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SOS syndicats en perdition : le fiasco du 1er mai inquiète les patrons
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Atlantico business

Personne n’est gagnant à l’issue de ce 1er mai... Ni les syndicats, ni les black blocs, ni le gouvernement, pas même les gilets jaunes.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, ce premier mai va laisser des traces profondes et difficiles à cicatriser pour le monde syndical français. Le 1er mai, c’est traditionnellement la fête du travail et des travailleurs. Et dans le climat actuel de la France dominé depuis des mois par le mouvement des gilets jaunes, ce premier mai devait démontrer que la convergence des luttes était possible entre les mouvements syndicaux et les gilets jaunes.

Or, les manifestations à Paris comme en province n‘ont pas attiré des foules considérables. Ne tombons pas dans une bataille de chiffres, mais disons que l’on comptait environ 200 000 manifestants dans la France entière, dont 40 000 environ à Paris. Sans remonter à mai 68, on a connu des manifestations beaucoup plus importantes, avec des 1er mai qui rassemblaient plus de 500 000 participants dans la capitale.

Ce premier mai a été certes troublé par la présence des blackblocs venus de l’Europe entière, ce qui pose un problème particulier. Les services d’ordre ont réussi à limiter les dégâts qu’on nous annonçait, mais ces débordements de violence posent un vrai problème qui va sans doute nécessiter des mesures à l‘échelle de l’Europe, puisque les blackblocs agissent partout en Europe.

La question est de savoir si on est face à un mouvement organisé qui peut évoluer vers des formes de terrorisme, comme les brigades rouges ou Action directe dans les années 1970-80. Les années de plomb qui ont touché l‘Allemagne, l‘Italie et la France. Ou alors si ce mouvement se concentre sur la destruction des actifs du capitalisme.

Ce qui est troublant, c’est que les syndicats eux-mêmes ont été complètement débordés et incapables de faire respecter le trajet et l’ordre. La CGT a été malmenée par les gilets jaunes, son secrétaire général, Philippe Martinez, a été empêché de parler et a même dû être exfiltré et quitté le cortège un moment pour le rejoindre ensuite.

Mais ce n’est pas tout, la FSU, la très puissante fédération des syndicats de fonctionnaires, a abandonné la manifestation en demandant à ses adhérents de se retirer du terrain. Un terrain sur lequel FO était très discret, et que la CFDT avait délaissé pour choisir une autre forme de manifestation.

Dans le cortège, on attendait peut-être une sorte de fraternisation avec les gilets jaunes, mais il n’en a rien été. Une partie des gilets jaunes, en revanche, a préféré le noir et s’est mêlée aux black blocs.

Sinon, aucune banderole commune qui aurait repris les revendications ou les mots d’ordre.

Tout s’est passé comme si les syndicats, et la CGT en particulier, s’étaient fait voler leur 1er mai.

Alors, certains vont nous expliquer qu‘il ne pouvait pas y avoir convergence entre les gilets rouges et les gilets jaunes, puisque les gilets jaunes ont toujours affiché une méfiance à l’encontre des syndicats en considérant que les syndicats ne pouvaient pas les comprendre.

Du côté des syndicats, on pouvait espérer une convergence sur les problèmes sociaux-économiques, sur la défense du pouvoir d’achat, sur les impôts et la justice fiscale et sociale, mais on était très gênés à la CGT de suivre les gilets jaunes sur leurs revendications politiques ou contradictoires avec des demandes économiques.

Enfin, on savait quand même à la CGT et surtout à la CFDT qu’on pouvait difficilement travailler avec un mouvement qui n’était ni organisé, ni structuré et ni représenté.

En fait, la majorité des chefs syndicaux et des responsables politiques de l’opposition ne rêvaient que d’une chose : récupérer les gilets jaunes. Et bien ce travail de récupération a peut-être été possible en province, sur certains ronds-points, mais à Paris, le projet de récupération et de convergence a été raté. Complètement.

Maintenant, ce ratage montre à quel point les structures syndicales françaises sont affaiblies. On ne les savait pas très représentatives, mais les institutions existaient et permettaient un semblant de dialogue social et même une gestion paritaire des organisations sociales françaises. La confrontation entre le pouvoir politique, patronal et syndical était parfois chaotique, mais elles permettaient de dégager un compromis et d’avancer un peu sur certaines réformes.

Alors, beaucoup expliquent aujourd‘hui que, si les syndicats sont aussi affaiblis, c’est à cause de la politique d’Emmanuel Macron qui aurait refusé systématiquement le dialogue. Peut-être que le ton, l’attitude du président ne favorisait pas le dialogue social constructif. Peut-être que le président attendait du corps social une contribution plus forte à la modernité... Le pouvoir a sans doute fait beaucoup d‘erreurs. Il l‘a reconnu mais ça ne règlera pas les problèmes.

Les syndicats eux-mêmes vont devoir faire le bilan de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font. Si Emmanuel Macron a « boudé » les chefs syndicaux, les salariés dans les entreprises, les gilets jaunes sur les ronds-points n‘ont pas « acheté » les discours et les projets des chefs syndicaux.

La vérité est que « le marché syndical » s’est effondré parce que ce que proposait les syndicats ne correspondait plus aux besoins et à la demande.

Un seul syndicat en France a fait un effort d’adaptation aux besoins, un seul a changé son discours et son offre syndicale. Ce syndicat est devenu le premier en France lors des dernières élections professionnelles. « Un syndicat doit faire son job de syndicat, mais il doit être désirable s’il veut capter des adhérents ». Laurent Berger, le secrétaire général, a regretté que le président de la République ne demande pas aux syndicats des éléments de réformes, mais il a surtout travaillé à sa propre offre. Les résultats obtenus sont encourageants.

Pour les chefs d’entreprise, la CFDT est un contre pouvoir légitime et crédible. Et les chefs d’entreprises ont besoin de contre-pouvoirs salariés, clients et actionnaires sinon l'entreprise ne tiendra pas en équilibre. Les chefs d’entreprise intelligents, et ils sont nombreux, savent bien que l‘objectif de leur entreprise n’est pas exclusivement financier, ils doivent certes satisfaire leurs actionnaires, l’Etat qui perçoit des impôts, mais aussi les clients et les salariés sans lesquels rien n’est possible.

Les chefs d’entreprise peuvent discuter avec leurs syndicats, mais difficilement avec les gilets jaunes totalement inorganisés même si les gilets jaunes ont des revendications légitimes. La majorité des chefs d’entreprises aurait souhaité que les gilets jaunes se rapprochent des syndicats ou des partis politiques quels qu’ils soient.

Si Philippe Martinez continue de penser que tout ce qui lui arrive est de la faute du président de la République qui a donné l’ordre à sa police de charger la CGT, il se trompe. Non seulement il se trompe, mais il est en ridicule. Il ne gagnera pas d’adhérents avec ce type de logiciel.

Les adhérents ont besoin d’un syndicat qui leur explique les contraintes de la modernité et la façon de l’assumer. On ne peut pas avoir des syndicalistes qui, sur le terrain, acceptent de signer des accords de compétitivité (dans l'automobile par exemple) et une centrale syndicale qui à Paris reste campée sur une stratégie de lutte des classes.

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