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Fed et BCE, 10 ans après la crise : nous ne sommes pas encore guéris ! Que vont-elles faire ?
©Reuters

Banques centrales

Les deux banques centrales mènent depuis des années des politiques favorables à la croissance, mais cela reste insuffisant.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Fed et BCE s’interrogent : 10 ans après la crise, nos pays ne sont pas guéris ! Que faire ?

En rajouter. Et pourtant, et la Fed (banque centrale américaine), et la BCE (banque centrale européenne) ont, pendant des années, mené des politiques plus favorables à la croissance que jamais ! Mais les faits sont là : c’est encore insuffisant ! 2007 aux États-Unis, la crise frappe. Mais, en 2019, la peur de la récession menace, étrangement cette fois, avec un plein emploi qui ne fait pas dépasser 3% de croissance, sans hausses de salaires ni de prix ! Comment comprendre et soutenir l’activité ? 2008 en zone euro, la récession arrive et tout est fait pour en sortir, avec des crises graves dans les pays du sud. Mais en 2019, si le pire a été évité, la croissance reste à 0,8%, le taux de chômage à 7,8% et l’inflation à 1,5%.Que faire ? La Fed se préparerait à baisser ses taux, en tout cas à ne pas les monter. Et la BCE à ne pas les monter de sitôt et à soutenir plus nettement les banques. Maisest-ce que ce sera assez ? 

D’abord, la Fed baissera ses taux…ou ne les montera plus, pour envoyer des messages positifs aux marchés. La courbe des taux américains est pratiquement inversée aujourd’hui et devait bientôt l’être, si l’on en croit les marchés à terme. Les taux longs (10 ans) sont à 2,4%,ceux à court terme (Fed funds) entre 2,25 et 2,5%, 2,38% ! Mais les taux futurs voient au moins une baisse des taux courts en 2019, et les taux longs iraient à 2,35%. On pourra alors dire que la courbe des taux se « repentifie » un peu, les taux courts redevenant inférieurs aux taux longs, après s’être quelque temps (jours ?) inversée.

La Fed aura donc eu peur, peur des marchés, peur de Trump. Peur des marchés, pour qui une courbe des taux inversée est celle où l’épargne à tellement peur du futur qu’elle se place au plus vite, même peu rémunérée, parce qu’elle pense que sa rémunération sera plus faible demain. Peur de Trump, qui crie et se prépare à nommer un étrange ami (Stephen Moore) à un des deux postes de gouverneurs encore vacants (en attendant qui, pour le dernier ?). Ce Stephen Moore qui vient de déclarer qu’il baisserait les taux courts de 0,5% ! Pas tout de suite certes, mais... Alors, avec une belle baisse des taux, les marchés pousseraient un bref soupir de soulagement. Bref, car ils se diront, juste après, que si la Fed les a suivis, c’est que c’est grave ! Alors, Donald Trump twittera que, tout comme pour la fameuse enquête Mueller sur sa « collusion » avec la Russie, il a eu bien raison de critiquer les hausses de taux de Jerome Powell. Et que ces erreurs ont fait du mal au pays. Les dernières nouvelles américaines ne sont en effet pas très bonnes, et surtout noircies : une chute de 8,7% des constructions en février, contre une hausse de 11,7% en janvier, les importations les plus basses en janvier 2019 depuis six mois. Mais, on pourra dire que la chute des constructions nouvelles vient d’un hiver rigoureux et que la baisse des importations a été compensée par de fortes exportations de soja (vers la Chine), ce qui a beaucoup réduit le déficit commercial. N’empêche : le marché ne regarde que les mauvaises nouvelles !

Et, de son côté, la BCE veut aider davantage la restructuration du paysage bancaire, en supplément de sa politique accommodante, qu’elle va se prolonger.Moins de banques, meilleures et plus rentables : c’estle message supplémentaire de Mario Draghi et de Luis de Guindos, son vice-président le 27 mars, devant le groupe des ECB watchers. En termes plus diplomatiques, ce sera : « redoubler d’efforts pour surmonter les défis structurels », notamment en réduisant « les coûts en personnel », « les réseaux d’agences » et « l’exposition aux prêts en souffrance ». Les bourses ont beaucoup aimé. Immédiatement, les cours boursiers des banques montententre 3 et 4%. Mais pourquoi donc ce miracle soudain, qui contraste tant avec le mauvais traitement boursier des banques, où un euro de leur actif est valorisé 0,8 euro, soit une dépréciation de 20% ! Parce que la BCE se rend compte du « problème » et change d'attitude, car ce « problème » lui est en partie imputable.

La BCE est en effet, en bonne part, derrière la dépréciation boursière des banques : c’est le revers de sa politique monétaire. Pas facile de gagner de l’argent quand on le prête à des taux si bas, et quand on en perd si on garde des liquidités !C’est du fait de la BCE si les taux sont si bas et la courbe des taux si plate, avec ses taux à 0% et ses achats de bons du trésor. Les taux fixés à 0% le seraient pour plus longtemps encore,et son portefeuille de bons du trésor à taux faibles serait prolongé ! C’est aussi la BCE qui veut des banques mieux capitalisées, plus résistantes aux chocs de la conjoncture. Moins de résultat et plus de fonds propres : la rentabilité du capital bancaire ne peut que baisser, la bourse l’a compris. C’est enfin de son faitsi, pour un coûtannuel de 7,5 milliards d’euros, les réserves des banques déposées à la Banque centrale sont rémunérées à -0,4%.L’idée est que ces liquidités bancaires, liées au quantitative easing et aux crédits à taux super-privilégiés faits aux banques par la BCE ne restent pas en trésorerie, mais soient reprêtés.

Donc cette BCE, qui envisage de prolonger sa politique accommodante, en prêtant plus de liquidités, pourrait aussi prolonger leur taxation ! Il y a là une contradiction, de plus en plus pénible. La baisse des taux, qui pèse sur la rentabilité, aide à faire repartir l’économie, et les taux négatifs sont faitspour que l’argent ne dorme pas. Mario Draghi expliquait, récemment encore, références statistiques à l’appui, que ces réserves négatives pesaient certes sur les banques, mais qu’elles les poussaient à faire plus de crédits, crédits certes moins chers mais plus sûrs, ce qui faisait qu’au fond elles s’y retrouvaient. Plus ou moins,pas partout, en Allemagne notamment, et surtout pas si sûr, si l’activité ne repart pas.

« Nous devons réfléchir à des mesures qui permettent de préserver les effets des taux négatifs sur l’économie tout en atténuant leurs effets secondaires » dit alors Mario Draghi. Comment, se demande la bourse, devenue si heureuse pour les banques européennes ? « Notre but est de renforcer la confiance du public dans la Fed, confiance : notre actif le plus précieux » conclut Jerome Powell, dans un récent discours. Comment, se demande la bourse américaine ? Rester dans l’auberge, c’est ne pas en sortir.

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