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Amis Brexiteers, gardez votre sang froid !
©Adrian DENNIS / AFP

DISRAELI SCANNER

Lettre de Londres mise en forme par Edouard Husson. Nous recevons régulièrement des textes rédigés par un certain Benjamin Disraeli, homonyme du grand homme politique britannique du XIXè siècle.

Disraeli Scanner

Disraeli Scanner

Benjamin Disraeli (1804-1881), fondateur du parti conservateur britannique moderne, a été Premier Ministre de Sa Majesté en 1868 puis entre 1874 et 1880.  Aussi avons-nous été quelque peu surpris de recevoir, depuis quelques semaines, des "lettres de Londres" signées par un homonyme du grand homme d'Etat.  L'intérêt des informations et des analyses a néanmoins convaincus  l'historien Edouard Husson de publier les textes reçus au moment où se dessine, en France et dans le monde, un nouveau clivage politique, entre "conservateurs" et "libéraux". Peut être suivi aussi sur @Disraeli1874

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Londres, 

Le 25 mars 2019, 
Mon cher ami, 
“Il n’y a que mon accord qui puisse vous sortir de l’impasse où je vous ai amenés”. 
Hier après-midi, Jacob Rees-Mogg, David Davis, Boris Johnson, Steve Baker, Dominic Raab, Iain Duncan Smith, piliers du camp Brexiteer conservateur, avaient été invités à Chequers par Theresa May, en compagnie du Remainer Damian Green, de quelques ministres (dont Steve Barclay et Michael Gove), du président du parti conservateur, Brandon Lewis et du Chief Whip, David Lewis.  Rien de plus frustrant qu’une telle séance avec Theresa, à ce que m’ont confirmé mes amis qui y participaient. Elle revient, encore et encore, à son idée fixe: faire passer son accord. Les uns et les autres ont beau lui expliquer qu’elle est dans une impasse, elle n’en démord pas. Elle veut faire passer son accord. Le même accord. Et pourtant le Speaker de la Chambre des Communes a dit qu’il s’opposerait à un vote si l’on présentait le même accord au vote. Et l’Union Européenne ne veut pas, pour autant, changer l’accord. On est dans une impasse. Theresa nous a amené à une impasse et, après cela, elle prétend nous en sortir. 
La manipulation grossière des Remainers
Je comprends bien le petit jeu de l’UE et des Remainers. Ils voient que l’accord Robbin-Barnier ne sera pas voté par le Parlement britannique. Ils espèrent donc que le Parlement et le gouvernement auront peu du No Deal. Et qu’on ramènera le pays au bercail de l’UE. La marche pour un second référendum, de samedi, qui a rassemblé environ 500 000 personnes et la pétition pour réclamer un nouveau référendum qui en est à un peu moins de 5 millions de signatures, sont destinées à pousser le dernier avantage qui reste aux Remainers fanatiques pour essayer de ramener la Grande-Bretagne, espèrent-ils, sous l’autorité de la Commission Européenne. C’est un petit jeu puéril. Philipp Hammond, le Chancelier de l’Echiquier, a prudemment lancé une sonde, hier, dans une émission, en disant qu’un second référendum était une solution qu’il valait la peine d’examiner. Mais la Grande-Bretagne croit encore à la démocratie. Si 5 des 16 millions de partisans du Remain au vote de juin 2016 ont décidé de rappeler que tel était leur vote, grand bien leur fasse. Ils se trompent en outre en pensant que le Remain l’emporterait cette fois. Je pense pour ma part que le Brexit aurait une marge encore plus forte. Et puis, vous imaginez une Grande-Bretagne revenue dans une Union Européenne elle-même pleine de populistes, de conservateurs et de nationalistes? Etant elle-même en proie à une profonde instabilité politique?  Tout ceci n’est pas bien sérieux. 
Renverser Theresa? 
Il va bien falloir, pourtant, trouver une sortie politique de la crise. Londres bruissait hier d’un possible renversement de Theresa May. Il y avait à la fois le dépit de ceux qui n’étaient pas invités à Chequers; et puis l’agacement d’un certain nombre de membres du parti Tory au moment où tous constatent que Theresa May est largement devenue une contribution aux difficultés politiques plutôt qu’une pourvoyeuse de solutions. Il se murmure que Michael Gove pourrait être poussé par le gouvernement. En fait, mes amis conservateurs aimeraient bien avoir une solution politique avant de remplacer Theresa May. Un peu comme le compromis de Malthouse, que Theresa a si mal défendu face à Bruxelles. En étant sûr, cette fois, qu’il ne sera pas possible pour le Premier ministre d’échapper à son mandat; ou qu’il est possible de rassembler le parti sur un nouveau nom, qui inspire de la confiance à tous. 
En fait, le plus probable, dans un scénario de ce type, serait qu’un nouveau Premier ministre succède à Theresa May, enclenche le Brexit sous la forme du no deal puis, cela réussi, se représente devant les électeurs. Je vois bien Michael Gove agir ainsi, pour ramener une majorité solide aux conservateurs. 
Comment sortir du cercle de la raison bruxelloise? En continuant à rendre fou Bruxelles comme nous le faisons !  
Je pense, pour ma part qu’un facteur va jouer de plus en plus: le sentiment des uns et des autres que l’on risque d’être condamné à l’éternel retour du même: Theresa May proposant son deal, le Parlement le refusant et confiant un mandat modifié à Theresa, l’UE refusant ensuite toutes les modifications. Que l’on pousse les feux jusqu’au 12 avril ou au 22 mai, la question restera exactement la même. Nos industriels commencent à réclamer une décision. Les marchés sont restés calmes jusqu’à présent mais il ne faudrait pas que l’on commence à dire que les partis politiques britanniques sont devenus incompétents au point de ne pas pouvoir prendre une décision. On n’a fait, jusqu’à maintenant, que repousser l’heure de décider. Et la décision, à bien tout peser aujourd’hui, ne peut être qu’une absence d’accord, une sortie sans accord. 
Ce matin, les messages se multiplient, depuis Bruxelles, pour dire que le no deal est la solution la plus probable et qu’on a commencé à le préparer. Je ne crois même plus que l’UE croie à la possibilité d’un basculement, d’un retour de la Grande-Bretagne, ni même qu’elle le souhaite. Les eurocrates n’en peuvent plus de ces négociations qui ne se passent poas comme prévu. Ils avaient l’habitude que les parlements et les peuples se soumettent aux textes qu’ils imposaient aux gouvernements. Theresa May a été bien docile, trop docile. Mais le Parlement, lui, n’en fait qu’à sa tête. Même les Remainers ne sont pas fiables, ils se comportent en parlementaires britanniques plus qu’en fanatiques de l’UE. Ils n’ont pas de solution pour contourner ce fichu état de droit. C’est cocasse que Bruxelles, par impatience, nous pousse vers la sortie. 
L’opinion est en train de basculer vers le No Deal
En fait, le temps joue pour les Brexiteers. La Manche a beau être peu large, elle se révèle une frontière difficile à franchir. Ce ne sont pas les douaniers britanniques, en ce moment, qui font une grève du zèle à l’accueil de l’eurostar; mais les douaniers français: ils se plaignent de ce que l’on ne leur donne pas plus de moyens alors que le trafic ne cesse d’augmenter. Malgré tout ce qu’on nous avait annoncé, le nombre de passagers qui prennent l’eurostar n’a pas cessé d’augmenter depuis deux ans ! Et les douaniers français font justement valoir que s’ils doivent respecter à la lettre les procédures qu’on leur impose, ils sont encore plus capable de traiter correctement des trains à 800 passagers que des trains jusqu’à récemment à 600 passagers. Le gouvernement français fait le fanfaron mais c’est lui qui n’a plus d’argent pour mieux équiper ses douanes. 
Il va simplement falloir que les Brexiteers gardent leur calme. Il va se produire une ou deux dernières manifestations d’hystérie chez les Remainers. Un peu comme ces grands monstres blessés mortellement mais capables de détruire beaucoup sur leur passage dans leurs derniers spasmes de vie, le Project Fear va, une dernière fois, de faire des victimes. L’establishment va piquer une petite série de crises de nerfs. On va essayer de ruser avec les règles du Parlement. Je dis juste à mes amis: gardez votre sang froid; vous avez choisi la difficulté en ne votant pas l’accord Robbin/Barnier avec les garanties de l’UE sur le backstop; pour ma part je l’aurais voté pour parvenir au 29 mars sans encombre; mais je respecte votre vote et, surtout, votre courage politique; allez à présent jusqu’au bout, nous allons gagner ensemble. L’opinion, en effet, est en train de se radicaliser. Un sondage paru vendredi mettait le No Deal à 46% d’opinions favorables, à sept points devant toute autre solution (39% pour un délai dans le Brexit incluant un possible second référendum.). Il y a une semaine, les deux options étaient à égalité à 43% dans ce même sondame Opinium. 
Je n’ai aucun doute, pour ma part que, dans quelques jours, le Royaume-Uni aura regagné sa liberté. 
Mon cher ami, je me réjouis de vous savoir à Londres à partir de mercredi. Nous devons tout imaginer, y compris des débats parlementaires tournant de manière inattendue, qui débouchent sur une sortie effective le 29 mars. 
Bien fidèlement à vous 
Benjamin Disraeli 

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