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"Emmanuel le magnifique" :  Patrick Rambaud ou l’or des mots
©BORIS HORVAT / AFP

Atlantico Litterati

Auteur d'une série sur Napoléon, Rambaud fait sensation avec son dernier opus : « Emmanuel Le magnifique, Chronique d’un règne » (Grasset, 2019). A ce jour, le meilleur livre publié sur le phénomène Macron.

Annick Geille

Annick Geille

Annick GEILLE est écrivain, critique littéraire et journaliste. Auteure de onze romans, dont "Un amour de Sagan" -publié jusqu’en Chine- autofiction qui relate  sa vie entre Françoise Sagan et  Bernard Frank, elle publia un essai sur  les métamorphoses des hommes après  le féminisme : « Le Nouvel Homme » (Lattès). Sélectionnée Goncourt et distinguée par le prix du Premier Roman pour « Portrait d’un amour coupable » (Grasset), elle obtint ensuite le "Prix Alfred Née" de l'Académie française pour « Une femme amoureuse » (Grasset/Le Livre de Poche).

Elle fonda et dirigea  vingt années durant divers hebdomadaires et mensuels pour le groupe « Hachette- Filipacchi- Media » - tels le mensuel Playboy-France, l’hebdomadaire Pariscope  et «  F Magazine, »- mensuel féministe racheté au groupe Servan-Schreiber, qu’Annick Geille reformula et dirigea cinq ans, aux côtés  de Robert Doisneau, qui réalisait toutes les photos. Après avoir travaillé trois ans au Figaro- Littéraire aux côtés d’Angelo Rinaldi, de l’Académie Française, elle dirigea "La Sélection des meilleurs livres de la période" pour le « Magazine des Livres », qui devint  Le Salon Littéraire en ligne-, tout en rédigeant chaque mois une critique littéraire pour le mensuel -papier "Service Littéraire".

Annick Geille  remet  depuis quelques années à Atlantico -premier quotidien en ligne de France-une chronique vouée à  la littérature et à ceux qui la font : «  Litterati ».

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Si Bruno Le Maire, travaillé par ce désir d’écriture qui le hante, incarne le politique épris de littérature (voir « Atlantico »), Patrick Rambaud (prix Goncourt 1997 et Grand Prix du Roman de l’Académie française) est l’écrivain du politique.

Auteur d'une série sur Napoléon, Rambaud fait sensation avec son dernier opus : « Emmanuel Le magnifique, Chronique d’un règne » (Grasset, 2019). A ce jour, le meilleur livre publié sur le phénomène Macron. De l’or, par le choix du style, les trouvailles littéraires, la subtilité du propos. Et le respect –malin-de la formule de Roger Fressoz, alias André Ribaud, patron du Canard enchaîné, qui inventa « La Cour » (s’inspirant des « Mémoires » de Saint-Simon) dans ses chroniques. Patrick Rambaud reprend -à sa façon- la formule de Fressozpour camper ses héros de la scène politique. Emmanuel Macron est le personnage le plus inspiré de cette fresque. Il s’agit de Macron à ses débuts, quand aucun nuage ne venait assombrir les printemps du Prince. Ce Prince extrêmement intelligent, qui d’emblée, intrigua la cour, ses sujets, et... Patrick Rambaud. Au contraire de « François-Le-Petit » (Grasset), Emmanuel Le Magnifique étant un « actif- nerveux- passionné » sur l’échelle de Richter des émotions, il semblait avoir le profil idéal pour gouverner. Cependant, l’on ne savait où le situer. C’est qu’il suivait le conseil du Cardinal de Retz : « Il y a des temps où il faut souvent changer de parti si l’on veut rester fidèle à ses opinions ». Il faut lire « Emmanuel Le Magnifique » - ou le relire-, au moment où s’accumulent crises et tempêtes sur le quinquennat, car mieux que le marc de café, lorsqu’il est si finement décrypté, le passé dit souvent l’avenir. 

Salué par la critique, « Emmanuel Le Magnifique », de Patrick Rambaud (Grasset) est l’un des événements littéraires de 2019. Patrick Rambaud excelle dans l’art de transformer Macron en prince : « Sa Majesté Intempestive voulait trancher avec les années agitées et les années assoupies de ses deux prédécesseurs ». Avec son pastiche drolatique des « Mémoires » de Saint-Simon (1675-1755), Roger Fressoz campa longtemps dans son journal, le Canard Enchaîné, la figure du président-monarque. Il y avait chez Roger Fressoz quelque chose de la France dans ce qu’elle a de meilleur. L’esprit, le sens des formules. L’amour du verbe. Jamais un mot prononcé – et a fortiori –écrit par hasard. Un trésor vivant. Ses cheveux ondulaient et le regard pétillait malgré l’épaisseur des verres. Roger Fressoz incarnait le « Canard Enchainé ». Il savourait en toutes choses la chance d’être vivant, scrutant son interlocuteur avec cet air de Chinois matois qui le caractérisait. J’aimais son sourire de renard sculpté par sa science de la nature humaine, et du métier. « En tant que journaliste, j’ai toujours constaté que les gouvernements successifs, quelle que soit leur tendance politique, gauche ou droite, essayaient à des degrés divers, de manipuler, de canaliser, d’anesthésier, de neutraliser la presse », disait-il. Grâce à son irrévérencieux "Emmanuel Le Magnifique" Patrick Rambaud se goberge de ces détails qui font le sel de l’information off the record. L’auteur campe avec brio une sorte de Versailles 2017, quand, à ses débuts, Emmanuel Macron incarne le « double corps du roi » (« dans ce corps mortel du roi vient se loger le corps immortel du royaume »), rappelle l’historien Patrick Boucheron (« Un été avec Machiavel « Editions de l’Equateur).

Au moment où se posent les questions que nous savons concernant la suite du quinquennat, avec les problématiques de la sortie du « grand débat », la menace que constitue la –perpétuelle ? – contestation des « Gilets Jaunes » (« Vivement des Gilets Jaunes réfléchissants ! », pouvait-on lire le 20 février dernier, en « une » du « Canard Enchainé »), l’essai de Patrick Rambaud répond à nos questions. « Quand, le rasoir à la main avant de se lisser le menton, Notre Prince Ebouriffant s’admirait dans la glace de son lavabo, il songeait que le terme de sa première année de règne approchait. Alors, il se remémorait le chemin qu’il avait parcouru. Il avait la baraka (…) »

Certains confrères ont accusé Patrick Rambaud de partialité. Il serait « bienveillant » à l’égard de Macron, ce qu’il n’aurait pas été dans ses précédents livres avec ses personnages politiques. Or, Patrick Rambaud n’est ni bienveillant, ni malveillant. Il est subtil. N’étant pas esclave de l’idéologie, "il a une main droite et une main gauche, dont il sert à tour de rôle, sans cahier du maître, et en fonction des circonstances"

 Et l’écrivain Rambaud est journaliste, donc extrêmement renseigné. Il sait tremper sa plume dans l’encrier du style. "Il la vit, leur esprit se plut l'un à l'autre, leur sublime s'amalgama." Cette formule de Saint-Simon inspira Rambaud lorsqu’il s’attacha à peindre la rencontre du « Prince » et de « La baronne d’Auzière » (Brigitte Macron). « A l’âge où il connut la baronne d’Auzière, le Prince ne ressemblait déjà plus aux élèves qu’il côtoyait en classe ou dans la cour. » On imagine.

"Il arrivait que la princesse Brigitte fût plus populaire que lui, et Le Prince aurait pu dire, comme John Kennedy à Paris : « Je suis le type qui accompagne Jackie »". 

Du « Général », vu hier par Roger Fressoz dans le « Canard Enchainé », au jeune monarque croqué par Rambaud, la République semble éternellement demeurer cette « monarchie républicaine ». « En France, depuis cinquante-neuf ans, le président de la République dispose de plus de prérogatives institutionnelles qu’aucun de ses homologues à la tête d’une démocratie ». (cf. Patrice Duhamel, Libération)

« A suivre », répond Patrick Rambaud, qui, continuant de dévorer ses cinq quotidiens par jour, travaille dans l’ombre au manuscrit de son prochain volume.

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