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Inégalités scolaires : pourquoi la France est une très mauvaise élève au sein de l’OCDE malgré son obsession égalitariste
©REMY GABALDA / AFP

Avant-dernière du classement

Selon une note publiée par l'OCDE, en France, "les inégalités d'opportunité sont importantes" et "largement liées au système éducatif". L'Hexagone arrive ainsi avant-dernière du classement des pays de l'OCDE juste devant la Hongrie.

Pierre Duriot

Pierre Duriot

Pierre Duriot est enseignant du primaire. Il s’est intéressé à la posture des enfants face au métier d’élève, a travaillé à la fois sur la prévention de la difficulté scolaire à l’école maternelle et sur les questions d’éducation, directement avec les familles. Pierre Duriot est Porte parole national du parti gaulliste : Rassemblement du Peuple Français.

Il est l'auteur de Ne portez pas son cartable (L'Harmattan, 2012) et de Comment l’éducation change la société (L’harmattan, 2013). Il a publié en septembre Haro sur un prof, du côté obscur de l'éducation (Godefroy de Bouillon, 2015).

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Atlantico : Selon une note publiée par l'OCDE, "la France, les inégalités, et ascenseur social", en France, "les inégalités d'opportunité sont importantes, largement liées au système éducatif". Comment expliquer, alors que la France a connu un "tournant égalitariste" dans les années 80, que le résultat produit soit justement inverse à celui recherché ? Comment comprendre ce paradoxe apparent ?

Pierre Duriot :

Dans les années 80, justement, on a mélangé l'égalité et l'égalitarisme, une confusion courante chez tous les acteurs concernés par l'enseignement. Pour faire simple, l'égalité c'est la possibilité égale, offerte à tous, d'obtenir le diplôme maximum correspondant à ses capacités cognitives et comportementales personnelles. L'égalitarisme c'est : « 80 % d'une classe d'âge au bac ». Dit comme cela, on saisit mieux la différence et à quel moment l'affaire est partie en vrille : l'excellence ne se décrète pas, elle se construit et elle se travaille et ce, depuis les plus petites classes, en collaboration avec les parents qui ont leur part de responsabilités dans les qualités comportementales de l'élève et dans l'adhésion de la famille et de l'enfant au système éducatif. Pour que l'école puisse avoir un projet éducatif pour son élève, il faut que les parents aient un projet de vie pour leur enfant. L'école a péché par démagogie, à vouloir se charger à la fois d'éducation, de citoyenneté et d'instruction, mais aussi, elle n'a pas veillé suffisamment, pour ses professeurs, à une formation professionnelle de qualité, tout en les payant insuffisamment, ce qui se traduit aujourd'hui par une part de responsabilité dans l'échec collectif et une grave crise des vocations. Non seulement le métier n'attire que trop peu mais il s'est aussi féminisé à outrance, notamment en primaire et maternelle, au moment où l'accroche par le phénomène des modèles identificatoires nécessiterait un personnel beaucoup plus mixte.

En plus de décréter le niveau dans une visée purement électoraliste, l'école a aussi voulu décréter la mixité sociale, par la contrainte, ce qui ne marche pas et qui ne marchera jamais, les familles les plus aisées ayant toujours les moyens de la mobilité et ceux de l'inscription dans un établissement scolaire privé de leur choix. Concernant la mixité ethnique, celle que l'on camoufle en mixité sociale, le législateur a fonctionné sur l'idée que la population générale ne voulait pas des immigrés originaires d'Afrique, les immigrés européens et asiatiques n'ayant eu guère d'impact particulier sur le système scolaire. Or c'est bien le contraire qui est factuel, la mixité a cessé du fait du départ des autochtones, souvent pour des raisons, au mieux de bien-être, au pire de sécurité et du regroupement des populations originaires d'Afrique en quartiers communautaires selon plusieurs biais. En cette période de dénonciation de l'antisémitisme, quelques voix ont tout de même osé dénoncer le départ des juifs depuis les quartiers à forte densité afro-arabe, pour des raisons de sécurité. Il en résulte des établissements devenus presque ingérables, où se côtoient, quasiment hors de la population générale, des populations en rivalités séculaires, dans lesquels mes collègues professeurs peinent à enseigner. Il faut bien comprendre que sur un cours de cinquante minutes, quand on en passe trente à quarante à essayer d'obtenir une atmosphère de travail permettant de transmettre des savoirs, le résultat ne peut pas être le même que dans un collège ordinaire où la classe se met au travail dès la porte fermée. La conséquence de toutes ces erreurs stratégiques est une reproduction, en les amplifiant, des inégalités sociales et des replis sur elles-mêmes des classes sociales les plus défavorisées et les plus communautarisées. Les classes supérieures s'en sortent comme elles se sortent en général de toutes les adversités, mais il en reste une lamination des classes moyennes inférieures, qui atteint maintenant les classes moyennes supérieures, dont l'essentiel de l'énergie passe dans la tentative de limiter la casse et la descente de catégorie pour leurs enfants.

Enfin, cette idée que tout le monde allait obtenir le diplôme général du bac a contribué à entraîner la roue de la désindustrialisation, en ne permettant plus aux élèves peu aptes à l'abstraction et à la symbolisation, d'intégrer des filières professionnelles de qualité. Celles qui restent sont souvent synonymes d'échecs scolaires pour les élèves concernés. On retrouve cette dimension dans les efforts désespérés entrepris ces dernières années, dans certaines régions à industries historiques ou thématiques, pour rouvrir des filières professionnelles qualifiantes, dans l'aéronautique ou l'automobile, par exemple.

Dans une interview donnée à Libération, Eric Charbonnier, expert des questions d'éducation à l'OCDE, indiquait "La France dépense en moyenne 15% de moins pour les élèves en élémentaire que dans les autres pays de l’OCDE. En revanche, l’enveloppe dévolue au secondaire est 35% plus élevée en moyenne que les autres pays de l’OCDE. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.". Peut-on voir ici une cause du résultat actuel, ou faut-il en chercher les causes ailleurs ? 

Eric Charbonnier a raison. Le système fonctionne à l'envers, il ne faut pas aspirer les élèves vers les lycées depuis le haut, en les sélectionnant à des échelons de plus en plus élevés, comme on le fait depuis trop longtemps, mais les pousser vers le haut, depuis le bas, par la qualité des apprentissages fondamentaux et en les orientant au mieux, à chaque étage, vers des filières en rapport avec leurs capacités. Cela permet ensuite de s'attaquer de manière efficace aux enseignements les plus difficiles, chacun dans sa branche. Egalement, travailler les savoirs-être, les comportements, qui sont le gage d'une bonne adaptation à l'école et plus loin d'une bonne adaptation à la société et à l'entreprise. Ce dernier paramètre s'est largement dégradé au cours des trois décennies passées, tendant à organiser la confusion dans l'échec, entre ce qui concerne les paramètres purement scolaires et ceux qui relèvent de l'éducatif et du comportemental.

Encore que, cela est apparu plus crûment avec la réforme actuelle des lycées, les inégalités territoriales au lycée sont légion. L'argent passe dans des filières pléthoriques mais qui n'existent que dans certaines régions. Des lycées de province ne proposent pas le quart des options qui sont disponibles dans des villes centres, universitaires, avec des niveaux de vie plus élevés et la présence de classes sociales supérieures en plus grande densité. La différence de moyens entre un lycée de sous-préfecture de la Nièvre ou de la Corrèze et un lycée de quartier huppé de Lyon ou de Dijon, est abyssale. Même dans l'élémentaire, les inégalités territoriales sont criantes. Dans les zones rurales, plus ou presque plus de maîtres spécialisés, moins de structures périscolaires pédagogiques ou thérapeutiques, moins accessibles, moins de locaux, moins de matériel, moins d'intervenants sportifs, moins de sorties pédagogiques, même si, ne les blâmons pas, de nombreux maires de campagne sans le sous font preuve d'ingéniosité. A terme, et cela est déjà visible dans certaines filières, la perte pure et simple de compétences guette.

Concernant les résultats qu'il faut bien qualifier de calamiteux, pour un pays comme le nôtre, en maths et en Français, il faut les pondérer en tenant compte de l'annonce de « moyennes » qui aplanit les disparités évoquées à la première question. L'ancien ministre de l'éducation, Luc Ferry, récemment, ne s'est pas privé de dénoncer les quartiers sensibles qui plombaient la moyenne. Cela n'est pas une cause unique évidemment, mais c'est l'un des paramètres qui permet d'expliquer en partie la baisse globale. Des portions du territoire ont intégré, à tort, l'idée que travailler à l'école ne servirait à rien et le marché du travail légal et ordinaire est confronté à d'autres perspectives concurrentes, séduisantes, qui rendent moins intéressant le travail scolaire, d'autant que, symboliquement, cette école est celle de l'ordre établi et de l'état des « kouffars », à laquelle se sent étrangère une partie de la population.

Quelles sont les "recettes" que la France pourrait appliquer pour en arriver à un résultat plus satisfaisant concernant l'objectif recherché ?   

Elles sont nombreuses et non exhaustives. Travail, discipline, exigence, sanction, responsabilisation, pour les professeurs, les parents et les élèves. Restauration des filières professionnelles et du tissu industriel, fin des cas de conscience sur le respect des minorités, des religions, de l'islam en fait, qui est la seule des religions à vouloir faire avancer des revendications en milieu scolaire, mise sous condition des allocations familiales, promotion des internats d'excellence, des stages de remise à niveau, augmentation des emplois du temps de français et de maths, méthodes pédagogiques plus concrètes, sanctuarisation de l'école, qui doit redevenir un lieu neutre et plus le réceptacle des maux sociétaux de toutes natures, recentrage sur les missions de transmission des savoirs et responsabilisation des parents en matière éducative. Octroi d'une certaine autonomie des établissements pour travailler en résonance avec les bassins d'emplois locaux, amélioration de la formation professionnelle et des revenus des professeurs, augmentation du nombre d'adultes par enfant dans les premiers âges de la scolarité... Tous ces paramètres, en vrac, sont habituellement renvoyés au statut de mesures totalitaires, mais il faut se rendre à l'évidence, ce sont celles qui opèrent dans les pays les mieux classés en matière de résultats scolaires. Le système tout entier achoppe sur l'obsession égalitariste, le respect des cultures et de la religion allogènes et l'incapacité à poser le niveau d'exigence et fixer les limites. Après, il y a deux solutions. Cette décrépitude est soigneusement entretenue à des fins de privatisation de l'enseignement à moyen ou long terme. Ou alors, il y a une sincérité du législateur dans l'intention d'inverser la tendance, afin de ne pas devenir un pays du tiers-monde, auquel cas il faudra un certain courage politique.

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