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Petits scénarios alternatifs pour la fin du quinquennat Macron
©LUDOVIC MARIN / AFP

Vision d'avenir

Avec un Rassemblement National qui devance le parti majoritaire aux élections européennes, la fin du quinquennat risque d'être mouvementé pour le locataire actuel de l'Elysée.

Yves Michaud

Yves Michaud

Yves Michaud est philosophe. Reconnu pour ses travaux sur la philosophie politique (il est spécialiste de Hume et de Locke) et sur l’art (il a signé de nombreux ouvrages d’esthétique et a dirigé l’École des beaux-arts), il donne des conférences dans le monde entier… quand il n’est pas à Ibiza. Depuis trente ans, il passe en effet plusieurs mois par an sur cette île où il a écrit la totalité de ses livres. Il est l'auteur de La violence, PUF, coll. Que sais-je. La 8ème édition mise à jour vient tout juste de sortir.

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Atlantico : Le RN a dépassé LREM et s'impose comme le principal vainqueur de cette campagne européenne. Comment interpréter cet échec du parti majoritaire français ?

Yves Michaud : L’échec électoral, même symbolique, de LREM est le résultat des bientôt sept mois de crise commencée avec les Gilets jaunes. Cette crise qui dure a exprimé le malaise profond d’une société française « qui ne tient plus ensemble ».

Macron a effroyablement mal géré cette crise, par méconnaissance des réalités sociales, aveuglement technocratique et prétention. Le résultat est là. En personnalisant à outrance l’affrontement, il a même réussi à faire monter significativement la participation électorale sans susciter l’effet « moi ou le chaos », « majorité silencieuse » ou « 30 mai 1968 ».

Il est maintenant patent qu’il n’a pas de majorité – malgré ce paradoxe qu’il l’a sur le papier à la chambre des députés, et même énorme.

Le RN n’a eu qu’à cueillir  les fruits – qui plus est en sachant offrir un visage renouvelé et surtout en ayant enfin abandonné la folie du Frexit et du retour du franc. De ce point de vue, il faut dire merci aux Grecs de Tsipras et aux Anglais de Farrage : c’est une illusion de prôner des ruptures qu’on est incapable de mettre sur pied ! En revanche, il est possible de travailler pour une Europe « autre ». C’est ce que veulent, par delà leurs divergences, les populismes un peu partout.

En tout cas, les électeurs ont montré leur résolution et exprimé fortement leurs choix dans une élection réputée n’intéresser personne. Il faut noter une autre leçon importante : la disparition totale de la gauche (voyez les scores de LFI et Glucksmann!) et celle de la droite (voyez le score pathétique de Bellamy!). Bref, le changement complet de paysage politique qui a profité à Macron lors de la présidentielle se confirme – sauf que même Macron semble sur la voie du dégagisme… Comme chaque fois que la situation est confuse, les écologistes en profitent parce que fondamentalement leurs positions sont floues et sympathiques. La planète en danger, c’est plus sexy que les impôts et les migrations...

Emmanuel Macron a pris un risque en s'impliquant personnellement dans la campagne, au risque de le transformer en référendum anti-Macron. Les résultats de ce scrutin sont-ils à même de remettre en question sa crédibilité auprès de son gouvernement et de sa base électorale ?

Emmanuel Macron a pris un grand risque en personnalisant à ce point la campagne. Cela témoigne une fois de plus de sa maladresse politique. On ne choisit pas Loiseau comme tête de liste pour ensuite aller faire  le batelage à sa place ! Macron a commencé comme s’il se désintéressait du scrutin (ce qui aurait été la solution sage et prudente) et ensuite il en a fait une affaire personnelle ! Résultat,  il s’est un peu plus décrédibilisé. Imaginons ce soir la réaction de ses prochains candidats aux Municipales ! Ils vont tous vouloir faire cavalier seul. L’étiquette « Macron » risque de leur être aussi fatale que le soutien des éléphants du PS à Glucksmann. On ne peut imaginer meilleure perspective pour Hidalgo à Paris.

Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans le macronisme : c’est bien joli de gagner en jouant Bonaparte au pont d’Arcole mais il faut ensuite construire un parti, s’entourer de poids lourds et pas de co-conspirateurs, écouter les gens, ne pas vouloir tout faire tout seul en battant les estrades. Je n’arrive pas à décider si Macron est victime de ses défauts psychologiques lourds ou s’il ne connaît pas grand-chose à son affaire. Sa seule chance est que le RN soit une fois de plus la seule alternative crédible mais ça marchera jusqu’au moment où ça ne marchera plus… Ce soir, on peut être inquiet pour 2022…

Alors qu'Emmanuel Macron avait annoncé vouloir déléguer davantage à son gouvernement, un remaniement est-il envisageable ? Quelles sont les stratégies possibles pour regagner la confiance des Français pour la fin du quinquennat ? 

Macron nous a promis qu’il allait changer (un refrain que nous ont servi déjà Chirac et Sarkozy!), qu’il laisserait plus d’initiative à ses ministres. Bref, Jupiter remontait au Capitole. Sauf qu’il s’est empressé de ne pas faire ce qu’il disait. On l’a vu intervenir partout. Son conseil de défense écologique est le type même de l’initiative de pur spectacle ! Et pourquoi pas nous faire le coup de « Hulot reviens ! » ? Comme il dit une chose et en fait une autre, les gens ne le croient plus.

Un remaniement ? Un nouveau gouvernement ? Philippe a effectivement montré ses limites de juppéiste. Sauf que ce sera « en avant comme avant » ! Et si c’est pour revoir Raffarin et Royal et Bayrou, autant rire !

Un référendum ? Sur quoi ? Même s’il demandait « voulez-vous qu’on rase gratis ? », Macron risquerait de le perdre ! Je crois que la seule solution sensée serait celle recommandée par Marine le Pen ce dimanche soir 26 mai 2019, : introduire de la proportionnelle de manière significative mais raisonnable puis dissoudre pour avoir une chambre qui ne soit pas de godillots et reprenne l’initiative législative sans que ce soit le Président despote qui fasse les lois. Bref, il nous faudrait retrouver une cohabitation. Malheureusement, en dépit de tout ce qui a pu être dit à droite comme à gauche depuis des années et des années, on n’est pas dans un vrai régime présidentiel, il y a toujours ce satané premier ministre dont on ne sait à quoi il sert (et même plus de fusible!). Et le président s’occupe de tout  - sauf d’agir et d’exécuter. Un Président jupitérien entouré de cinq à six ministres exécutifs poids lourds et de l’autre une chambre qui légifère, vote ou non le budget et fait entendre « le peuple » et pas le parti unique jouant le rôle du roquet écoutant les éléments de parole de la voix de son Maître.

Pour tout dire, je suis bien perplexe sur les chances de Macron de reprendre l’initiative. Il paraît qu’il a lu Machiavel mais je ne suis pas sûr qu’il en ait saisi les subtilités.

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