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Les vies littéraires de Bruno Le Maire
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Après « Paul », récit de la mort d’un ami, Bruno Le Maire publie « Le nouvel Empire », mode d’emploi d’une « renaissance »: l’Europe de demain (Gallimard). Le logiciel que propose Bruno Le Maire est révolutionnaire. Il s’agit de nos savoirs, donc des pouvoirs de l’UE. Avec, comme moteur de ce hors –bord, un seul projet politique.

Annick Geille

Annick Geille

Annick GEILLE est écrivain, critique littéraire et journaliste. Auteure de onze romans, dont "Un amour de Sagan" -publié jusqu’en Chine- autofiction qui relate  sa vie entre Françoise Sagan et  Bernard Frank, elle publia un essai sur  les métamorphoses des hommes après  le féminisme : « Le Nouvel Homme » (Lattès). Sélectionnée Goncourt et distinguée par le prix du Premier Roman pour « Portrait d’un amour coupable » (Grasset), elle obtint ensuite le "Prix Alfred Née" de l'Académie française pour « Une femme amoureuse » (Grasset/Le Livre de Poche).

Elle fonda et dirigea  vingt années durant divers hebdomadaires et mensuels pour le groupe « Hachette- Filipacchi- Media » - tels le mensuel Playboy-France, l’hebdomadaire Pariscope  et «  F Magazine, »- mensuel féministe racheté au groupe Servan-Schreiber, qu’Annick Geille reformula et dirigea cinq ans, aux côtés  de Robert Doisneau, qui réalisait toutes les photos. Après avoir travaillé trois ans au Figaro- Littéraire aux côtés d’Angelo Rinaldi, de l’Académie Française, elle dirigea "La Sélection des meilleurs livres de la période" pour le « Magazine des Livres », qui devint  Le Salon Littéraire en ligne-, tout en rédigeant chaque mois une critique littéraire pour le mensuel -papier "Service Littéraire".

Annick Geille  remet  depuis quelques années à Atlantico -premier quotidien en ligne de France-une chronique vouée à  la littérature et à ceux qui la font : «  Litterati ».

Voir la bio »

« Seuls comptent les amis qui vous déplacent (…). Paul m’avait appris  cet art du déplacement, qui ne ressemble en rien à une fuite,  mais vous aide à faire un pas de côté, pour voir les choses différemment, sous un autre angle », confie le narrateur de « Paul »,  bouleversé par l’agonie de ce frère d’âme, victime d’une tumeur au cerveau. Ce « pas de côté, » le ministre l’a accompli par  ce chant funèbre,  enrichi  d’un éloge de la musique en général, et de Glenn Gould en particulier .L’auteur jette un regard de romancier sur l’hôpital, ses labyrinthes - l’écho des claquettes de l’aide-soignante, qui ne l’a  perçu un jour, avec accablement ? Il s’agit, on le voit à ce genre de détail, d’un  récit littéraire. Accompagnant  l’ami mourant vers  le néant (le narrateur, au contraire de « Paul »,  n’a pas la foi), le bien-portant sortant d’une réunion internationale, ou arrivant d’un voyage officiel, s’interroge sur le sens. Celui de chacune de nos existences, et celui des destinées collectives. D’où cette réflexion qu’il mène dans une solitude sévère sur les pouvoirs ignorés, mal exploités, de l’Europe ; d’où aussi, et qui suivra la mort de Paul, cet appel aux droits de l’homme ultra- moderne. Le  « nouvel européen », dont Bruno Le Maire-en tant  qu’expert de la mondialisation – propose la victoire, forcément pacifique. « Debout les civilisés de la terre », nous dit l’auteur en substance. Le deuil de « Paul » n’atténue pas la portée de sa voix.

 Les « Contemplations » de Victor Hugo  sont nées de la mort de Léopoldine. Qui ne se souvient du  récit bouleversant de Jérôme Garcin, révélant la  disparition de son jumeau tant aimé ( « Olivier »/Gallimard) ? Christiane Freustié –fondatrice, avec Frédéric Vitoux et Bernard Frank ( sans oublier Nicole Vitoux), du prix  littéraire le mieux doté de France -25 000 euros - ne confia-t-elle pas à Jean-Claude Fasquelle, patron des éditions Grasset, le manuscrit de « Pierre », roman  narrant la mort de son mari ? La littérature sauve. « Le nouvel empire » participe de ce genre d’entreprise :  le deuil confronté au pouvoir des mots. Pour Paul,  et son équilibre personnel, le survivant envisage un dessein qui les dépasserait tous les deux. Il  s’agit  de la victoire  d’une autre Europe, rien de moins. Il faut  ce contrepoids, face à la barbarie. Le droit du plus fort, jamais plus sur le vieux continent. C’est en veillant sur Paul, en espérant sa guérison improbable, que Bruno Le Maire comprend les atouts de  la seconde Europe.  Il  veut alors qu’advienne, malgré la perte et le deuil, malgré le néant, en somme, ce qui peut faire  naître de la  vie sur l’espoir mort. Ecrire  permet de survivre à la perte de sens. Ecrire l’Europe de demain,  c’est résister au deuil, par l’avènement du concept.

Je voulus lire, bien sûr. Françoise D’Avout et Blandine Chaumeil, au service de presse  « Sciences humaines » des éditions  Gallimard, allaient m’aider. Las ! Ces –exquises- professionnelles ne pouvaient rien. Elles n’avaient même pas le texte ! Cette pudeur pouvait faire penser à une « exclusivité », négociée ailleurs, de longue date  ?Pas du tout, m’assurèrent  les amies,  -  dont  je découvris la redoutable efficacité,  alors que je travaillais pour le « Figaro Littéraire »-,  «  il n’y a  aucun extrait prévu ici, ou là ». Bruno Le Maire souhaite  tout simplement réserver son texte au public - « en même temps » qu’à la presse.

Essayiste (« Sans mémoire le présent se vide », « Jours de pouvoirs », « Le ministre »), et romancier («  Musique absolue »), Bruno Le maire est à la fois cet homme d’action et, mine de rien, s’affirmant soudain,  «  L’homme à la plume »,  tel que le représentèrent  les émules de Jan Van Eyck.   A Bercy,  ou ailleurs, « L’homme à la plume » sera forcément différent des autres. «  Le Ministre », note un confrère, « est le livre d'un homme qui place la littérature loin devant la politique (…) Kafka   y côtoie Blair ou Schröder ; Faulkner, Colin Powell ; Saul Bellow, Jacques Chirac ». L’ « Homme à la plume »  existe «  à part », tel le sanglier du grand Quignard. (« L’Enfant d’Ingolstadt », par Pascal Quignard, dixième volume du « Dernier royaume «, Grasset). Bruno Le Maire confirme. «  La politique a besoin de la littérature pour porter un rêve. Et la littérature peut trouver dans la politique une tension, un ressort dramatique, une compréhension sans pareille des ressorts humains ».

Une rumeur favorable précède la parution  de ce « Nouvel empire », que Bruno Le Maire a dû faire lire à ses amis. Et, à tout le moins, à ses éditeurs. L’auteur passe d’une déclaration d’impuissance face  à celui qu’il n’a pu sauver,  à cet enthousiasme : sa déclaration d’amour. L’amour du projet politique le plus important du XXIème siècle.

 L’Europe, nous dit-il, a besoin d’un nouveau logiciel. « Le pouvoir sera au cœur du monde  de demain (…) «Le pouvoir fera la différence : le pouvoir technologique, économique, financier, monétaire et culturel sera crucial ».

   On se souvient tout à coup du discours –magnifique- de Dominique de Villepin contre la guerre en Irak,  le 14 février 2003, à New York.«  Dans ce temple des Nations Unies, nous sommes les gardiens d'un idéal, les gardiens d'une conscience. La lourde responsabilité et l'immense honneur qui sont les nôtres doivent nous conduire à donner la priorité au désarmement dans la paix. Et c'est un vieux pays, la France, d'un vieux continent comme le mien, l'Europe, qui vous le dit aujourd'hui, qui a connu les guerres, l'occupation, la barbarie. Un pays qui n'oublie pas et qui sait tout ce qu'il doit aux combattants de la liberté venus d'Amérique et d'ailleurs. Et qui pourtant n'a cessé de se tenir debout face à l'Histoire et devant les hommes. Fidèle à ses valeurs, il veut agir résolument avec tous les membres de la communauté internationale. Il croit en notre capacité à construire ensemble un monde meilleur ».

« L’Europe doit s’affirmer comme un empire paisible dans les vingt-cinq années qui viennent », renchérit  aujourd’hui Bruno Le Maire, qui fut aussi le chef de cabinet de Dominique de Villepin.

Bio

1969- Naissance à Neuilly sur Seine.

Normalien, agrégé de lettres, diplômé de l’IEP, Bruno Le Maire devient en 2006 directeur du cabinet de Dominique de Villepin. Il est nommé en 2008 secrétaire d'Etat aux Affaires européennes,  dans le gouvernement  de François Fillon.  Il  sera ensuite ministre de l'Agriculture et de la Pêche durant le quinquenat de Nicolas Sarkozy.

En 2017, Bruno Le Maire  devient ministre de l'Économie et des finances au sein du gouvernement d’Edouard Philippe.

Homme de lettres Bruno Le Maire est l’ auteur de nombreux ouvrages, dont : »Le ministre » ( Grasset /2004) « Des hommes d'Etat, »  (Grasset /2008,Prix de littérature politique). « Musique absolue « (Gallimard /2012) « Jours de pouvoir » (Gallimard /2013), « Paul » (Gallimard/2019).

Extrait

« Désormais, pour livrer ce combat, il faudrait que je me passe de mes débats avec Paul, il faudrait que je  me passe de Paul et de ses années de plus que moi, de son expérience, de sa capacité à ne pas agresser le monde pour le laisser venir, et le comprendre.

(Bruno Le Maire, « Paul, une amitié », récit/Gallimard, page 141)

"Le Nouvel Empire" de Bruno Le Maire

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