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Dérive des dépenses publiques : Emmanuel Macron cède à la malédiction de l’ancien monde
©LUDOVIC MARIN / AFP

Vu sur le courrier des stratèges

La dérive des comptes publics devrait repartir de plus belle dans les mois à venir, alors que l’exécutif ne cesse de répéter que les objectifs de déficit auxquels la France s’est engagée devraient être maintenus.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Cette incapacité prévisible de l’exécutif à tenir ses promesses est le principal obstacle sur lequel bute tous les gouvernements en France depuis 30 ans. Macron y cède à son tour, après deux premières années de quinquennat où il n’a guère montré de volonté de diminuer les dépenses. Dans un contexte de tensions européennes grandissantes, nul ne sait à quoi peut mener cette indiscipline française.

Les comptes publics français sont en pleine débandade, et cela devrait rapidement se voir, puisque l’annulation de la hausse de la CSG pour les « petites retraites » est entrée en vigueur en mai. Non seulement les recettes fiscales, mais plus encore les équilibres des comptes sociaux devraient rapidement accuser le coup.

Déficit de la sécurité sociale: le retour

Le Haut Conseil du Financement de la Protection Sociale pronostique un impact massif des mesures « Gilets Jaunes » prises par Emmanuel Macron de près de 5 milliards sur les comptes sociaux. Selon le Haut Conseil, ces mesures (comme nous l’avions indiqué) coûteront 2,7 milliards au contribuable, au bas mot. A cette addition salée, il faut ajouter le coût induit de la croissance en berne, qui ralentira la masse salariale, et donc la dynamique des recettes de la sécurité sociale.

La loi de financement de la sécurité sociale avait prévu un retour des comptes sociaux à l’équilibre. Un enchaînement désagréable de circonstances rappelle que l’équilibre budgétaire ressemble en France au supplice de Tantale: toute approche de l’objectif ramène très vite au point de départ.

Comment les comptes publics repasseront dans le rouge

Cette mauvaise nouvelle ne devrait pas s’arrêter aux comptes sociaux. Selon toute vraisemblance, les mesures fiscales annoncées de façon tonitruante par Emmanuel Macron devraient également coûter cher à l’Etat. Selon Gérald Darmanin, 95% des foyers qui acquittent l’impôt sur le revenu bénéficieront d’une baisse de 300 euros en moyenne de la somme à payer.

L’addition totale devrait s’élever à 5 milliards supplémentaires. En l’état, ils ne sont pas financés. Et personne ne sait si la situation politique n’obligera pas à concéder de nouvelles mesures qui pèseront un peu plus sur les déficits, d’ici à la fin de l’année.

Les ratés de Macron sur les comptes publics

Cette dégradation prévisible des comptes s’incrémente dans une suite peu glorieuse pour Emmanuel Macron, pourtant présenté comme un « libéral » vertueux. Les dernières statistiques d’Eurostat sur les comptes des Etats membres ont en effet montré que la France faisait partie des quatre pays européens qui n’avaient pas profité des taux bas pour se désendetter… avec la Roumanie notamment. Tous les autres partenaires européens de la France ont fait l’effort d’assainir leurs comptes.

Si les Français peuvent être dupes des accusations de « libéralisme » portées contre Macron sur la scène intérieure, les Européens ne peuvent évidemment partager ce point de vue. Les chiffres officiels prouvent et prouveront, année après année, que Macron succède à une longue liste de dirigeants français incapables de revenir à l’équilibre budgétaire.

Les risques pour la France de comptes publics dégradés

L’an prochain, Eurostat constatera sans doute, et de façon irrévocable, que la France et l’Italie sont les pires élèves de l’Union. En l’état, personne ne peut anticiper les réactions « chimiques » produites par cette situation sur l’ensemble de la zone euro. Mais un scénario catastrophe peut se réaliser rapidement.

Ce scénario consiste d’abord en une succession à la chancellerie berlinoise. L’arrivée de Annegret Kremp-Kampauer marquerait la fin d’une forme d’indulgence allemande pour les errements français, et probablement un durcissement de ton outre-Rhin. Si l’Allemand Weidmann devait par ailleurs devenir gouverneur de la Banque Centrale Européenne, tout porte à croire que se dégagerait un front allemand pour empêcher la France de s’endetter sur le dos de l’épargnant allemand, de moins en moins amusé par les discours brillants mais creux de notre cher Président.

Si l’on ajoute à cela l’agacement grandissant de la « ligue hanséatique », formée par les pays du Nord, vis-à-vis de l’arrogance d’une France qui a la paresse de se réformer, les ingrédients seraient alors réunis pour une nouvelle crise européenne de la dette.

L’impuissance du pouvoir exécutif français face aux déficits

L’incapacité du pouvoir exécutif, en France, à résorber les déficits publics n’est pas nouvelle. Philippe le Bel déjà avait persécuté les Juifs et les Templiers pour désendetter l’Etat. Louis XVI a perdu la tête faute de pouvoir financer les pensions des nobles, équivalent contemporain du salaire des fonctionnaires. Le sujet n’est pas neuf, donc, et l’existence d’un gouvernement profond contre-carrant les objectifs de réduction des déficits nous a déjà valu une révolution sévère en 1789.

Emmanuel Macron constituait probablement l’ultime chance d’éviter la répétition d’un scénario aussi brutal. Sous nos yeux, ce jeune président plein de promesses et d’ambitions est petit à petit mis à genoux par des manifestants qui  l’obligent à desserrer l’étau de Maastricht.

Macron sans vision claire pour financer ses mesures

Si Emmanuel Macron avait une vision claire des mesures à prendre pour réduire les dépenses et les déficits, la situation serait plus rassurante. Le problème est que, de cette vision, nous n’avons pas le moindre signe. Alors que le Président a d’ores et déjà annoncé qu’il renonçait à supprimer 120.000 emplois publics (une paille en comparaison de l’effort à fournir), les fonctionnaires sont pourtant dans la rue pour contester toute évolution de leur statut très protecteur.

L’aristocratie d’Ancien Régime n’avait pas agi autrement en 1788, alors que le gouffre s’ouvrait sous les pieds du régime. Même cause, même effet ?

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