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Trêve ou flottement au sommet ? Quoiqu’il en soit, voilà les 5 questions de fond auxquelles Emmanuel Macron devra absolument répondre s’il veut reprendre la main
©LUDOVIC MARIN / AFP

Fin du Grand Débat

Alors que la trêve suite à l'incendie de Notre-Dame semble prendre fin, le Président devrait répondre aux gilets jaunes dans les prochains jours.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Atlantico : La France est-elle affectée par une crise de l'offre ou de la demande ?

Nicolas Goetzmann : Cette question est fondamentale, parce qu’elle conditionne l’ensemble de la politique économique du gouvernement, mais également la politique européenne. Depuis le début de son quinquennat, et comme François Hollande avant lui, Emmanuel Macron mène une action qui part du principe que la France souffre d’une crise de l’offre qui doit être traitée par le biais de réformes structurelles, et dont la loi travail en est l’exemple parfait. C’est la ligne du gouvernement qui considère que l’économie française est structurellement inadaptée : c’est l’offre le problème.

Le bémol est que les mesures annoncées par le président au mois de décembre sont plutôt de nature à traiter une crise de la demande (on donne une réponse à une conjoncture défavorable) parce qu’elles viennent soutenir le portefeuille des classes moyennes. Cependant, ces mesures ont plus été une tentative d’adresser une réponse temporaire à une crise qu’un changement de diagnostic, Emmanuel Macron se fie encore à l’idée que le pays souffre d’une crise de l’offre.

Toutefois, si comme de nombreux économistes le disent - contrairement à Emmanuel Macron - le pays est touché par une forte crise de la demande - ce qui bouleverse le diagnostic - alors les réformes Macron seront simplement inopérantes, voire même contre productives. La question est donc essentielle et conditionne finalement tout.

Parce que dans le cas ou l’Europe accuserait un manque de demande (une conjoncture durablement fragile) alors la solution est une relance monétaire (un changement de mandat de la BCE par exemple) coordonnée avec une relance budgétaire au niveau européen. Ce qui est parfaitement opposé à ce qui est idéologiquement proposé aujourd'hui en Europe. Il est donc possible que, et l’Europe, et le gouvernement, soient totalement passés à côté du problème économique réel.

Et pourtant. Une crise de l’offre se caractérise généralement par une faible croissance et une inflation en progression rapide, ce qui montre que la structure de l’économie (l’offre) n’est plus capable d’absorber la demande, alors qu’une crise de la demande se caractérise par une faible croissance, une faible inflation, et un taux de chômage élevé. Tout semble indiquer que c’est bien le second diagnostic qui correspond le plus à la réalité, et qu’il existe donc une erreur fondamentale dans l’approche. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’existe aucun problème concernant l’offre, mais qu’il ne s’agit tout simplement pas du problème principal auquel nos économies européennes sont confrontées.

La question du pouvoir d'achat doit-elle être traitée par la voie du "ruissellement" ou par une action directe ?

Nicolas Goetzmann : La voie du ruissellement, choisie par Emmanuel Macron, consiste à favoriser le capital avant tout, en espérant que cela puisse générer un fort investissement, qui se traduira en croissance, puis en emploi, et en revenus pour la population. C’est un espoir déçu. La voie de l’action directe est celle choisie par Emmanuel Macron en décembre dernier en soutenant le pouvoir d’achat des Français par le biais du déficit budgétaire. La première solution n’a pas apporté les résultats escomptés, et la seconde solution ne peut être érigée en système durable et pérenne. Il faut donc trouver une autre voie, qui serait celle de l’action indirecte, qui consiste tout simplement à pousser les croissances européenne et française à leur plein potentiel, pour atteindre le plein emploi, ce qui se traduira par une croissance des salaires et des revenus, mais dans un système pérenne ou tout le monde s’y retrouvera : les entreprises, les salariés, et l’Etat. Dans une telle configuration, c’est le pouvoir politique qui met en place, macroéconomiquement, les conditions d’un développement économique optimal, et les règles du marché s’occupent dans un second temps de la redistribution de cette croissance, mais dans un marché équilibré entre employeurs et salariés, ou le pouvoir de négociation est partagé. C’est le modèle des 30 glorieuses, qui n’a rien d’obsolète.

Où en est la France dans ses rapports avec Berlin et avec les autres pays de l'UE ?

Christophe Bouillaud : Comme le montre aussi bien le choix fait en matière de Brexit que l’isolement de la France dans le cadre du mandat donné à la Commission d’engager des négociations commerciales avec l’administration Trump, la polémique sur les ventes d’armes à l’Arabie Saoudite qui, comme par un heureux hasard, ne tuent jamais personne, ou les développements du conflit interne à la Libye avec l’offensive du Maréchal Haftar, on ne peut pas dire que Paris soit vraiment soutenu par ses partenaires et au centre du jeu. Surtout, il devient de plus en plus évident que, au-delà des grandes protestations mutuelles d’amitié et de coordination, les autorités françaises et allemandes ne sont pas exactement sur la même ligne. Sur le Brexit, on a failli avoir un clash aux conséquences dévastatrices.  Surtout, l’Allemagne cherche à éviter un conflit commercial et diplomatique frontal avec les Etats-Unis, alors que la France ne semble pas l’exclure pour faire émerger plus nettement une identité stratégique européenne. Il faudrait peut-être oser dire plus clairement aux électeurs français qu’Emmanuel Macron n’a pas du tout la même vision que les conservateurs allemands liés aux secteurs exportateurs du pays, en particulier l’automobile.

Au-delà de cette mésentente cordiale avec Berlin, il faut bien constater qu’Emmanuel Macron reste sur une vision très traditionnelle d’une Europe qui a vocation à être « la France en grand », à être un multiplicateur de la puissance française dans le monde. Il serait bon qu’Emmanuel Macron comprenne – et fasse comprendre aux électeurs français- que l’Union européenne ne peut être changée que par une coalition d’Etats et de partis. Les grands moments d’intégration européenne ont été ceux de la coordination, voire de la  complicité, entre plusieurs dirigeants représentants chacun à la fois un grand courant d’idée et une nation. Pour l’instant, Macron semble complètement seul à vouloir avancer vraiment vers plus d’intégration. Ne devrait-il pas, soit renoncer à avancer, soit tout reprendre à zéro en cherchant des alliés ? Mais peut-il officiellement sortir de l’illusion sans se retrouver sans projet européen ?

Comment l'Europe peut-elle encore être une protection, et qu'est-ce que cela suppose dans nos rapports avec nos partenaires ?

Christophe Bouillaud : Du point de vue stratégique, la plupart des pays européens, surtout à l’est du continent, continuent de compter sur le « parapluie américain ». Comme l’Allemagne n’a pas l’intention d’assumer le poids de la défense européenne, la volonté française en la matière parait bien isolée là encore.

Il faut ajouter que, vu d’Italie, le rôle supposément joué par la France dans les affaires libyennes n’arrange pas les choses. L’impression donnée que la France en fait toujours à sa tête et selon ce qu’elle perçoit comme ses intérêts au sud de la Méditerranée n’engage guère à appuyer la démarche française d’une défense européenne commune.

Du point de vue économique et social, il semble qu’un début de réaction européenne s’observe face à la prise d’importance des intérêts économiques chinois dans des secteurs stratégiques. Or, là encore, la France n’est pas vraiment exemplaire en matière de préservation deses propres intérêts économiques stratégiques. Il lui est donc difficile de faire la leçon aux autres.

Autrement dit, l’Europe, surtout dans des rapports internationaux économiques, pourrait potentiellement protéger les Européens, mais la France d’Emmanuel Macron n’est pas nécessairement le meilleur exemple en la matière.

Par contre, au vu des rapports de force politiques internes à l’Union, « l’Europe sociale », que promet encore une fois LREM comme avant lui le PS, parait une chimère, ou tout au moins, un projet qui avance avec une lenteur exaspérante au regard des attentes populaires en la matière. Même une proposition aussi simple que l’instauration d’une TVA à O% sur certains produits de première nécessité est bloquée par l’unanimité fiscale en matière européenne. Au moins, faudrait-il essayer dans ce sens, quitte à mettre au pilori devant l’opinion publique française le ou les Etats qui refuseraient une telle avancée sociale. 

Quelle est la part de la dépense publique qui relève d'une mauvaise allocation de ces dépenses, ou d'une forme de "gaspillage" ? 

Philippe Crevel : Avec des dépenses publiques représentant 56 % du PIB, avec des dépenses sociales captant un tiers du PIB, la question est savoir s’il faut poursuivre ou pas dans la direction de la collectivisation croissante de la création de richesses. Nous arrivons au terme d’une histoire qui peut vite virer à la tragédie. Le niveau des prélèvements est tel qu’elle est destructrice d’activité. La socialisation a atteint un tel poids qu’elle est une source de déresponsabilisation.

Avec la multiplication des taudis en plein centre ville comme à Marseille, avec la multiplication des zones de non droit, avec des infrastructures à bout de souffle, des monuments historiques, des églises en état de ruine, la France est engagée dans une tiersmondialisation rampante. D’un côté, quelques havres de richesses côtoient des territoires à l’abandon. Il suffit de se parcourir certaines communes, certaines banlieues, certains quartiers pour s’en convaincre. Il n’est pas rare de voir des épaves de voitures à l’abandon sur des plages, dans les rues, des dépôts d’ordures illégaux, des maisons mal entretenus. Le nombre de mal logés n’en finit pas d’augmenter. Pourtant jamais, le niveau des prestations n’a été aussi élevé. Le risque qui menace la France, c’est l’effondrement financier et moral. La montée des égoïsmes aboutit que moins de moins de personnes pensent collectif. Il y a un repli sur les sphères privées.

Certains réclament d’accélérer dans la socialisation des dépensent d’aller plus loin dans la redistribution, dans l’augmentation des impôts afin de corriger les inégalités. Si la sensibilité des Français n’a jamais été aussi élevé en ce qui concerne le rejet des inégalités, force est de constater qu’elles n’ont pas sensiblement augmenté au cours de ces dix dernières. Certes, avant prestations, les écarts de revenus augmentent.

Pour casser la spirale émolliente de la collectivisation des dépenses privées, il faudrait oser procéder à une véritable rupture. La première remise en cause devrait concerner les dépenses publiques en faveur du logement qui accaparent environ 40 milliards d’euros. Ces dépenses contribuent, selon moultes rapports, à augmenter le coût de l’immobilier sans résoudre le problème du mal logement. Mais toucher aux APL, aux niches fiscales est un véritable chemin de croix.

Au niveau des dépenses de santé, il faudrait distinguer clairement ce qui relève de la solidarité, de l’assistance et ce qui relève de l’assurance. Tout le monde a le droit d’être soigné mais cela ne doit pas signifier que c’est automatique et sans limite quand derrière il n’y a pas eu des cotisations versées. La France est trop souvent un guichet automatique à prestations. Il faut revenir à l’esprit de 1945, celui de l’assurance.

En qui concerne l’organisation institutionnelle du territoire, il faudra un jour trancher. En milieu urbain, le maintien de plusieurs niveaux d’administration est illogique et coûteux. Il faut oser remettre en cause les structures communales en zone urbaine dense. Elles doivent céder la place aux agglomérations. En milieu rural, il faut aussi simplifier en maintenant un lien de proximité. Il faut surtout mettre un terme à l’inflation des effectifs et privatiser des activités n’ayant pas de réel lien avec la notion de services publics. Il faut oser surtout remettre en cause des structures devenues sans objet. Il y a des musées et des bibliothèques sans visiteurs. De même, la décision du Président de figer la carte des hôpitaux, des maternités est très populaire mais elle est coûteuse. Et il faut oser poser la question. Est-ce que les élus, les notables se rendent dans ces établissements ? Non, ils préfèrent aller à la grande ville quand cela était dit dans le passé.

L’Etat devrait également cesser avec l’interventionnisme économique qui bien souvent correspond à un cautère sur une jambe de bois. Le Gouvenement en aidant une entreprise, un secteur en difficulté se donne bonne conscience mais cela est très souvent à fond perdu.

Comment financer la sécurité sociale, entre un financement reposant sur le travail ou sur les revenus ? 

Philippe Crevel : Depuis les années 90, avec l’introduction notamment de la CSG, la mode est à l’impôt sur les revenus pour financer la protection sociale. Cela est lié à la nécessité de trouver des ressources et de répondre à son universalisation. La conséquence est nul ne sait plus ce qui relève du contributif ou pas. La sécurité sociale doit, à mon sens, conserver un lien fort avec le travail. Nous sommes couverts contre les risques santé, retraite, prévoyance, chômage car nous travaillons. Il faut redonner tout son sens au mot travail qui permet de subvenir à ses besoins mais aussi d’apporter sa pierre à la communauté à laquelle nous appartenons. Dans le travail, il y a une mission d’intérêt général pour nous, l’entreprise, le pays et plus globalement l’humanité. Penser qu’un revenu universel résoudrait nos problèmes est une négation de ce qui nous sommes, de ce que nous avons bâti depuis des siècles. La restauration du lien serait un geste fort pour mettre un terme à certaines dérives. Pour ceux qui ne sont pas membres de la communauté du travail hors enfants évidemment, c’est à la solidarité qui doit prendre le relais mais dans cela il faut poser des conditions de strictes avec des possibilités de récupération.

Devons nous suivre une voie assurantielle ou de solidarité, système bismarckien ou beveridgien ?  

Philippe Crevel : Nous allons tout droit vers un système à l’anglo-saxonne avec un financement par l’impôt de la protection sociale plus important. Le système est de moins en moins assurantiel. Si nous nous éloignons de l’esprit bismarckien, à la différence des systèmes britannique ou américain, l’étage de solidarité est plus élevé.

La création de la CSG, la CMU, la CMUC, le RSA, sont autant de signes prouvant l’évolution de notre système de protection sociale. Le Gouvernement actuel poursuit cette mutation. Ainsi, il entend plafonner le niveau d’indemnisation des cadres pour le chômage or ces derniers aujourd’hui cotisent plus qu’ils ne reçoivent. Dans le système prévu, le déséquilibre sera encore plus net. Les contributeurs sont appelés à payer de plus en plus et recevoir moins. Il risque d’y avoir un problème croissant d’acceptabilité de l’impôt. Le régime universel de retraite imaginé par le Président pourrait aboutir à la même logique en fonction des plafonds qui seront retenus pour les cotisations. Au niveau de l’assurance maladie, le zéro frais pour l’optique et le dentaire obéit à la logique beveridgienne. En effet, les dépenses seront prises totalement en charge par la Sécurité sociale et les complémentaires mais les assurés verront leur choix limité au niveau des montures, des verres ou des implants. S’ils souhaitent avoir d’autres produits que ceux prévus dans le panier de soins, ils devront les payer. L’évolution de notre système de protection sociale s’effectue sans la réalisation de réelles économies. In fine, nous risquons d’avoir un système qui rembourse moins les classes moyennes et les classes aisées tout en coûtant cher. A défaut de pouvoir responsabiliser les acteurs de la protection sociale, les pouvoirs publics organisent un downsizing sans le dire.

Comment Emmanuel Macron peut-il prétendre répondre à la demande de plus de démocratie tout en rejetant le référendum concernant ADP, ou en sortant certaines questions du débat au travers de traités ou d'un bloc de constitutionnalité ?

Christophe Bouillaud : C’est vrai qu’il est un peu absurde de dénoncer les députés et sénateurs qui veulent tenter la voie constitutionnelle du « Référendum d’initiative partagé » pour mettre en débat devant les électeurs français la privatisation d’ADP, tout en proposant par ailleurs d’aller vers plus de démocratie, au sens d’écoute de la volonté populaire. De deux choses l’une, soit l’on est philosophiquement hostile à la démocratie directe du référendum ou toute autre forme d’expression directe de la volonté populaire, soit l’on y est favorable. On ne peut vouloir plus de démocratie directe seulement quand cela vous arrange. C’est alors du pur opportunisme, qui se déchiffre tellement facilement qu’il en devient risible. Or Emmanuel Macron ne peut pas choisir clairement une philosophie de la démocratie, d’une part parce qu’il doit faire avec une opinion publique de moins en moins favorable à donner un blanc-seing aux élus – donc tenté par une démocratie plus directe ou plus participative - et d’autre part parce qu’il porte lui-même en tant que personne avec une histoire une vision technocratique, surplombante, se voulant savante de la société française.  Ce président « inspecteur des Finances » qui semble vouloir supprimer l’ENA n’est certes pas à une contradiction près, mais on ne peut pas exalter à la fois l’héritage monarchique et les aspirations « sans-culotte ».

Par ailleurs, Emmanuel Macron hérite d’institutions, où les majorités politiques précédentes ont souhaité depuis 1946 lier les mains aux futurs législateurs. Nous ne sommes plus depuis longtemps dans un régime de souveraineté pure du peuple, via le Parlement, comme dans les années 1870-1914, ou même comme encore dans les années 1920-1930, celle-ci est désormais encadrée et limitée par la Constitution et le contrôle de constitutionnalité, les Déclarations des droits et Préambules constitutionnalisés, les traités internationaux, et bien sûr les traités européens et son droit dérivé. Il reste malgré tout cet énorme encadrement juridique, constitutionnel, européen et international, une large marge de décisions possibles en matière de politiques publiques où peut s’exprimer la volonté populaire par la voie de ses représentants ou par référendum. On pourrait d’ailleurs faire remarquer qu’en raison de cet encadrement par le droit et l’ordre international, le référendum d’initiative populaire pourrait tout à fait exister en France sans mettre en cause aucune valeur libérale essentielle – libérale au sens de libertés publiques, économiques et personnelles. Emmanuel Macron s’il faisait preuve d’ingéniosité pourrait très bien accepter cette revendication des Gilets jaunes dans toute son amplitude, à la seule réserve près que l’Etat de droit soit respecté. Il semblerait qu’il l’accepte uniquement au niveau local, où, d’ailleurs, il me semble que cela existe déjà à l’initiative des élus, mais c’est là une pudeur de rosière qui n’est pas à la hauteur de la demande populaire. Osons un vrai référendum d’initiative populaire, mais, dans le cadre de l’Etat de droit, comme en Suisse, et nous nous en porterons comme nation que mieux.

Quelle est la réalité des classes moyennes ? Quel rôle attribuer à la mondialisation ou à la financiarisation de l'économie, et quel rôle attribuer à l'impéritie de l'Etat et des collectivités territoriales ?

Nicolas Goetzmann : L’ensemble des classes moyennes occidentales a souffert de la mondialisation, de part la concurrence qui leur a été adressée par les classes moyennes et populaires des pays émergents. Cela était prévisible, et rien n’a été véritablement fait pour contrer le phénomène. La financiarisation de l’économie procède un peu du même phénomène, parce que cette financiarisation est le pendant de la montée des inégalités. Plus les inégalités sont fortes, plus l’épargne progresse parce que les plus “riches” épargnent une plus grande part de leurs revenus. Ce qui conduit à un déséquilibre d’excès d’épargne mondiale. Or, cet excès d’épargne est la manne des institutions financières. Dans ce système mondialisé et financiarisé, les inégalités alimentent les inégalités. La France a été moins touchée - en apparence-  par ce processus, en raison de la redistribution qui est venue corriger le phénomène. Mais cela veut tout de même dire que la redistribution a bien augmenté avant de pour pouvoir corriger, ce qui signifie aussi que la correction de ce système inégalitaire - à sa source- permettra de maintenir, et probablement, de baisser, les besoins de redistribution, et donc la fiscalité. Le point est donc d’une importance cruciale. Emmanuel Macron a l’incroyable chance d'accueillir le G7 à Biarritz à la fin du mois d’août, inscrit sur la thématique des inégalités. Il va disposer d’une tribune inespérée pour répondre à ces enjeux. Il est possible de voir cette occasion comme une sorte de dernière chance pour transformer l’agonie de son quinquennat en une réussite. Mais pour cela, il faudra accepter de tout changer.

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