Etrange épidémie de musées fantômes en Chine<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Etrange épidémie de musées fantômes en Chine
©Mark RALSTON / AFP

Culture chinoise

Une étude rapportée par South China Morning Post montre que la Chine a ouvert au cours des dernières décennies des milliers de nouveaux musées qui sont aujourd'hui vides, désertés par les expositions et les visiteurs.

Cyrille Javary

Cyrille Javary

Cyrille J-D Javary est un sinologue, écrivain, conférencier et consultant en culture chinoise ancienne et moderne. Il est né en 1947, s’est rendu 68 fois en Chine (premier voyage en1984) après un séjour de deux ans à Taiwan (1980-1982).

Il a publié une quinzaine d’ouvrages sur différents aspects de la culture chinoise, notamment une traduction du livre fondateur du mode de penser chinois Yi Jing, le Livre des Changements (Albin Michel 2002) qui a considérablement renouvelé le regard sur cet ancien Classique. Pour mieux faire connaître ce grand livre du Yin & du Yang, il a fondé en 1985 le Centre DJOHI : « association pour l’étude et l’usage du Yi Jing » qu’il dirige toujours et qui a organisé, en juin 2014 à Paris, le premier colloque international consacré au Yi Jing.

 

Ouvrages publiés récemment : 

Cent mots pour comprendre les Chinois (Albin Michel 2008)

L’esprit des nombres écrits en chinois. Symbolique & emblématique (Signatura 2009)

Dans la Cité Pourpre Interdite, promenade Yin-Yang (Picquier Poche 2009)

Les Rouages du Yi Jing, introduction au Livre des Changements (Picquier Poche 2010)

Les trois Sagesses chinoises : Taoïsme, Confucianisme, Bouddhisme (Albin Michel 2011)

La Chine nouvelle Être riche est glorieux avec A. Wang (Larousse Petites encyclopédies 2012)

La souplesse du dragon. Fondamentaux de la culture chinoise (Albin Michel, janvier 2014)

Le Yi Jing (Lexio poche Ed. du Cerf, novembre 2014)

Confucius, vieux sage ou maître actuel ? coffret 3 CD audio.  Fremeaux Associés janv. 2015 

L’esprit du Yi Jing dossier de la revue Planète Chinois n° 23 mars 2015

La sagesse de Confucius Ed. Eyrolles (avec 16 fiches portraits des disciples) janv. 2016

L’esthétique des défunts  in « esthétique du quotidien en Chine » sous la dir de D. Elisseeff  2016

Yin Yang, emblème de la pensée chinoise coffret 3 CD audio. (Fremeaux sept 2016) 

« coup de cœur de l’Académie C. Cros. sept. 2017

La souplesse du dragon. Fondamentaux de la culture chinoise (Albin Michel, poche mars 2017)

 

Dernier ouvrage paru :

Yin-Yang, la dynamique du monde Albin Michel  (2018) postface de Danièlle Elisseeff

 

Il a collaboré régulièrement aux magazines : Chine Plus (pour lequel il a interviewé deux fois J-P Raffarin), Ultreïa, le Monde des Religions, Génération Tao, Sciences Humaines, Philosophie magazine, Historia, etc.

Voir la bio »
Au regard de l'histoire culturelle de la Chine, comment comprendre la multiplication des musées d'une part, et la désertion de ces derniers d'autre part ?
Depuis 1840 jusqu’à 1949, l’histoire de la Chine est celle de l’humiliation de ce pays qui, jusqu’à la Renaissance, fut le pays le plus civilisé du monde.
Petit rappel historique.
Au début du 18° siècle, la Chine produisait le tiers de la richesse mondiale. En 1840 survint la guerre de l’opium menée par le colonialisme mercantile britannique, attaque redoublée en 1860 avec Napoléon III et la destruction du palais d’été. Au cours du siècle suivant, ce fut le camouflet du traité de Versailles qui fut l’occasion de la première manifestation de l’identité chinoise, le 4 mai 1919, déjà place Tian An Men. Le pays fut ensuite envahi par l’impérialisme japonais. En 1949, Mao rend sa face à la Chine, mais, pour cela, fait «du passé table rase». En 1979, Deng Xiaoping ouvre le pays au vent du large, mais la bascule est trop rapide, et la corruption gangrène tout le pays.En 1989, les étudiants réclament non un changement de régime, mais un retour aux vertus confucéennesd’honnêteté pour leurs dirigeants : la fracture est ouverte. Les dirigeants successifs tenteront de la combler en ré-enracinant la Chine dans son long passé culturel. Li Peng, le bourreau de Tian An Men, ira fêter le 2540° anniversaire de Confucius dans sa  ville natale de Qufuen septembre1989. C’est depuis lors que, reprenant sa course à la modernité, la Chine va de l’avant en s’enracinant par la célébration de son glorieux passé.
Les floraisons des musées sont l’image de cette célébration du glorieux passé chinois, tout comme le fut la célébration de la cérémonie d’ouverture des jeux olympiques de 2008 à Pékin, alliant l’évocation des plus lointains ancêtres (mythologiques) du pays aux cosmonautes qui, à la suite du colonel Yang Liwei cinq ans auparavant, avaient fait rentrer la Chine dans le club fermé des puissances spatiales. 
Certes, certains musées ont été construits par des potentats locaux détournant l’argent public à leur propre gloire. Et comment s’étonner alors que ces musées ne reçoivent aucune faveur du public chinois qui voit bien qu’ils ne sont que de vanités personnelles. En revanche, les monuments emblématiques de la grandeur chinoise ne cessent d’accueillir plus de visiteurs.La Cité interdite par exemple : 15 millions par an, soit 80.000 par jour, plus du double de Versailles ou du Louvre. 
L’exemple emblématique de ce que représente cette floraison de musées pour les Chinois est le tombeau de l’Empereur Jaune ? Ce personnage entièrement mythologique incarne l’identité chinoise, le sentiment d’appartenance à cette culture unique par sa durée, son ampleur et sa particularité dans tous les domaines : linguistique (les idéogrammes), médical (les aiguilles), idéographique (le pinceau), politique (le parti unique et le couplage : empereur/premier ministre, créé il y a 2.200 ans et toujours à l’œuvre de nos jours- le seul intermède ayant été Tchang Kai Shek). Le site du tombeau de l’Empereur Jaune est à 400 Km au Nord-Ouest de Xi’an qui fut capitale de 12 dynasties parmi lesquelles les plus prestigieuses, les Han (- 206 + 220) et les Tang (618 - 907). La tradition rapporte que Qin Shi Huangdi, le premier empereur, vint rendre hommage au tombeau de l’Empereur Jaune. En 180 av. J.-C., l’empereur Wu des Han vint aussi lui rendre hommage, mais cette fois accompagné des 180000 soldats qu’il avait rassemblés pour combattre les envahisseurs de Haute-Asie. Pendant la dynastie des Tang, le sacrifice mémoriel à l’empereur jaune fut officialisé. Durant la dynastie des Song (960-1279), ce culte ancestral fut officialisé et des milliers de cyprès y furent plantés. Plus tard, les empereurs de Ming et des Qing vinrent lui rendre hommage. En 1912, le Dr Sun Yat-sen envoya un haut responsable de la toute nouvelle république de Chine lire une lettre devant le tombeau, afin de faire savoir à l’Empereur Jaune que, enfin, les occupants mandchous avaient étés renvoyés, et que désormais des Chinois gouvernaient les Chinois.
En 1939 à l’occasion de la fête ancestrale du « nettoyage des tombes », Mao Zedong envoya Lin BoQu, un haut membre du Comité Central (il se tient juste derrière Mao lors de la proclamation de la république Populaire sur le bacon de la porte Tian An Men),pour les cérémonies commémoratives. En 2006, les cérémonials envers l’Empereur Jaune furent inclus dans la liste des reliques culturelles de la civilisation chinoise.
Même s'il y a eu des mandarins provinciaux corrompus qui ont profité de l’argent de l’État pour construire des musées plus à leur propre gloire, ce sont des phénomènes marginaux qui ne vont pas à l’encontre de l’idée générale de cette recherche totalement chinoise (l’idée d’une compétition muséographique avec les USA est risible pour un esprit chinois. On ne met pas sur le même plan une civilisation bâtie sur 3.000 ans d’histoire avec une autre, si puissante et si enviable qu’elle puisse être,qui a moins de 300 ans derrière elle). Il se pourrait au contraireque la Chine fière de son enracinement millénaire fasse apparaître certains de nos manques. Ne nous serait-il pas plus facile de se sentir européen si nous avions nous aussi un Empereur Jaune ? 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !