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La résignation des chômeurs face à la loi d’airain de l’offre et de la demande
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Bonnes feuilles

Benoît Rayski publie "Les effacés de la terre" aux éditions du Cerf. À travers la vie quotidienne d'une chômeuse de longue durée, voici le portrait de la France que personne ne veut voir. Benoît Rayski a voulu rencontrer un de ces oubliés. Il est parti à Caen pour retrouver Julie. Elle venait d'être licenciée et elle lui a ouvert son coeur. Extrait 1/2

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Au commencement, c’est-à-dire avant Julie, était le chômage. Dans Les Temps modernes, Charlot marche hébété dans les rues de New York : le travail à la chaine a fait de lui une loque. Des gestes répétitifs à une cadence infernale. Un camion passe près de lui avec un fanion rouge pour signaler son chargement. Le fanion tombe. Charlot le ramasse et court derrière le camion pour le rendre à son chauffeur. 

Mais le camion s’éloigne. Charlot machinalement continue à marcher, le fanion dans sa main. Bientôt, derrière lui, des chômeurs affluent. Le fanion devient drapeau rouge. Une manifestation commence. Les chômeurs en colère font face à la police. Et c’est Charlot, le pauvre Charlot, qui sera arrêté´ comme meneur communiste. Nous sommes dans les années 30.

En 2018 les chômeurs ne se révoltent plus. Ils sont passifs, résignés sans doute. Même s’ils n’ont jamais entendu parler de l’économiste David Ricardo, ils ont compris confusément que la main invisible du marché décidait de tout et avant tout de leur sort. 

La loi d’airain de l’offre et de la demande ne leur est guère favorable. Ils sont des millions à s’offrir, et peu sont demandés. 

Je ne sais plus qui a dit que le jour où il y aurait deux millions de chômeurs en France, le pays exploserait. Cette barre a été franchie sans difficulté sous Mitterrand : le pays n’a pas explosé. 

Et le chômage n’a cessé de grimper sous Chirac, sous Sarkozy, sous Hollande, sous Macron : la France est restée calme. C’est incroyable, non? 

Des agriculteurs mécontents de la grande distribution déposent du fumier devant les supermarchés... Des chauffeurs routiers frustrés bloquent la circulation... Des cheminots cessent de faire rouler les trains pour défendre leur statut... Des ouvriers font grève car ils refusent d’être délocalisés...

Les chômeurs, eux, ne manifestent pas. Se trouverait-il un Charlot avec un fanion rouge à la main, que personne n’irait défiler derrière lui. Être chômeur, pour ceux qui le sont, c’est une période vécue comme transitoire, un mauvais moment à passer. Une maladie qu’on espère de courte durée. On la soigne avec des indemnités. Mais souvent la maladie est longue, et ce n’est pas le RSA (550 euros par mois) qui vous guérit. 

En France, le chômage de masse est un phénomène dit « structurel ». Structurel en cela qu’il est indépendant de la croissance, qu’elle soit bonne ou mauvaise. A droite, on pense que c’est l’emploi qui doit créer la croissance. 

A gauche, on estime que c’est la croissance qui dopera le marché du travail. Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? Et on voit : la croissance vient, le chômage persiste ou même augmente. Il est donc « structurel ». Il fait partie de la structure... Une spécificité française qui fait de nous une exception en Europe.

Extrait du livre de Benoît Rayski, Les effacés de la terre, publié aux éditions du Cerf. 

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