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Europe : Macron et Merkel réussissent un joli retournement de situation. Et placent Christine Lagarde au pied d’un énorme défi
©Fabrice COFFRINI / AFP

BCE

A 63 ans, Christine Lagarde, actuelle directrice générale du (Fonds monétaire international) FMI est en voie d'obtenir le poste le présidente de la Banque centrale européenne (BCE).

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : Christine Lagarde a été désignée à la tête de la BCE et Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne. Ce couple est-il une victoire du camp français et du président Macron ou bien un compromis durement arraché ? 

Edouard Husson : D’abord, je propose de distribuer le prix « Bouvard et Pécuchet » du mois à Donald Tusk, pour s’être félicité de ce qu’avec « deux hommes et deux femmes proposés à la nomination, la parité soit parfaite »! Qu’on veuille bien m’expliquer pourquoi l’on aurait pas pu mettre quatre femmes compétentes au lieu de mettre un symbole aussi caricatural des compromis du système politique belge que Charles Michel. Et un homme du gouvernement de Pedro Sanchez, Josep Borrell, au moment où l’Europe doit affronter la plus forte poussée migratoire de son histoire, depuis les Grandes Invasions, par la Méditerranée. Ensuite, les médias pourront dire ce qu’ils veulent, Emmanuel Macron est le grand perdant de cette négociation et Angela Merkel montre qu’elle n’a pas perdu la main. Hier soir, Emmanuel Macron était dans une impasse. C’est la Chancelière qui lui a permis de s’en sortir en lui donnant l’occasion de soutenir, pour la présidence de la Commission Européenne, une candidate allemande qui puisse faire consensus. A vrai dire, même si je ne pense pas qu’Angela Merkel reste dans l’histoire comme un grand chancelier, on ne peut que s’amuser de constater qu’elle n’ait rien perdu de son habileté manoeuvrière: proposer une de ses anciennes rivales au sein de la CDU, conservatrice et mère de sept enfants, et obliger Emmanuel le Progressiste à plaider pour un tel profil, c’est une espièglerie de la part de celle qu’Helmut Kohl appelait « Fillette ». L’espièglerie est double parce que le conservatisme d’Ursula von der Leyen est somme toute à géométrie variable - elle s’est exprimée en faveur de l’adoption par les couples homosexuels. On est donc loin de contenter le groupe de Visegrad, qui a cependant voté pour elle afin d’éviter Timmermans. 

La nomination de Christine Lagarde à la tête de la BCE est-elle une bonne nouvelle selon vous ? Sera-t-elle capable de comprendre les besoins de l'économie européenne plus proche de la déflation que de la crise inflationniste ? 

Emmanuel Macron va plastronner. Il a fait nommer une Française à la tête de la BCE. Et toute une partie de l’électorat de centre droit va se pamer d’admiration: pensez-vous donc, le Président a réussi à faire nommer un ancien ministre de Nicolas Sarkozy. Je vois bien que Christine Lagarde s’est sentie longtemps à l’aise dans l’atmosphère de pragmatisme monétaire qui règne aux Etats-Unis. Mais c’est une femme qui, non seulement, a l’intelligence des situations mais a tendance à se conformer largement à son environnement. Je crains pour ma part qu’elle soit soudain aussi sensible à la culture monétaire allemande qu’elle l’a été à la culture monétaire américaine en vivant à Washington. Ces dernières semaines, on l’a entendu, soudain, critiquer l’approche anglo-saxonne de la monnaie et son quantitative easing. Est-ce bien raisonnable quand l’on s’apprête à succéder à Mario Draghi? Il faut se rendre compte de ce qu’a été la puissance de Draghi, sa capacité à imposer son autorité et à faire mettre en minorité les thèses allemandes sur la monnaie. Précisément, au moment où l’Europe est plus menacée par la déflation que par l’inflation, il serait paradoxal d’avoir à la tête de la BCE une Française prête à suivre les Allemands de manière exagérée. 

Comment Urusula von der Leyen va pouvoir s'imposer et quel ton peut-on attendre de sa part à la tête de la commission européenne ? Est-ce un signe que la politique européenne sera dirigée par la CDU d'Angela Merkel ? 

Ursula von der Leyen a une forte personnalité et cela va nous changer de Juncker. Pour autant, est-elle faite pour la Commission européenne? Ou, pour être plus précis, pour une réforme de la Commission, afin qu’elle s’adapte à et surmonte les tensions qui menacent l’Europe? Le premier test sera la capacité - ou non - de la nouvelle présidente à changer de ton et de méthode pour boucler les négociations sur le Brexit. Saura-t-elle faire prévaloir le souhait des entreprises allemandes qu’un compromis soit établi? Ajoutons que ce n’est pas seulement l’influence de la CDU qui a porté ses fruits. La possibilité de nomination d’une Allemande à la tête de la Commission est le résultat assez naturel de la capacité allemande, depuis des années, à s’emparer des postes-clés dans les institutions européennes.

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