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Edouard Philippe face au défi de la mise en oeuvre du programme d'un parti "attrape-tout"
©PHILIPPE LOPEZ / AFP

Programme complexe

Si le Premier Ministre a détaillé les réformes qu'il souhaite entreprendre avec son gouvernement, il reste difficile de savoir comment il compte s'y prendre pour dépasser les contradictions affichées.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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La déclaration de politique générale d'Edouard Philippe a recueilli 363 voix à l'Assemblée Nationale soit seulement sept de moins qu'il y a deux ans, lorsqu'il a posé la première fois la question de confiance aux députés, après sa nomination. Et pourtant un monde sépare ces deux épisodes. Car, si le Premier Ministre, conforté dans ses fonctions, est venu solliciter la confiance des députés, c'est parce que la France vient de traverser une crise sociale, incarnée par les Gilets Jaunes, qui a durement ébranlé le pays. Les premières leçons en ont été tirées à la fin 2018 avec une série de mesures d'augmentation de pouvoir d'achat pour les plus faibles, le rétropédalage à propos de l'augmentation de la CSG pour les retraités modestes, ainsi qu'un coup d'arrêt à l'augmentation des carburants...Ce n'était qu'un début. Les Européennes ont provoqué une autre secousse, moins violente, mais non moins profonde avec, d'une part, l'effondrement des partis de gouvernement de gauche et de droite -(le PS ne s'en relève pas de la présidentielle de 2017 , les Républicains dont la tête de liste conservatrice a divisé l'électorat qui a préféré voter utile en portant ses suffrages à la liste macroniste, qui sont aujourd'hui en pleine turbulence), et d'autre part la bonne performance des Verts, dopés par la prise de conscience générale de l'urgence climatique.  Emmanuel Macron a fait son autocritique en reconnaissant des "erreurs" et exprimé des regrets sur son mode de gouvernance. Edouard Philippe s'est, lui, dit " profondément marqué " par la crise des Gilets Jaunes. En haut lieu l'arrogance fait place à l'humilité, mais ce sont des actes que les électeurs attendent. Message reçu : Edouard Philippe a déclaré que " le gouvernement et la majorité entendent tirer la force d’un nouvel élan. C’est l'Acte 2 du quinquennat. Une nouvelle étape qui marque une césure, à travers un profond changement de méthode, mais qui va de pair avec deux impératifs : la constance et la cohérence, qui sont bien les seules choses que notre pays n’ait jamais tentées". Constance et cohérence seraient donc la nouvelle forme du " en même temps": plaire à la gauche , à la droite, et à la majorité de la République en Marche, qui prétendait incarner cela jusqu'à présent.

Pour la réforme des retraites, satisfaire la gauche et la droite, c'est "réduire l’écart entre les pensions des plus modestes et celles des plus aisés, entre les pensions des hommes et celles des femmes....arriver à garantir comme le Président l’a demandé, que les personnes qui ont travaillé toute leur vie ne gagnent pas moins que 85% du SMIC", tout en faisant comprendre qu'il faudra travailler plus longtemps pour atteindre cet objectif. Faire comprendre ...

Satisfaire plutôt la droite c'est mettre l'accent sur les questions de sécurité:"d’abord garantir l’ordre public pour tous et sur tout le territoire", promettre que " durant les douze prochains mois, notre priorité sera de combattre le trafic de stupéfiants qui gangrène des pans entiers de notre territoire. Cela implique de harceler les points de vente, de neutraliser les échelons de distribution, de faire tomber les têtes de réseaux....C'est ne pas ignorer les problèmes liés à  l'immigration "et promettre un débat annuel sur la question. C'est aussi " maintenir une vigilance de tous les instants contre la menace terroriste, continuer de fermer les lieux de culte radicalisés, poursuivre l’expulsion systématique des ressortissants étrangers en situation irrégulière qui figurent au FSPRT, le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste. Nous en avons expulsé plus de 300 au cours des dix-huit derniers mois".

Pour autant, l'exécutif ne pouvait ignorer l'une des grandes revendications d'une partie de "sa" majorité, la mise en oeuvre d'une promesse électorale jugée emblématique par  son aile gauche, la PMA, le recours à la procréation médicalement assistée pour toutes les femmes. Après de longues hésitations à cause du calendrier électoral, il a finalement été décidé que  "le projet de loi sera adopté en Conseil des ministres fin juillet et pourra être débattu au Parlement dès la fin septembre, juste avant la discussion budgétaire". Satisfaire tout le monde, c'est baisser les impôts, mais satisfaire la droite, c'est baisser la dépense publique , et cette question est seulement effleurée, les arbitrages viendront plus tard ...

Conscient de la fracture territoriale, Edouard Philippe, a annoncé un nouvel acte de décentralisation. Mais, a-t-il prévenu", je sais que cela prend du temps et que les positions des territoires sont moins unies que nous ne le voudrions tous. C’est bien normal, d’ailleurs, car notre système est devenu compliqué. Ma conviction, c’est qu’il faut d’abord conforter les maires, qui sont plébiscités par nos concitoyens"...

Reste le chapitre de la réforme constitutionnelle ..Le premier Ministre a soufflé le chaud et le froid , laissant planer la menace d'un référendum faute d'accord avec le Sénat, mais également l'éventualité d'un report sine die. Ce qui n'empêcherait pas le gouvernement de faire voter la proportionnelle pour les législatives. Et ce qui fait voir rouge les Républicains pour qui le scrutin majoritaire est l'une des matrice de la Ve République, bien que ne figurant pas dans la Constitution.

Devant les députés, et aujourd'hui devant les sénateurs, Edouard Philippe s'est aussi fait le porte parole d'Emmanuel Macron, qui a renoncé à prendre la parole devant le congrès du Parlement, après avoir beaucoup, beaucoup parlé pendant la crise des Gilets Jaunes. C'est au Premier Ministre qu'il revient donc de mettre en musique l'acte 2,  de faire voter les réformes et de veiller à leur application, ce qui n'est pas le plus simple...  Il veut " rebâtir la confiance... et renouer avec l'idée de rassemblement dont le pays a besoin".

Rassemblement, c'était un mot cher à la droite gaulliste. C'était " le métro à six heures du soir", le parti "attrape-tout" à l'ancienne . Rassemblement, c'est ce que la République en Marche était jusqu'à présent, censé incarner. Les limites de parti "attrape-tout" (traduction du terme anglais "catch all party" cher aux politologues) ont-elles été atteintes ? En tous cas Emmanuel Macron et Edouard Philippe veulent l'élargir en le flanquant d'une aile droite et d'une aile gauche, afin d'arrimer concrètement à la majorité les électeurs qui ont délaissé le PS, mais surtout ceux qui ont boudé les Républicains. C'est aussi cela l'acte 2 du quinquennat, prélude à l'acte 3 de 2022. Auparavant il y aura eu les Municipales et les sénatoriales. Autant d'occasions de recomposition du paysage politique ....

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