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"Il faut qu’on fasse entendre raison au président" : quand les conseillers d'Emmanuel Macron prennent en main l'affaire Benalla
©Benjamin CREMEL / AFP

Bonnes feuilles

Dans "Les apprentis de l'Elysée" (ed. Plon), Pauline Théveniaud et Jérémy Marot lève le voile sur l'entourage d'Emmanuel Macron, ce club très fermé qui gouverne la France. 2/2

Pauline Théveniaud

Pauline Théveniaud

Pauline Théveniaud est reporter au service Politique du Parisien.  

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Jérémy Marot

Jérémy Marot

Jérémy Marot est reporter au service politique de l'Agence France Presse (AFP), chargée du suivi de La République en marche, après avoir couvert la campagne présidentielle d'Emmanuel Macron depuis octobre 2016. 

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Dans la tourmente, le président tergiverse, avec, comme de coutume, la ferme intention de ne rien céder à la pression des médias, ni à celle des oppositions qui s’emparent de l’histoire. Patrick Strzoda propose sa démission. Si cela peut éteindre l’incendie.

Le président la refuse. Conscient qu’il y a urgence à sortir de la nasse, il adresse ce texto à ses proches en toute fin de semaine  : « Bon, là, il faut arrêter une stratégie, on a jusqu’à demain midi. Quelle décision et quand ? Quelle prise de parole et quand ? Quelle répartition des rôles ? Mettez-vous tous ensemble et proposez-moi des scénarios. »

Sylvain Fort reprend la main. Car, aussi étonnant que cela puisse paraître, y compris à ses propres yeux, aucune cellule de crise ne s’est jusqu’à présent formée.

Pour en constituer une, en urgence, enfin réaliser un point de situation et esquisser une stratégie partagée, il se tourne naturellement vers le commando de la campagne. « Il y a un truc, quoi qu’il arrive, quoi qu’il se passe, quoi qu’on devienne. Le président a forgé autour de lui des cercles d’amitié politique et personnelle très forts et qui croient profondément dans ce qu’il fait pour le pays. Et qui, du coup, se reformeront en cas de besoin », glisse Sibeth Ndiaye.

L’un des invités décortique : « Là, Sylvain dit : Stop, il se passe quelque chose de grave, il faut qu’on fasse entendre raison au président et, si on parle tous de la même voix, on peut faire entendre un certain nombre de choses. Alors il nous invite chez lui, dans ce cadre un peu convivial. On met un grand nombre de choses sur la table et certains découvrent le niveau de bêtise de Benalla. » Ce selfie pris lors d’un déplacement de campagne avec un pistolet – factice, dira-t‑il – circule ainsi parmi les convives. Beaucoup tombent des nues.

Autour des viennoiseries, la riposte s’organise. Les participants s’accordent sur ce point : le président doit s’exprimer. « Nous, on peut passer en matinales, mais ce n’est pas le sujet, c’est l’Élysée qui est visé. Le seul qui ait le coffre, la caisse de résonance, la légitimité politique pour le faire, c’est le président », décrypte un proche. « La question est  : comment gère-t‑on la sortie de crise et quel niveau de frappe met-on ? Tout le monde est d’accord pour dire que Benalla est un type dangereux, malsain, donc il ne faut pas chercher à le protéger. Il faut voir comment on le débranche et comment on écarte le président de ce souci de le protéger », insiste un autre. Sylvain Fort consigne les recommandations dans une note, qu’il fait valider au petit groupe, via une boucle Telegram créée à dessein. Les préconisations peuvent être adressées au président. La machine se remet enfin en route. Une autre boucle est en ce temps‑là créée pour faciliter les échanges au sein des collaborateurs du cabinet du ministère de l’Intérieur. Elle s’intitule… « Benayallah ».

Benjamin Griveaux et Christophe Castaner quittent le 5e , direction l’Élysée pour un déjeuner en comité restreint, avec le président, Édouard Philippe, Alexis Kohler, Gérard Collomb, Philippe Grangeon et Richard Ferrand. Le lendemain, le dimanche soir, puis lundi soir jusque tard dans la nuit et encore mardi midi, autour de François Bayrou, le Premier ministre, Ismaël Emelien, Richard Ferrand et Christophe Castaner, Emmanuel Macron peaufine ses éléments de langage. C’est décidé. Le président va parler.

Des mois plus tard, l’un de ces conjurés soupire  : « L’Élysée est une drôle de machine dans son fonctionnement. Affaire Benalla, affaire Hulot, affaire Collomb, crise des “gilets jaunes”… Chaque fois, vous avez trois jours de silence, chaque fois la machine met du temps à se remettre en route. »

Extrait de "Les apprentis de l'Elysée" de Pauline Théveniaud et Jérémy Marot, publié chez Plon

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