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Rassemblement de Frères Musulmans à la mosquée de Vigneux-sur-Seine, prémices de la future représentation de l'islam en France ?
©MARTIN BUREAU / AFP

Ikhwan

La mosquée de Vigneux-sur-Seine a vu défiler de nombreux prédicateurs intégristes de France et d’ailleurs.

Naëm Bestandji

Naëm Bestandji

Écrivain/essayiste, Naëm Bestandji est un laïque et féministe engagé. Il a longtemps travaillé dans le domaine socio-culturel auprès des enfants et adolescents des quartiers populaires. Il y a toujours vécu et a été très tôt confronté à la montée de l'intégrisme religieux.

Il a publié de nombreux articles sur l’islamisme politique.

Son site internet : https://www.naembestandji.fr/

Il est l’auteur d’un essai remarqué, pour tout comprendre sur le sexisme politique du voile : « Le linceul du féminisme – Caresser l’islamisme dans le sens du voile » (éditions Séramis, novembre 2021).

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C'est justement dans cette mosquée que s'était tenue la fameuse conférence que j'avais révélée il y a plus de 2 ans, celle du CCIF où Marwan Muhammad tint un discours à la fois ultra victimaire, raciste et totalitaire. Celle où il déroula sa vision de la femme musulmane qui devrait se distinguer du "mode de vie tel qu'il est pratiqué ici [en France]" en se voilant et ne pas se mettre nue pour vendre du yaourt comme ces Françaises dépravées. Celle où il rêva du profil type de la femme musulmane qui prépare un repas chaud posé sur la table pour son mari qui rentre du travail, la musulmane qui "se lève le week-end pour préparer le petit-déjeuner et laver les enfants". Celle où il déroula ses arguments politiques contre les musulmans non islamistes et les élus locaux qu'il faudrait influencer par des courriers et appels téléphoniques. Bref, cette mosquée participe à la diffusion de l'islamisme et aime transgresser la loi de 1905 (article 26 sur l'interdiction des discours politiques dans les lieux de culte), comme tous les intégrismes religieux.

Cette même mosquée organise et accueille, à partir du vendredi 7 juin et durant 3 jours, le "6ème congrès de la mosquée de Vigneux-sur-Seine". Le thème de cette année est "les finalités de l'Islam au service d'une religiosité équilibrée". Venant d'un tel organisateur, "la religiosité équilibrée" pencherait du côté des Frères Musulmans. En observant les intervenants invités, cet "équilibre" frériste est confirmé. Je ne prendrai que quelques exemples :

- Abdallah Ben Mansour fut secrétaire général de l’UOIF, branche française des Frères Musulmans, et conférencier à l’IESH. L'IESH est un institut créé par l'UOIF et dont Youssef Al-Qaradhawi remit les premiers diplômes en 1992. Abdallah Ben Mansour fut aussi président de la FOIE (Federation of Islamic Organisations in Europe) de 2014 à 2018, organisme européen des Frères Musulmans.

- Abdelmajid Najar est l'un des membres fondateurs du mouvement politico-religieux tunisien Ennahdha, issu des Frères Musulmans. Il est aussi l'un des dirigeants de "l'Union mondiale des savants musulmans", union internationale réunissant Frères Musulmans et des salafistes, longtemps présidée par Youssef Al-Qaradhawi. Il est également membre du Conseil Européen de la Fatwa et de la Recherche (CEFR), organe théologique européen des Frères Musulmans qui a pour vocation de guider les musulmans vivant en Europe vers l'islam version frériste, là encore longtemps présidé par Y. Al-Qaradhawi. Abdelmajid Najar est aussi membre du "Conseil scientifique" de l’IESH.

- Mohammed Bajrafil, imam d'Ivry-sur-Seine, est secrétaire du "conseil théologique" de l'UOIF. Son opinion sur le voile est donc celle des islamistes : il serait une obligation religieuse, y compris pour les fillettes. Refuser cette sexualisation du corps qu'il faudrait cacher (y compris la tête) par le voilement serait, selon lui, un "pêché majeur". Il use de la rhétorique d'inversion pour le présenter comme tous les Frères Musulmans : appliquer ou non cette obligation, être une bonne musulmane ou pas, commettre ou non ce pêché majeur qui pourrait envoyer la contrevenante en enfer, Mohammed Bajrafil nomme cela le "libre choix".

Plusieurs de ces intervenants sont membres de l'Association Musulmane pour l’Islam de France (AMIF). Cette association a pour ambition de réorganiser l'islam en France afin, notamment, de se libérer de l'influence et des financements d'États étrangers, et mieux contrôler le marché du halal. Ses objectifs sont donc louables. Le problème est qu'elle est vérolée par des Frères Musulmans. Cet élément, flagrant par ce congrès à Vigneux, est en partie masqué par les attaques d'autres Frères Musulmans contre l'AMIF.

La Confrérie n'est pas uniforme. Des luttes internes entre Frères (parfois stratégiques, souvent personnelles) existent. Le CFCM, présidé par un proche de l'AKP (Frères musulmans turcs) voit l'AMIF d'un mauvais œil. Marwan Muhammad, Frère Musulman français parmi les plus connus, ambitionne aussi d'être le représentant des musulmans à travers sa plateforme "L.e.s Musulmans" (et le CCIF). Il est donc en concurrence avec le CFCM et en conflit ouvert avec l'AMIF. Ce ne sont que quelques exemples. L'appartenance à la Confrérie n'est pas seulement organique. Elle est surtout idéologique par des référents communs (Hassan Al-Banna et Youssef Al-Qaradhawi entre autres),  une même interprétation du Coran et la même vision du monde. Une adhésion idéologique où tous ne se reconnaissent pas dans les instances officielles de la Confrérie. L'AMIF est devenu le vecteur externe de ces conflits internes aux Frères Musulmans.

Comme je ne cesse de le répéter, par son ancrage lent et patient, l'islamisme politique est bien plus dangereux à long terme que l'islamisme djihadiste. Ce congrès organisé par la mosquée de Vigneux-sur-Seine, qui donne un avant-goût de ce que pourrait être l'organisation de l'islam dans notre pays, en est une énième preuve.

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