Atlantico : Le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer a proposé 10 mesures visant à lutter contre le harcèlement scolaire. Parmi ces dernières, on compte la « création d'un label pour les écoles à la pointe de la lutte », ou encore le développement d'un « appui extérieur à l'établissement », Concrètement que penser de l'efficacité de ces mesures ? 

Jean-Paul Brighelli : Il n'est pas mauvais que le droit des enfants à suivre des études sans être harcelé soit désormais inscrit dans la loi : cela permettra — j'espère — de poursuivre pénalement les harceleurs — ou leurs parents, responsables des agissements de leur progéniture. Cela suppose une définition juridique du harcèlement, qui n'est pas si aisée que cela à déterminer. La plupart des harceleurs mineurs, en Primaire ou en Collège, pensent — à tort — que le "vrai" harcèlement est physique, et que les paroles s'envolent. Or, des invectives répétées (et les enfants — "cet âge est sans pitié" disait très bien La Fontaine — ont le génie de la parole blessante, souvent bien plus raffinée que l'injure courante) laissent des traces terribles, qui peuvent amener des gosses fragiles à des gestes définitifs.

Rappelons que souvent le harcèlement est un phénomène de meute : on harcèle pour faire comme le groupe, ou pour être accepté par le groupe — jusqu'à obliger des non-musulmans à faire le ramadan ou à se vêtir de telle ou telle façon. Combien de filles, dès les petites classes, ont renoncé à mettre des jupes ou des robes !

Il faut comprendre que les prétextes à harcèlement sont souvent l'écho des propos entendus à la maison ou sur certains médias. Demandez donc aux petits Juifs de la couronne parisienne (et d'ailleurs) qui les harcèle et avec quels "arguments".

En fait, le ministère propose, et les établissements disposeront. Encore faudrait-il que TOUS les établissements rendent publics et fassent remonter, via les rectorats, les cas dont ils ont connaissance. La cruauté enfantine prend des chemins parfois inattendus.

Curieusement, on se penche sur la façon dont parfois — fort rarement en fait — des enseignants harcèlent des élèves — et encore faudrait-il peser les  comportements qui ont pour objectif le bien de l'élève. Parce que les pédagogues ont lu Rousseau (rappelez-vous : l'enfant est bon, clament ces grands naïfs), ils croient trop souvent que le harcèlement (un mot moderne que je propose de remplacer par "cruauté" ou sadisme") est superficiel, ou qu'il est un effet d'un harcèlement antérieur subi (hors école souvent : la société est responsable, bla-bla-bla) par l'élève harceleur.

Les mesures ne seront efficaces que si les établissements imposent, via leurs règlement intérieur, une tolérance zéro. Et font appel à la Justice pour toutes ces affaires que l'on croit trop souvent régler "en interne".

On note un réel développement du cyberharcèlement ( 9% des collégiens en 2018 contre 4,5% en 2015). Que peuvent concrètement les établissements scolaires pour ces faits qui se déroulent en général après la journée de cours ?

Là aussi, c'est aux autorités judiciaires de prendre les choses en main : une tâche à vrai dire très difficile, tant la carence de moyens, en matière informatique, est criante.

C'est aussi aux parents de contrôler les agissements de leur progéniture. Laisser des enfants, des pré-adolescents aux prises avec tout ce qu'offre le Net est une imprudence majeure. Les enfants doivent être protégés contre eux-mêmes au même titre que nous nous efforçons de les protéger contre les autres. Et le cyber-harcèlement n'appartient pas à tel ou tel milieu, telle ou telle classe sociale. On peut appartenir au meilleur monde et être un petit salopard en puissance.

À noter qu'à côté des élèves harcelés par leurs pairs, il y a aussi des enseignants harcelés : Juan Branco, dans son dernier livre, Crépuscule (disponible en ligne), raconte les origines scolaires et les comportements, dans des écoles huppées que l'on croit — à tort - à l'abri de telles pratiques, de tel membre actuel du gouvernement qui a poussé à bout l'une de ses enseignantes.

Il en est au fond du harcèlement comme de la pornographie : tant que l'on ne prend pas des mesures fortes pour réguler les flux internet, que l'on ne s'étonne pas que des gosses aient accès à des sites répugnants, qui les incitent à transporter dans les établissements scolaires des pratiques immondes, ou se livrent eux-mêmes, sur des réseaux sociaux friands de "communication" et d'"échanges", à des propos tout aussi répugnants, mettant en cause les origines supposées, les mœurs supposées, etc.

Quelles seraient alors les mesures à mettre en œuvre pour lutter efficacement contre le harcèlement à l'école, à la fois en ligne mais aussi hors ligne.

Il faut impérativement responsabiliser les parents, et les condamner lourdement, lorsque leurs petits chérubins se lancent dans des manœuvres verbales ou physiques qui nuisent à tel ou tel. C'est une question de loi : si on ne peut l'enseigner par la raison, on l'enseignera par la contrainte. Voir la video très signifiante mise en ligne par un père américain fâché que sa fille de dix ans ait été privée de transports scolaires parce qu'elle a harcelé l'un de ses condisciples :