. Il est l'auteur de La bataille de l'industrie aux éditions Jacques-Marie Laffont.

En 2017, il a publié Carnets de route d'un africain.

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Après une campagne acharnée à l’échelle mondiale, une partie de l’humanité est désormais persuadée de l’urgence « climatique ». Je suis loin de partager les vues apocalyptiques que l’on nous assène à longueur de journée, mais je dois me ranger à notre réalité sociétale. Le monde urbain français a peur et a besoin que les politiques les rassurent en prenant des mesures de protection. Dans un petit pays comme le notre, qui contient moins d’un pourcent de l’humanité, il est clair que le gouvernement ne peut rien faire, sinon parler ou faire parler comme chez le psychanalyste. C’est ce qu’il fait… mais pas seulement. Cédant à l’émotion de foules clairsemées mais aux relais très éloquents, il a été amené à décider d’orientations au mieux inutiles et donc inefficaces, et au pire susceptibles d’aggraver notre situation économique en augmentant l’empreinte carbone du pays, ce qui est un comble, admettons-le.

On va commencer par le dogme à partir duquel tout se déroule : la terre se réchauffe, la faute aux hommes qui la traitent n’importe comment, et ce sont les gaz à effet de serre qui provoquent les déséquilibres. Parmi ces gaz, le plus répandu est le gaz carbonique, le CO2, dont les émissions progressent trop vite pour être captées par la planète avec ses étendues d’eau et ses forets. Il faut donc, nous dit-on, réduire nos émissions de CO2.

Les émetteurs de CO2 sont nombreux, mais il y a les hommes en particulier - et plus il y a d’hommes sur terre plus il y a de CO2 émis. Ce gaz est émis par l’homme lui-même, mais aussi par ses activités. On peut donc agir de trois façons : soit en plafonnant le nombre d’humains, soit en modifiant leurs activités, soit en captant et en utilisant le surplus de gaz.

Plutôt que de regarder la couleur de la vignette Crit’air  à la sortie du boulevard périphérique, on comprendrait mieux que l’on nous dise comment on compte s’y prendre sur ces trois points qui doivent être examinés "en même temps" car c’est la combinaison de ces trois orientations qui peut amener des progrès.

En ce qui concerne la production d’enfants, il apparait que seule l’éducation et l’essor économique permettent une limitation des naissances, progrès dans la connaissance, changement culturel, planning familial… On a connu au siècle dernier dans nos campagnes françaises des familles de huit enfants. Elles sont rares aujourd’hui et ce constat peut s’étendre à tous les pays dont les femmes sont éduquées et libérées de la tutelle des hommes. La France a choisi une politique « nataliste » qui favorise les familles de plus de deux enfants, mais, sauf préconisations religieuses régressives, les familles sont loin de connaitre les tailles des familles africaines, pas plus que la polygamie. Il n’y a guère d’actions efficaces du gouvernement français sur ce sujet, si ce n’est surveiller vraiment les relents de polygamie facilement repérables. Par contre, l’explosion démographique mondiale devrait faire réagir les experts de politique étrangère, prompts à demander le « droit d’ingérence », ce qui les conduirait à privilégier la politique de l’éducation dans tous les pays qui font montre d’augmentation non maitrisée. Cette politique d’éducation doit aller de pair avec celle d’un approvisionnement en énergie abondante et bon marché qui seule peut garantir la régularité du travail scolaire et donc des résultats.

C’est sur le deuxième sujet, celui de l’activité humaine, que les conseils abondent, avec des positions d’une virulence extrême à l’égard de ceux qui pensent mal. Il y a, néanmoins, deux positions à l’intérieur du camp du « bien » : ceux qui plaident pour la décroissance, et ceux qui considèrent simplement qu’il faut modifier les priorités. Je ne m’étendrai pas sur la décroissance car je doute de l’intérêt de réaliser la chute d’un petit pays, le notre, alors que le reste du monde, 99%, continuerait à consommer. C’est donc sur les modes de vie que nous voyons converger les diktats. Nous avons commencé curieusement par l’électricité nucléaire, ce qui a conduit à  l’annonce et au vote d’une diminution de 75 à 50 % de la production de cette énergie. Evidemment c’est une bêtise puisque toute autre forme d’énergie électrique est plus carbonée que le nucléaire. On a donc pris une première décision contre le « climat ». Ensuite, on est parti pourfendre l’énergie fossile (charbon, pétrole et gaz) et on a décidé d’éradiquer le charbon en 2020 puis de pénaliser sur notre sol tout ce qui ressemble à du pétrole et du gaz. Il eut fallu au préalable démontrer que les solutions alternatives étaient bonnes pour le climat. Or, le bilan carbone des composants des éoliennes et des panneaux solaires n’est pas si évident, et c’est encore pire pour les batteries d’aujourd’hui susceptibles d’équiper les futurs véhicules électriques. Les énergies intermittentes coutent cher aux réseaux, conduisent à des problèmes de sécurité d’approvisionnement et donc à leur « doublage » par du nucléaire ou du fossile… Tout à l’émotion de faire « bien » on a ainsi fait tout le contraire et le bilan carbone français qui était un des meilleurs va régresser, entrainant avec lui un renchérissement qui heurtera à la fois le consommateur et la compétitivité industrielle. A cet égard, la demande de ceux qui veulent changer les priorités d’augmenter la taxe carbone en disant en même temps que l’électricité est trop bon marché pour conduire à la vertu des économies n’est pas de nature à faire revenir notre pays dans une situation de sérénité. Mais en fait on traite de notre petit pour cent tandis que tous les pays conduisent des politiques de développement des réserves pétrolières et gazières et que la production de charbon (et de lignite) ne faiblit pas. Par conséquent notre augmentation nationale d’empreinte carbone ne sera même pas remarquée.

Reste la troisième voie qui fait l’objet de beaucoup de travaux dans les laboratoires publics et privés, et chez les industriels producteurs et consommateurs : si nous avons trop de CO2, peut-on le piéger ou l’utiliser ? Les meilleurs pièges, les moins chers, semblent être les gisements déplétés de pétrole et de gaz, certains travaux sont déjà engagés car il faut amener le CO2 sur les lieux et donc trouver des sources de financement à partir des rentrées de la taxe carbone. L’idée que les pétroliers et les gaziers, les affreux des fossiles, puissent être partie des solutions pour le climat heurte les militants, qui aiment mieux taire cette première voie. Il y en a une autre, plus biologique, qui voudrait trouver dans le CO2 une nourriture pour des algues et autres. Mais les chercheurs sont « sur le pont » et fourmillent d’autres innovations possibles. Un petit pays comme le notre, mais grand par sa recherche et ses techniciens, devrait dire haut et fort que cette orientation est prioritaire car elle peut servir le pays, mais également bien d’autres puisqu’il apparait clair que 99% de l’humanité (ou presque) continue à vouloir utiliser les énergies fossiles tant qu’elles sont les moins chères. Bien sur cela revient à donner la contrition aux pécheurs qui continuent à vouloirdu gaz et du pétrole, mais rien ne leur interdit de vouloir  réaliser des économies car tout cela coute cher.

J’ai traité ici uniquement le problème du climat à travers le prisme proposé par le gouvernement, celui du CO2, la pollution de l’air c’est une autre histoire, comme le dis à chaque occasion, et j’ose dire aussi que le problème du climat ne se résume pas au CO2.

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