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LR : mais pourquoi les poids lourds du parti considèrent-ils que toute concurrence n’est faite que de guerres des chefs et pas de combats d’idées ?
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Mort des idées ?

Dans un entretien au Figaro, Christian Jacob a déclaré se lancer dans la course à la présidence de LR. Interrogé sur son opposition avec Bruno Retailleau, il a déclaré avoir "acté avec lui le fait qu’il serait suicidaire d’être candidat l’un contre l’autre". Il ajoute "On ne peut pas dire: voilà la ligne, qui m’aime me suive".

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Atlantico.fr : Comment expliquer que les têtes pensantes du parti persistent à considérer la concurrence comme un combat de personnes et non d'idées ?

Maxime Tandonnet : C’est lié à l’histoire du mouvement qui s’appelle LR aujourd’hui. Le traumatisme issu du combat des chefs est immense. On se souvient des affrontements Chirac/Balladur, Juppé/Séguin, Copé/Fillon, Wauquiez/Pécresse… Il est certain que ces querelles de personnes ont eu pour effet d’affaiblir le mouvement. Sur le long terme, elles ont nui à sa crédibilité dans l’opinion en donnant l’image d’un parti centré sur l’obsession carriériste plutôt que le service de la France. Les primaires de 2016 ont été le paroxysme de cette logique avec la lutte officielle et à ciel ouvert de ses leaders pour la conquête du Graal élyséen.  Il semble que le mouvement ait aujourd’hui la volonté de passer à autre chose et de faire taire les querelles des chefs ou batailles d’ambition. La concurrence des personnes existera toujours, mais de manière plus discrète. Quant à la concurrence des idées, elle n’est pas une fin en soi. Un mouvement politique a pour vocation de concevoir et le cas échéant d’appliquer un projet, un seul projet. Le débat doit exister au sein d’une formation politique mais fondé sur un objectif commun et tourné vers la recherche du consensus : le projet collectif.

Les défaites face à LREM et au RN semblent indiquer une certaine obsolescence du logiciel de la droite. LR peuvent-ils espérer se sortir du marasme dans lequel ils se trouvent sans proposer un projet fondamentalement nouveau ?

Oui, je suis entièrement d’accord avec cette idée. Nous voyons que la politique française glisse de plus en plus dans la personnalisation à outrance des enjeux – la lutte Macron/le Pen –, le grand spectacle romanesque, tel l’affrontement entre le « bien post national » et le « mal populiste », les postures de demi-dieu, la communication, les effets de manche, l’idolâtrie et le culte des chimères. Le mouvement qui s’est baptisé les Républicains doit être fidèle au nom qu’il s’est donné : redécouvrir la République, au sens étymologique, de la Res Publica, la chose publique. Sa mission aujourd’hui est d’arracher la politique à la scène de théâtre et à l’émotionnel pour la réancrer dans le monde des réalités. La politique ne doit plus être une affaire de prosternation, d’amour et de haine envers des demi-dieux, mais d’action au service du bien commun : comment réduire la dette publique, les déficits et la surcharge fiscale, au-delà des effets d’annonce, restaurer l’autorité de l’Etat, la sécurité des biens et des personnes et la maîtrise des frontières, redresser le niveau de l’éducation nationale, s’engager dans la voie d’une réindustrialisation pour combattre le chômage ? Comment redresser l’image de la France en Europe et dans le monde ? Un projet « fondamentalement nouveau » n’est  pas forcément la formule la plus adaptée. La question essentielle n’est pas celle de la nouveauté mais de l’efficacité, de la constance et de la volonté. Et surtout, de la crédibilité : le projet ne doit pas forcément être grandiloquent ni tapageur, mais crédible et réaliste, pour restaurer la confiance. 

La jeune génération des Républicains peut-elle apporter cette nouveauté nécessaire à la renaissance du parti ?

Qu’est-ce que la « jeune génération »? Trentenaires, jeunes quadragénaires ? Il y a chez eux le meilleur comme le pire mais il est difficile de parler d’une nouvelle génération ayant collectivement rompu avec les mauvaises habitudes de jadis. Cette génération là n’est pas exempte de démagogie, de carriérisme et de narcissisme. Le jeunisme fait partie de ces idoles de notre époque qui reflètent la perte du bon sens et de la culture politique. On ne refera pas aux Français le coup du « nouveau monde » ! Non, ce n’est sûrement pas une affaire d’âge, mais de lucidité. Aujourd’hui, et plus encore dans trois ans, les Français, dans leur immense majorité, ne supporteront plus le naufrage narcissique de la politique et le culte de la prétention vaniteuse, de l’extrême gauche à l’extrême droite, en passant par l’extrême centre, qui couvrent les difficultés croissantes et l’affaiblissement de notre pays. Les Français seront, plus encore qu’aujourd’hui, devenu allergiques aux excès de communication et de manipulation. LR parviendra-t-il à offrir une alternative au combat de Titan Le Pen/ Macron ? Oui, à condition de prouver aux Français que le débat d’idées, le service de l’Etat, le projet collectif, l’emportent désormais, au prix d’une révolution copernicienne de la politique, sur toute forme de culte de la personnalité. A cet égard, le choix de M. Christian Jacob pour la présidence de LR, profil d’homme de terrain et d’expérience plutôt que de vedette médiatique,  pourrait être un signal de sagesse. 

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