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Attirer des investissements étrangers est-il toujours aussi bénéfique qu’on le croit ? Voilà pourquoi la réponse n’est pas évidente
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Cocorico ?

Alors que les investissements étrangers ont baissé en Europe l’année dernière, EY note une progression des investissements en France l’année dernière, la plaçant deuxième en termes d'attractivité derrière le Royaume-Uni mais devant l’Allemagne.

Sarah Guillou

Sarah Guillou

Sarah Guillou est économiste à l’OFCE dans le domaine de l’économie internationale et des politiques publiques affectant la compétitivité des entreprises. Son travail mobilise l’exploitation statistique de bases de données d’entreprises et de salariés ainsi que les données de commerce international par pays. Une partie de ses recherches porte sur les politiques industrielles et les politiques commerciales.

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Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Jean-Marc Siroën

Jean-Marc Siroën

Jean-Marc Siroën est professeur émérite d'économie à l'Université PSL-Dauphine. Il est spécialiste d’économie internationale et a publié de nombreux ouvrages et articles sur la mondialisation. Il est également l'auteur d'un récit romancé (en trois tomes) autour de l'économiste J.M. Keynes : "Mr Keynes et les extravagants". Site : www.jean-marcsiroen.dauphine.fr

 

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Atlantico : Y a-t-il une pénurie de capital en France qui justifie l’importance qu’on accorde à ces investissements ?

Michel Ruimy : La France résiste au ralentissement de la croissance européenne et mondiale, aux incertitudes liées au Brexit ou à celles liées aux tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis. Face à l’ensemble de l’Europe, où les investissements étrangers sont en repli de 4 %, notre pays se comporte plutôt bien face aux deux autres nations du trio de tête. En 2018, les investissements étrangers au Royaume-Uni et en Allemagne ont chuté de 13 %. Pour le Royaume-Uni, ceci peut s’expliquer par la perspective du Brexit et à une croissance en berne. Quant à l’Allemagne, première économie européenne, elle paye aujourd’hui le ralentissement du commerce mondial et ses mauvais choix en matière d’industrie automobile.

Ceci dit, les investissements directs à l’étranger sont des investissements par lesquels des entités résidentes d’une économie acquièrent ou ont acquis un intérêt durable dans une entité résidente d’une économie étrangère. Par convention, on considère qu’il y a intérêt durable et donc investissement direct lorsqu’une entreprise détient au moins 10 % du capital social ou des droits de vote d’une entreprise résidente d’un pays autre que le sien. En deçà de ce seuil, les opérations sur titres sont classées dans les investissements de portefeuille.

Ces prises de participation peuvent prendre différentes formes, les principales étant : la création de sociétés ou d’établissements (investissements dits « greenfield »), les acquisitions et fusions, le réinvestissement dans les filiales étrangères des bénéfices que celles-ci réalisent (« bénéfices réinvestis »).

On voit donc que l’apport de capitaux n’est pas systématiquement nécessaire. En fait, le dynamisme de l’investissement des entreprises françaises en 2018 s’est confirmé. Cependant, s’il a été majoritairement orienté vers la modernisation et le renouvellement d’équipements et / ou a visé à répondre aux défis environnementaux et à la mise aux normes, celui portant sur de nouvelles implantations est en baisse.

Sarah Guillou : Tout d’abord une entrée de capital dans un pays est le signe de l’existence d’opportunités d’investissement dans ce pays. Est-ce à dire que ces opportunités d’investissement sont saisies par les investisseurs étrangers par manque de capitaux français ? C’est plus compliqué que cela. Ce qui peut constituer une opportunité pour un investisseur étranger ne l’est pas forcément au même titre  pour un investisseur domestique pour au moins deux raisons : si le motif est de pénétrer un marché de client ou d’accéder à un environnement d’affaires (qualifications, sous-traitants, infrastructure…), ce dernier est déjà sur le marché domestique ; si le motif est de diversifier le portefeuille d’actif, là aussi les incitations diffèrent selon la nationalité de l’investisseur. Par ailleurs, les opportunités sont sectorielles et là aussi les motivations diffèrent selon les acteurs et leurs domaines de compétences et d’activité. Les liquidités disponibles en France sont de toute façon inférieures à l’ensemble du reste du monde. Dans un marché du capital ouvert, ce qui compte c’est l’équilibre global.

Il est juste cependant d’observer que le déficit de la balance commerciale française se traduit par un déficit d’épargne que comble les entrées de capitaux à taux de change constant.

Jean-Marc Siroën : La France épargne beaucoup mais sans être toujours investie dans les entreprises. Globalement, depuis une quinzaine d’années, l’investissement des entreprises est plutôt faible lorsqu’on le compare aux autres pays industriels et, malgré une amélioration ces dernières années, il a longtemps augmenté moins vite en France qu’en Allemagne ou au Royaume-Uni. De plus la part des dépenses en recherche-développement dans le PIB est restée plus faible que la moyenne des pays de l’OCDE. On connait aussi les difficultés de financement des petites et moyennes entreprises, souvent innovantes et davantage créatrices d’emplois que les plus grosses. Mais la disponibilité et l’utilisation du capital ne se sont pas les seuls éléments à prendre en compte ; les entreprises françaises ne peuvent couvrir l’ensemble des activités économiques. Elles peuvent investir dans leur domaine de spécialité mais pas dans ceux où elles sont moins performantes ou qui ont saturé leurs opportunités d’investissement en France. L’investissement est donc, au moins potentiellement, un complément utile.

Les chiffres d’EY (Ernst & Young) sont certes à prendre avec précaution. Le bon classement de la France est aussi dû à la baisse des projets d’investissements de l’Allemagne et du Royaume Uni. De plus on ne connait pas leur ampleur, notamment en termes de création d’emplois. Mais le classement en confirme d’autres allant dans le même sens. Au-delà des chiffres globaux, la France apparait comme le pays qui a attiré en 2018 le plus de projets d’investissement dans la Recherche-Développement (deux fois plus que le Royaume-Uni) et, plus inattendu encore, dans l’industrie (deux fois plus que l’Allemagne) qui, jusqu’à ces dernières années, n’avait pourtant pas cessé de décliner.

Comment expliquer la progression des investissements allemands en France ? La situation du marché de l’emploi outre-Rhin pousse-t-elle à faire de la France un nouvel « hinterland » potentiel pour son économie ?

Michel Ruimy : Les non-résidents, lorsqu’ils souhaitent investir, scrutent aussi à la loupe le taux de chômage. En Allemagne, il est bien trop… faible (3,2 %) ! Et cela inquiète car quand on cherche à installer une usine dans une région, le taux de chômage est plutôt un facteur attractif. En revanche, si vous ne trouvez personne à recruter, c’est un vrai problème. C’est ainsi que, depuis deux ans, devant ses difficultés de recrutement, les Allemands sont les premiers investisseurs industriels en France en termes de créations d’emplois, notamment dans les régions des Hauts-de-France et du Grand Est.

De manière plus générale, La France, avec 144 projets d’implantations ou d’agrandissements de centres de R&D étrangers l’an passé, est en train de devenir le « centre névralgique » de l’Europe en matière d’innovation. Le nombre d’investissements étrangers dans des centres de R&D, en France, l’an passé, a été supérieur à ceux de l’Allemagne et du Royaume-Uni réunis !

La performance en matière de centres de R&D montre que la constance paie. Notre pays a une politique d’offre globale pour attirer les investisseurs internationaux désireux d’innover : crédit impôt recherche, Banque Publique d’Investissement, excellence des formations et qualité de la recherche publique. Ainsi, les groupes étrangers trouvent un écosystème efficace en France pour faire de la R&D.

Sarah Guillou : L’Allemagne est le partenaire économique privilégié de la France, c’est notable en matière d’échanges commerciaux. C’est logique que le prolongement de cette activité commerciale se traduise par des investissements. De plus, les capacités de production allemandes sont sans doute à leur limite supérieure étant donné le marché du travail et la pénurie de travailleurs. Le déploiement international est une stratégie d’utilisation des liquidités des entreprises allemandes. Rappelons que les excédents commerciaux allemands leur confèrent des excédents d’épargne qu’ils investissent ailleurs et pas seulement en France. De plus l’attractivité est une notion relative, le Royaume-Uni ayant perdu de son capital d’attraction, la France devient plus séduisante relativement.

Jean-Marc Siroën : D’abord, il est bon que l’Allemagne investisse dans les autres pays européens, tout particulièrement dans les pays de la zone euro et pour une raison simple : recycler « sainement » leur colossal excédent commercial. Du point de vue macroéconomique, c’est le meilleur ajustement possible pour la stabilité de la zone euro et l’Allemagne devrait même faire bien davantage ! Mais au-delà de cet aspect, la situation démographique de l’Allemagne est en effet une raison importante des investissements à l’étranger. Dans de nombreux secteurs, faute de main d’œuvre adaptée, il est plus facile et moins cher d’embaucher du personnel correspondant aux qualifications requises dans des pays qui ressemblent à l’Allemagne en termes de productivité ou d’infrastructures qu’en Allemagne elle-même. Bien entendu, le Brexit joue aussi en faveur de la France et, de fait, si le Royaume-Uni continue de la distancer, mais de très peu (1054 projets contre 1027), il a connu en 2018 un net recul du nombre de projets d’investissements (-13% contre +1% pour la France).

À quels types d'investissements a-t-on globalement affaire ? Quelles problématiques peuvent poser ces investissements ?

Michel Ruimy : En dépit de la baisse du nombre de projets captés, les trois secteurs ayant attiré le plus d’investissements étrangers en 2018 sont identiques à ceux de 2017 : le numérique, les services aux entreprises et le secteur de la construction et des équipements de transport.

La France continue ainsi de tirer pleinement parti de la diversité de son économie. Les cinq premiers secteurs les plus attractifs représentent 50 % des investissements captés, faisant de la France l’un des pays en Europe où la répartition des IDE par secteur est la plus diversifiée, devant l’Allemagne (57 %) et le Royaume-Uni (65 %).

Cependant, force est de constater néanmoins que la France souffre de la comparaison avec le Royaume-Uni et l’Allemagne dans les services à forte valeur ajoutée. Dans le secteur du numérique, secteur le plus attractif en Europe en 2018, la France reste distancée par ses concurrents britannique et allemand, avec 171 projets captés contre 218 pour l’Allemagne et 288 pour le Royaume-Uni. Il en est de même pour les activités de services aux entreprises et pour le secteur financier.

Ainsi, si la France est parvenue à réduire l’écart dans le numérique et les services aux entreprises, notamment vis-à-vis de l’Allemagne, ce n’est donc pas en raison d’une réorientation des IDE vers l’Hexagone mais du coup d’arrêt observé chez ses concurrents.

Sarah Guillou : On distingue les investissements d’acquisitions (voire de fusion) des investissements de création d’actifs. Les seconds sont plus rares mais sont créateurs nets d’emplois. Les investissements directs étrangers qui augmentent les capacités de production sont plutôt rares, le plus souvent il s’agit de rachat d’actifs.

Sur l’année 2018, l’étude récente du cabinet EY montre que15% des projets d’investissements concernent des activités de R&D ; 33% des projets dans l’industrie mais la France est loin derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni en termes de nombre de projets dans le secteur digital. Le rapport annuel de la CNUCED qui sortira le 10 juin permettra des comparaisons internationales en valeur au-delà du nombre de projets.

En matière de risques associés à ces investissements, il n’y a guère d’inquiétudes à avoir quand il s’agit d’investissement ex nihilo, c’est-à-dire de création de capacité de production (la création de structure financière à des fins d’optimisation fiscale concerne peu la France). La surveillance des investissements étrangers peut se justifier dans le cas de  rachats d’actifs jugés stratégiques comme des technologies de pointe, des entreprises en prise avec l’organisation du territoire (réseaux de communication ou de production et distribution d’énergie) ou avec sa sécurité (mission régalienne). Mais de tels mécanismes de surveillance existent en France (depuis D. de Villepin, un décret de 2005 organise cette surveillance, renforcée par A. de Montebourg puis B. Le Maire) et ont même été renforcés au niveau européen cette année.

Jean-Marc Siroën : Les secteurs qui proposent le plus de projets comme le numérique, les services aux entreprises, la construction et équipements de transport sont aussi ceux qui ont reculé en 2018 au profit de secteurs comme la chimie-plasturgie, l’agroalimentaire, la pharmacie. On trouve donc à la fois des secteurs de haute technologie et des secteurs plus traditionnels, mais confrontés à des défis particulièrement lourds (automobile, agroalimentaire…) . Il faut aussi souligner que la France est le pays qui attiré le plus de projets d’implantation de centres de Recherche-développement avec une progression de … 85% en 2018 par rapport à 2017 surtout concentrés sur les secteurs du numérique et de la biotech (1800 emplois annoncés chez IBM).

L’actualité économique, que ce soit Ascoval ou Alstom, ne rappelle-t-elle pas aussi qu’un investissement n’est pas nécessairement une bonne chose sur le long terme ? Quels sont les risques en termes d’emploi, de transferts de technologie ou de subventions ?

Michel Ruimy : Les décisions de grands groupes étrangers de réduire leur activité en France peuvent laisser croire que les investissements étrangers ne sont guère profitables à l’économie française. Bien au contraire ! Derrière les (malheureuses) faillites se cachent nombre de projets d’installations et d’extensions, moins médiatisés, qui soutiennent durablement l’emploi et l’activité sur le territoire. C’est ce que montre le baromètre EY de l’attractivité : la hausse, très marquée sur trois ans, permet à la France de passer devant l’Allemagne à la deuxième place du classement européen.

Mieux, notre pays devance ses concurrents pour les projets dans des sites de production. Une raison de la fin de l’hémorragie d’emplois dans l’industrie. A cet égard, ce secteur, qu’on croyait un peu perdu, est redevenu un enjeu contemporain. Le nombre d’emplois industriels créés en France a enregistré, après une longue période de baisse, une légère hausse en 2017 et 2018 même si les suppressions de postes se succèdent encore, comme celles, au nombre d’un millier, annoncées chez General Electric.

Sarah Guillou : Les investisseurs, quelle que soit leur nationalité, peuvent se tromper : surestimer la rentabilité future de leur investissement ou adopter une stratégie industrielle qui sera un échec. Il ne faut pas associer à la nationalité étrangère une plus forte propension à faire des erreurs économiques.

De plus les entreprises qui sont acquises ou reprises sont souvent en difficulté, c’était le cas des deux entreprises citées. Sans l’apport de capitaux extérieurs, elles ne s’en seraient pas sorties. On peut se demander pour Alstom si une fusion avec Siemens aurait été préférable pour l’emploi. Rien n’est moins sûr. Beaucoup d’entreprises en situation de liquidation aimeraient bien trouver des repreneurs, qu’ils soient domestiques ou étrangers.

En quoi la stratégie d’un actionnaire étranger est-elle plus risquée que celle d’un actionnaire domestique ? La logique du capitalisme mondial étant peu ou prou la même, il n’y a aucune raison de croire qu’elle dépende de la nationalité de l’actionnaire. Certes, l’habitat préféré de l’actionnaire principal, souvent la nationalité du siège, peut influencer les stratégies internationales de localisation des actifs, les réseaux politiques et financiers sur lesquels l’actionnaire a des leviers, et cela peut jouer à la marge.

Mais au premier abord, quand un investisseur achète un actif, ce dernier est associé à son territoire par les employés et leurs qualifications, par le tissu de sous-traitants et de centres de recherche, par la clientèle qui y est associé, ou encore par les infrastructures dont il dépend. Si la rentabilité de l’investissement dépend de tous ces éléments, il n’y a pas de raisons que l’investisseur y renonce. Mais reconnaissons qu’existent des actifs moins liés au territoire, comme un portefeuille de brevets, une technologie, une marque, autant d’actifs immatériels que l’actionnaire pourra redéployer ailleurs. Le risque que la stratégie industrielle dépende de la nationalité de l’actionnaire est donc plus grand quand les actifs sont immatériels et faiblement rattachés au territoire.

Jean-Marc Siroën : C’est vrai pour tous les investissements qu’ils soient français ou étrangers. Les cas cités sont ceux d’entreprises en déclin pour lesquelles l’État est allé chercher des investisseurs souvent étrangers et pas toujours très motivés, afin de sauvegarder des emplois dans des régions en difficulté. Ils n’ont souvent pu être attirés que par des subventions ou « facilités » plus ou moins exorbitantes mais éphémères et incapables d’inscrire un projet industriel dans la durée.

La très grande majorité des 1027 projets recensés par EY ne sont pas des reprises de sites en difficulté mais des extensions de sites existant ou des créations nouvelles. Ce n’est pas un gage de réussite, mais c’est une logique tout à fait différente que pour les investissements de type Ascoval ou Alstom.

L’étude ne donne pas beaucoup de détails ce qui rend l’analyse difficile et la prudence nécessaire, mais quand ces projets portent sur la création ou l’extension, les effets sur l’emploi devraient être positifs. Certes des entreprises de type Amazon peuvent avoir des effets collatéraux négatifs sur l’emploi, dans le commerce en l’occurrence, mais cet effet est (malheureusement) indépendant de la localisation des entrepôts.

Par ailleurs, les subventions n’apparaissent pas comme un élément d’attractivité majeur par rapport, à la fiscalité qui, ces dernières années, a explicitement visé à attirer les investissements étrangers. Quant au transfert de technologie, il fonctionne dans les deux sens : les entreprises étrangères peuvent bénéficier de la technologie française (c’est sans doute ce qu’espèrent Fiat-Chrysler par rapport à Renault…) mais les entreprises françaises peuvent aussi bénéficier des technologies apportées par les firmes étrangères. Il semble qu’en l’occurrence, ce soit plutôt cette dernière perspective qui s’impose. Les entreprises étrangères compenseraient la faiblesse des entreprises françaises en matière de Recherche-Développement qu’on peut regretter par ailleurs.

Quels seraient les politiques que le gouvernement pourrait envisager pour optimiser les gains d’une telle attractivité ?

Michel Ruimy : Il est indéniable que nous avons encore des efforts à faire pour attirer les investisseurs étrangers. Nos deux grands concurrents en Europe, le Royaume-Uni et l’Allemagne, sont aujourd’hui affaiblis sur le plan économique. C’est donc maintenant qu’il faut tirer parti de nos avantages.

Depuis dix ans, la France a perdu beaucoup de terrain sur les sièges européens et dans le digital face à Londres, où se sont implantées la plupart des « success-stories » américaines. L’objectif de ces prochaines années est de capter les nouvelles « licornes » américaines. A cette fin, la France devra maintenir, au sein d’une Europe post-Brexit, le cap des réformes engagées depuis 2017. Pour prendre une comparaison footballistique, c’est comme si, aujourd’hui, l’Allemagne et le Royaume-Uni jouaient à 9 alors que la France est à 11. Or, dans ce contexte, nous ne marquons pas assez de buts.

Si la crise des « gilets jaunes » n’a pas eu, jusqu’à ce jour, de véritable impact sur les intentions des investisseurs étrangers, ceux-ci sont, toutefois, toujours dans l’attente de mesures de simplification administrative, de développement des compétences, de réduction du coût du travail et d’allégement de la pression fiscale. De quoi nourrir la deuxième partie du quinquennat...

Il n’en demeure pas moins que la fiscalité demeure un facteur différenciant entre pays pour deux raisons. La première est la capacité à assurer un environnement fiscal stable et prédictible. À cet égard, le respect effectif par la France des engagements et du programme annoncé (maîtrise des prélèvements obligatoires, baisse du taux de l’IS et réduction du poids de l’impôt sur les activités productives…) sera un indicateur pertinent de la crédibilité de sa politique fiscale.

Le deuxième est la capacité de continuer à simplifier une législation complexe et un millefeuille fruit de l’histoire et du réflexe pavlovien français de créer une nouvelle taxe chaque fois que l’on entend peser sur les choix des opérateurs économiques. À ce titre, la poursuite de la réduction du nombre de taxes existantes sera observée de près.

C’est donc sur le terrain de la crédibilité et du respect de la trajectoire annoncée que se jouera l’attractivité fiscale de la France, facteurs qui expliquent largement le succès et l’attractivité de notre voisin allemand.

Sarah Guillou : Il s’agit de surveiller les investissements dans des actifs jugés stratégiques, tels que préciser plus haut, tout en veillant à offrir des capitaux de substitution par des fonds d’épargne privée garantie ou  par la Banque publique d’investissement en cas de rejet de l’investisseur étranger. Toutefois, il importe de conserver une définition stricte, précise et transparente des actifs stratégiques en accord avec une politique industrielle bien définie et des choix politiques. C’est à cette condition que cette surveillance n’aura pas un effet dissuasif sur les investisseurs car prévisible. C’est une condition importante également pour éviter que toutes défaillances d’entreprises ne réclament systématiquement une intervention de l’Etat comme apporteur de capitaux. L’investisseur public n’étant pas à l’abri des erreurs de l’investisseur privé, de telles erreurs ne peuvent être assumées par les finances publiques qu’au nom d’un intérêt supérieur -- celui des actifs stratégiques sur lesquels s’accordent le vote démocratique.

Le gouvernement doit veiller aussi à ne pas tomber dans le piège de l’attractivité des capitaux étrangers. L’attractivité doit d’abord et avant tout viser les investisseurs domestiques. Les investissements étrangers suivront. Autrement dit, il faut éviter de créer des conditions dérogatoires pour les investisseurs étrangers car d’une part, elles créent des distorsions de concurrence préjudiciables aux entreprises locales et d’autre part, elles faussent l’appréciation de la rentabilité réelle du capital et conduisent à des comportements d’aubaine qui peuvent coûter très chers à la collectivité. Le coût d’un emploi d’Apple en Irlande a finalement coûté très cher à la collectivité irlandaise (et européenne, par détournement de la base fiscale), bien plus que le revenu perçu par les quelques employés irlandais d’Apple.

Jean-Marc Siroën : Dans un premier temps, il faut attirer les entreprises avec évidemment une vraie sélectivité pour éviter la mainmise de firmes étrangères dans les secteurs stratégiques ou sur nos technologies. Pour le reste, ne serait-ce que pour des raisons politiques post « gilets-jaunes », il n’est pas certain que le gouvernement, quel qu’il soit, puisse aller aujourd’hui bien au-delà de ce qui a déjà été accordé en matière de fiscalité, d’assouplissement du droit du travail ou d’abaissement des coûts salariaux. Néanmoins, une marge existe certainement encore dans la simplification administrative qui est d’ailleurs la première réforme souhaitée par les investisseurs. La qualité des infrastructures de transports, d’éducation ou de santé est moins signalée, mais reste fondamentale.

Dans un second temps, les investissements étrangers doivent contribuer à combler les trous dans notre raquette industrielle et notamment nos retards dans certaines nouvelles technologies. Il faut tirer parti des investissements étrangers en jouant des effets d’entrainement que les entreprise étrangères pourraient exercer sur leurs fournisseurs, sur la formation professionnelle, sur l’acquis d’expérience et sur l’occupation des territoires même si, comme le confirme l’enquête, Paris reste la ville européenne la plus attractive … devant Londres.

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