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Colis piégé à Lyon : pourquoi la menace terroriste ne parviendra pas à prendre cette élection en otage
©PHILIPPE DESMAZES / AFP

Résilience des Français

Le parquet antiterroriste s’est saisi de l’enquête après qu’un colis a explosé vendredi à Lyon, bien qu'il soit encore trop trop tôt pour parler d'attentat. L'influence de l'évènement sur le vote de dimanche devrait être limitée.

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

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Atlantico : L’explosion vendredi à Lyon d’un colis piégé en plein centre-ville va-t-elle avoir une influence sur le scrutin ?

Bertrand Vergely : Lorsque le colis a explosé à Lyon hier, un journaliste d’une radio nationale se trouvait dans une réunion organisée par le Rassemblement National à laquelle assistait Marine Le Pen en personne. Apprenant cet événement, Marine Le Pen a immédiatement évoqué la piste terroriste tandis qu’un militant à côté du journaliste faisait ce commentaire : « C’est du pain béni pour nous Dimanche ».

Notons trois choses à propos des réactions qui ont eu lieu à la suite de cet événement.

Cet événement ne va pas influencer le scrutin. Pour une raison simple : les opinions sont déjà faites. Les abstentionnistes ne vont pas aller voter pour autant. Et le reste de l’électorat ne va pas se rallier en masse au Rassemblement National pour autant également.

Marine Le Pen ne s’est pas félicitée de cet attentat comme l’un des militants du Rassemblement National. En revanche, la réaction de ce militant est symptomatique.

Ce militant n’a pas complètement tort. Cette explosion va peut-être inciter certains électeurs républicains à se « droitiser » en votant pour le Rassemblement National avec l’idée que ce dernier aura une politique ferme à l’égard du terrorisme. Dernièrement, le passage au Rassemblement National d’un militant de La France Insoumise a quelque peu désemparé ce mouvement. On peut douter que cela devienne un phénomène de masse. L’explosion du colis piégé qui a eu lieu à Lyon va conforter les électeurs du Rassemblement National qu’ils ont bien raison de voter pour le Rassemblement National. En ce sens, cette explosion va être du pain béni afin de maintenir la cohésion de l’électorat de Marine Le Pen.

Maintenant, il est navrant qu’un militant réagisse comme ce militant l’a fait. Il est indécent de se réjouir d’une explosion qui fait des blessés. Comme il est indécent de voir immédiatement dans celle-ci une aubaine en vertu des profits politiques que cette explosion va être susceptible de produire. 

Au-delà de cette indécence, mentalement, cela place ce militant du Rassemblement National dans une position aberrante. Admettons que l’explosion de ce colis piégé soit la manifestation d’un acte terroriste. Le Rassemblement National qui entend lutter fermement contre le terrorisme ne peut pas se réjouir de cet attentat, sauf à devenir pro-terroriste lui-même en se réjouissant de l’existence du terrorisme. Or, c’est bien ce qui arrive à ce militant. Lui qui se veut contre le terrorisme est finalement quelque part pour. Il n’est pas le seul. La cuisine politique a l’art de pratiquer ce type de cuisine.

René Girard, grand penseur de la violence a toujours expliqué qu’à la base de celle-ci, on trouve, ce que l’on appelle, un phénomène de « rivalité » mimétique.

 Le violent, pour justifier sa violence, a besoin de la violence de l’ennemi qui s’oppose à lui. Il en a tellement besoin qu’il finit par aimer son ennemi, cet ennemi étant la meilleure justification de ce qu’il est. En un mot, il aime son ennemi sans oser le dire, parce qu’il a besoin de lui non seulement pour exister mais pour se sentir exister.

Quelque part l’extrême gauche a intérêt que le fascisme existe pour pouvoir se définir comme extrême gauche. D’où sa hantise obsessionnelle du fascisme, du racisme et de l’extrême droite, rien ne l’excitant autant que l’existence d’un fasciste bien raciste. Rien ne l’angoissant autant également que la disparition du fascisme et de l’extrême droite. Quand un tel phénomène apparaît, la droite normale voire le centre sont qualifiés de racistes et de fascistes. Ce phénomène existe également à l’extrême droite. Le gauchisme la  justifie quelque part. Quand il n’existe pas, le libéralisme est assimilé à un gauchisme comme la droite traditionnelle ou le centre sont assimilés au gauchisme.

Les Français en gardant leur calme face à cet événement semblent avoir fait preuve de résilience. Comment l’expliquer ?

Les Français ne sont pas fous. Ils ont un instinct de conservation assez bien développé.

Quand un phénomène violent comme ce colis piégé surgit, leur premier réflexe est de sauver leur peau et non de mettre de l’huile sur le feu. Il est de se conserver eux-mêmes en s’appuyant sur l’amour de soi et non de chercher à se venger en utilisant la haine de l’autre.

Si, parce qu’une explosion a lieu en faisant des blessés, les Français se mettaient à agresser le premier étranger qui passe, ils seraient fous et suicidaires. Au lieu de penser à se protéger, à se conserver, à conserver leur vie, ils n’auraient qu’une idée en tête : haïr, se venger, régler un compte. Heureusement, ils ont autre chose à faire. Ils ont d’autres chats à fouetter.

 Contrairement à Freud, qui, dans Malaise dans la civilisation, explique qu’il y a dans l’homme quelque chose de viscéralement méchant, l’homme n’étant pas un être débonnaire aimant son semblable mais un être cruel cherchant à violer et à tuer, dans son Discours sur l’origine et le fondement de l’inégalité parmi les hommes, Rousseau explique au contraire que le premier réflexe de l’homme n’est pas de tuer son semblable ni de se suicider. Rousseau a raison. Le premier réflexe de l’homme est d’abord conservateur, pour lui-même et pour ses semblables.

 Ce réflexe est particulièrement visible dans le climat actuel. Du fait de la menace terroriste, les Français ont un réflexe de sagesse, de prudence et de tempérance. Ils s’efforcent de ne pas mettre de l’huile sur le feu en provoquant un phénomène d’emballement par la violence et la haine.

 Il existe un militantisme pro-immigration et pro-Islam. Ce militantisme pense que c’est en faisant de la propagande pro-immigration et pro-Islam que l’on est capable d’éviter des affrontements communautaires. Il semble que cela soit plutôt le fait d’un réflexe de conservation tout ce qu’il y a de plus humain.

Quand elle apparaît, la propagande pro-immigration et pro-Islam a plutôt un effet inverse au résultat recherché. Quand on en fait trop, cela se voit et cela se sent. Ce qui est trop beau est trop beau pour être honnête. Ce qui est trop chargé de bons sentiments est trop chargé de bons sentiments pour ne pas véhiculer des arrière-pensées.

Rousseau conférait une certaine sagesse au peuple. Quand deux hommes se battent dans la rue, le philosophe fait des raisonnements pour se boucher les oreilles tandis que les femmes des Halles séparent les assaillants. C’est un peu ce qui se passe aujourd’hui. À Lyon, quand l’explosion a eu lieu, le premier réflexe des passants qui étaient là a été de porter secours aux blessés.

Peut-on appeler cela de la résilience ? Il s’agit plutôt de mesures de première urgence. La résilience, on la trouve quand il convient de surmonter une épreuve sur une longue durée. Ainsi, est résilient celui ou elle qui, ayant été blessé dans un attentat parvient à surmonter l’angoisse et la haine que cet attentat avec ses conséquences a pu provoquer.

Est-ce à dire que rien ne va se produire et que cet événement restera simplement rangé dans la mémoire ?

Non bien sûr. On verra un jour ou l’autre cet attentat ressurgir dans la mémoire des Lyonnais d’abord et dans le débat national ensuite. Pour l’instant, les Français font face à l’épreuve et cherchent d’abord et avant tout à se conserver. Mais le temps des comptes va venir et le politique ne perd rien pour attendre. Il est certain que tôt ou tard des questions vont être posées. Qui a posé cette bombe ? Pourquoi ? Avec qui ? Était-il connu des services de police ? Si oui, pourquoi rien n’a-t-il été fait ? etc… Que le politique ne s’imagine pas être à l’abri. Il ne perd rien pour attendre. D’une façon générale cette explosion à Lyon va relancer le débat sur la lutte anti-terroriste et, inévitablement, sur la question de l’immigration. À cette occasion, ce qui aura été refoulé, tu, mis de côté, mis sous silence provisoirement, ressurgira. S’il y a les intérêts immédiats, il y a les intérêts à long terme.  Ce n’est pas parce que les intérêts immédiats monopolisent l’attention qu’il faut utiliser les intérêts à long terme. La mémoire de longue durée existe et cette mémoire, ne l’oublions pas, tient une comptabilité. Mohamed Merah. Charlie Hebdo. La Bataclan. Nice. Le prêtre catholique égorgé en pleine messe. Au fur et à mesure que le temps s’écoule et que la question terroriste n’est pas réglée, la liste s’allonge. D’une façon ou d’une autre, elle ressurgira et, quand ce sera le cas, l’explosion d’hier à Lyon par exemple sera politiquement exploitée.

Le vrai politique est un animal rusé. Il sait se taire pour à un moment qu’il juge opportun donner un coup de patte fatal.

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