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Mystère économique (... ou pas) : Mais pourquoi les taux d’intérêts continuent-ils à baisser alors même que la BCE a cessé de racheter de la dette ?
©DANIEL ROLAND / AFP

La tête contre les murs

Car les banques centrales ne contrôlent pas les taux longs mais ajustent les taux courts pour essayer de peser sur ces derniers.

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Atlantico : Alors que le plan d'assouplissement quantitatif de la BCE s'est achevé à la fin de l'année 2018, et avait été considéré comme une cause de la baisse des taux d'intérêts, les premiers mois de l'année 2019 ont vu les taux à 10 ans passés de 0.70%, au 28 décembre, tomber à un niveau de 0.40% au début de ce mois de mars. Comment expliquer cette situation apparemment paradoxale ? 


Alexandre Delaigue : On peut l’expliquer très simplement par le fait que contrairement aux idées reçues ce n’est pas la Banque centrale européenne qui est le déterminant de la baisse des taux. C’est une idée qui est très répandue en particulier auprès des gens qui travaillent sur les marchés financiers et qui voient en la Banque centrale une sorte de gros acteur qui aurait la possibilité de perturber le fonctionnement normal du marché. Mais si on adopte une position un peu plus macroéconomique, on observe qu’une banque centrale va fixer un taux d’intérêt à court terme afin de le rendre compatible avec une faible inflation de moyen terme, parce que les Banques centrales acceptent un certain niveau d’inflation. Ce qu’il s’est passé dans le cadre de la BCE et de l’assouplissement quantitatif, c’est que les circonstances macroéconomiques actuelles sont telles que l’on peut avoir des taux d’intérêts extrêmement bas en même temps que des niveaux d’inflation très faibles et cela n’est pas lié à des fantaisies de banquiers centraux mais cela est actuellement une caractéristique centrale de nos économies. De plus en plus de travaux de recherche viennent expliquer cette situation, avec une tendance à la baisse des taux d’intérêts à long terme depuis plusieurs décennies. Les Banques centrales n’en sont pas les déterminants mais elles cherchent justement  à négocier autour de cette tendance.


Ne peut-on pas en conclure que l'impact de l'assouplissement quantitatif sur les taux bas ont été surestimés ? 


L'assouplissement quantitatif a pu avoir un rôle tout comme les modifications de la réglementation financière ont également pu avoir un effet sur les taux bas. Mais sur les taux à long terme, ce sont d’autres facteurs économiques plus fondamentaux qui vont déterminer la situation. Parmi ces différents facteurs fondamentaux, on a les perspectives de croissance économique à long terme, on a aussi les perspectives démographiques (une perspective démographique à la baisse aura un effet de baisse sur les taux d’intérêts cela est la même chose dans les pays où les taux de croissance prévisionnels sont faibles). On peut encore identifier d’autres facteurs comme par exemple le changement de nature des investissements des entreprises qui concernent bien plus le domaine immatériel aujourd'hui qu’auparavant. Une étude récente de Larry Summers montre bien que toute une série de tendances expliquent ce qu’il appelle la stagnation séculaire, c’est à dire une tendance à ce que les taux longs soient bas et cela n’est pas lié à une question de baisse artificielle liée aux banques centrales mais cela est bien le résultat de facteurs structurels de nos économies. Une autre étude publiée par Emmanuel Fahri montre également comment d’autres facteurs ont pu avoir un rôle dans ce processus de pression à la baisse des taux à long terme, et en particulier le pouvoir de monopole des entreprises. 


Quels seraient les moteurs d'une "normalisation" des taux à 10 ans ? 


On ne sait plus trop ce qu’est une version normal des taux d’intérêts. Mais si on voulait ramener les taux à des niveaux un peu plus élevés, il faudrait un peu se rapprocher de ce qui se passe aux Etats-Unis, c’est à dire une conjoncture économique bien plus favorable, un marché de l’emploi beaucoup plus en tension qu’il ne l’est en Europe, avec une demande globale plus forte. Il faudrait également que les politiques budgétaires des gouvernements soient beaucoup plus expansionnistes en Europe. Si on regarde du côté des Etats-Unis, on peut se rendre compte que les perspectives pour le déficit budgétaire sont de l’ordre de 1000 milliards de dollars, ce qui, selon la macroéconomie de base, exerce une pression à la hausse sur les taux d’intérêts, et qui doit être comparée, par exemple à la situation allemande qui à l’inverse, produit un excédent budgétaire qui va avoir un effet à la baisse sur les taux d’intérêts. 

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