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Mais à qui doit-on vraiment la panne de l’ascenseur social français ?
©BERTRAND GUAY / AFP

éducation

De l’aveu même des représentants de l’État, l’ascenseur social serait gravement en panne. Ce n’est pas un scoop, hélas, et il semble assez naturel que la société française dans son ensemble s’en préoccupe.

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

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"L’ascenseur social français ne fonctionne plus, il faut le réparer ! Ainsi en a décidé Emmanuel Macron. Dans le collimateur, ces « élites » formées à l’ENA, Sciences Po ou dans les grandes écoles. Trop semblables, trop formatées, trop technocratiques, elles sont aussi devenues dans l’opinion publique – et chez les Gilets jaunes – le symbole de la reproduction sociale et de l’entre-soi qui profitent aux classes les plus aisées ou les mieux en cour dans les cercles du pouvoir.
C’est ainsi que la disparition de l’ENA dans sa forme actuelle est actée et que les autres écoles sont priées d’élargir leur recrutement. Première institution à répondre à l’appel de « l’ouverture sociale » lancée par la ministre de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal, Sciences Po Paris. Mais Polytechnique et l’Ecole normale supérieure sont également sollicitées tandis que les autres grandes écoles réfléchissent de leur côté à la façon d’augmenter et financer leur proportion d’étudiants boursiers.
Ainsi donc, de l’aveu même des représentants de l’État, l’ascenseur social serait gravement en panne. Ce n’est pas un scoop, hélas, et il semble assez naturel que la société française dans son ensemble s’en préoccupe.
Mais il faut avouer que cette prise de conscience récurrente des gouvernements successifs est du plus haut comique : qui plus que l’État français influe sur le niveau de l’éducation nationale et sur la vie socio-économique et culturelle de ses citoyens ?
Comme je l’indiquais déjà il y a deux ans dans mon article « Et la dette scolaire ? », le classement international PISA 2016 ne se contentait pas de placer nos élèves de 15 ans à une médiocre 26ème place (sur 70 pays) en sciences, maths et compréhension de l’écrit.
Il montrait également que les écarts de résultats en fonction du statut socio-économique des élèves étaient parmi les plus élevés de l’enquête (voir schéma ci-dessus extrait du journal Le Monde).
Un comble dans un pays qui place l’égalité au-dessus de tout et qui s’acharne depuis 1970 à transformer « l’égalité des chances » en « égalité réelle » à coup de redistribution massive via les impôts et la dette d’un côté et leur recyclage en dépenses publiques ciblées vers les populations « fragiles » de l’autre. Encore récemment, c’était petits-déjeuners à l’école dans les quartiers défavorisés et scolarisation obligatoire dès 3 ans au lieu de 6 ans, malgré un taux de fréquentation scolaire de 97 % pour cette tranche d’âge.
Vous trouvez que ces mesures ont tout de l’affichage médiatique gnangnan et fort peu de rapport avec les impératifs du « lire écrire compter » qu’on attendrait prioritairement d’un enseignement primaire susceptible d’ouvrir les portes du collège, puis éventuellement du lycée et du supérieur aux élèves, quels qu’ils soient et d’où qu’ils viennent ? Vous n’avez pas tort.
Mais que peut-on espérer d’une majorité qui laisse ses députées les plus en vue pondre des rapports navrants sur la nécessité de proposer des « prétextes inclusifs » et des « rituels positifs » type semaine du goût et échange de recettes culinaires afin de restaurer la confiance des parents dans l’école plutôt que de parler travail scolaire, assiduité et respect des enseignants ?
Plus généralement, l’Éducation nationale jouit du premier budget de l’État, elle dispose de personnels nombreux et elle agit pratiquement en situation de monopole. Ce ne sont pas les quelques écoles hors contrat, extrêmement surveillées et accusées de tous les maux, qui pourraient renverser la vapeur à court terme – même si certaines expériences sont des plus intéressantes ; quant aux écoles privées sous contrat, elles sont tenues d’enseigner les programmes concoctés au ministère de la rue de Grenelle.
Programmes qui font justement l’objet d’une vaste réforme chaque fois qu’un nouveau ministre est nommé et qu’il s’avise qu’il faut remettre de la « méritocratie républicaine » au sein du dispositif.
En vertu de quoi nous avons eu le « collège unique » de René Haby en 1975, histoire d’oublier que tous les adolescents ne se ressemblent pas et qu’ils n’ont pas les mêmes aptitudes intellectuelles. Suite à quoi, en 1985, Jean-Pierre Chevènement donnait à la France l’objectif d’amener « 80% d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat d’ici à 2000 ». Puis Najat Vallaud Belkacem, suivant la voie tracée par Vincent Peillon, s’empressait de réduire les enseignements disponibles en dégradant l’accès au latin et aux classes bilangues au collège et en allégeant les horaires du primaire afin d’introduire des activités périscolaires sans doute sympathiques mais sans rapport avec le si nécessaire « lire écrire compter ».
Ajoutez le « pédagogisme » qui a prévalu toutes ces années dans les sphères enseignantes et qui stipule notamment que c’est à l’élève de construire ses savoirs, avec pour résultat principal de battre en brèche l’autorité des professeurs, saupoudrez de bonne conscience quitte à contraindre les enseignants à ne pas faire de vague et vous obtenez à coup sûr 88 % de réussite au bac, des échecs en série en première année de licence et quelque 20 % de jeunes au chômage (avril 2019).
Bref, vous avez égalisé tout le monde dans le nivellement par le bas, ainsi que le confirment tous les classements internationaux avec une triste régularité.
Qui s’en tire ? D’abord les élèves naturellement brillants, puis éventuellement ceux dont les parents ont eu l’idée et/ou les moyens et/ou le temps de pallier les déficiences criantes de l’Éducation nationale par leur propre assistance ou par le recours à des cours extérieurs.
Notons à la décharge de l’actuel ministre Jean-Michel Blanquer qu’il a restauré le latin et le grec et les classes bilangues dans leurs droits et qu’il tente de recentrer l’enseignement du primaire sur les savoirs fondamentaux : dictée quotidienne, maîtrise de la lecture et de l’écriture, stimulation du vocabulaire, retour aux traditionnels COD et COI en lieu et place du prédicat apparu récemment dans le paysage éducatif, introduction de la méthode de Singapour pour les maths – tout ceci va dans le bon sens.
Mais au point de rigidité cadavérique où en est arrivé le « mammouth » – 12,9 millions d’élèves, 1,1 millions de salariés dont 881 400 enseignants et des syndicats tout puissants et systématiquement hostiles à toute tentative de transformation – il semble parfaitement illusoire de vouloir le faire gambader comme s’il était capable de s’adapter à toutes les situations différentes des élèves.
Aussi, au vu de ses médiocres résultats et compte tenu du fait qu’il n’est nullement question de remettre en cause son intégrité de monopole pachydermique au profit d’un enseignement plus libre, adapté à la diversité des élèves et riche de multiples projets éducatifs pour soutenir des excellences et des réussites variées en phase avec les évolutions de la société, force est de constater que tout le lamento sur la panne de l’ascenseur social n’est que larmes de crocodile.
Dès lors, les réformes présentées cette semaine par Science Po Paris concernant son mode de sélection à l’entrée, loin de viser le seul critère de l’excellence auquel l’établissement devrait se cantonner strictement, ne font qu’accompagner la décrépitude de l’Éducation nationale.
Si cette dernière remplissait son rôle de transmission des savoirs et des connaissances au lieu d’encourager bassement le sentiment des familles que n’importe quel élève peut prétendre au bac, général si possible, puis à l’enseignement supérieur, point ne serait besoin d’introduire des quotas purement volontaristes, point ne serait besoin de supprimer les épreuves écrites et point n’aurait été besoin (en 2013) de supprimer l’épreuve de culture générale.
Si elle assurait intelligemment l’orientation des élèves au lieu de faire miroiter un bac général inaccessible à beaucoup d’entre eux sauf à baisser dramatiquement le niveau requis, elle permettrait que les filières technologiques et professionnelles soient revalorisées et recherchées et elle permettrait à de nombreux secteurs économiques tels que la restauration ou le bâtiment de pourvoir des postes désespérément vacants.
Qu’on me comprenne bien : chercher à lever des fonds privés, comme le fait par exemple HEC, pour financer la scolarité des étudiants dont les familles ne disposent pas des revenus nécessaires est une initiative excellente – à condition que tous les admis aient été sélectionnés sur le seul critère de leurs aptitudes telles que mesurées par le concours d’entrée, quitte à calibrer ce dernier en fonction des filières scientifiques ou économiques suivies préalablement par les candidats.
En revanche, adapter les concours d’entrée pour tenir compte, non pas de la diversité des profils académiques, mais de critères sociaux, dans une tentative de réparer les insuffisances déplorables de l’Education nationale et faire montre d’un égalitarisme de façade – bref, se lancer dans tous les biais négatifs de la discrimination positive ne sera qu’une illusion de plus, très éloignée de la méritocratie républicaine qu’on se targue de rechercher.
C’est pourtant le chemin choisi par le gouvernement. Et le moment parfait de citer la célèbre formule : « Dieu se rit… » etc. Ça promet."

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