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Après l’amende donnée par la France à Apple, l’Allemagne contraint Facebook à limiter ses échanges de données et c’est une bonne nouvelle pour l’Europe
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

GAFA

Le gendarme allemand de la concurrence veut forcer Facebook à ne plus contraindre les utilisateurs de ses services d'accepter une collecte et un croisement de leurs données.

Bernard Benhamou

Bernard Benhamou

Bernard Benhamou est secrétaire général de l’Institut de la Souveraineté Numérique (ISN). Il est aussi enseignant sur la gouvernance de l’Internet à l’Université Paris I-Panthéon Sorbonne. Il a exercé les fonctions de délégué interministériel aux usages de l’Internet auprès du ministère de la Recherche et du ministère de l’Économie numérique (2007-2013). Il y a fondé le portail Proxima Mobile, premier portail européen de services mobiles pour les citoyens. Il a coordonné la première conférence ministérielle européenne sur l’Internet des objets lors de la Présidence Française de l’Union européenne de 2008. Il a été le conseiller de la Délégation Française au Sommet des Nations unies sur la Société de l’Information (2003-2006). Il a aussi créé les premières conférences sur l’impact des technologies sur les administrations à l’Ena en 1998. Enfin, il a été le concepteur de « Passeport pour le Cybermonde », la première exposition entièrement en réseau créée à la Cité des Sciences et de l’Industrie en 1997.

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Atlantico : L'Allemagne a pris la décision de restreindre l'exploitation des données des utilisateurs de Facebook et services affiliés (Whatsapp, Instagram). Si les applications pourront continuer de capter les données (ce qui est la base de leur modèle économique), elles ne pourront plus les croiser. L'objectif de l'Allemagne est là de casser la position dominante et de forcer "les géants de la tech à adapter leur modèle économique au droit de la concurrence" précise Andreas Mundt (Bundeskartellamt). Que pensez de cette initiative ? Est-ce que cela sera suffisant pour casser le monopole de ces géants au niveau national ?

Bernard Benhamou :  L'initiative est absolument nécessaire ! Elle devrait d'ailleurs faire l'objet d'une discussion parmi les 27 (Pays membres de l'UE). L'Allemagne se décide à avoir une action en profondeur sur la captation et le recoupement des données, et cela au moment où Facebook décide d'intégrer l'ensemble de ses filiales (WhatsApp, Instagram…) dans une même unité, et donc de les fondre dans le même système. Nous sommes face à une dérive, dans la captation et le recoupement des données, qui dépasse l'imagination de bien des internautes ! Ils ne pensent pas à quel point on peut tout savoir sur leur vie privée, Facebook est un mastodonte de l'information, quand le site vous demande votre accord pour une chose en particulier, vous lui ouvrez les portes pour une trentaine d'autres derrière. Mais même les internautes qui n'utilisent pas Facebook sont fichés, puisque les informations sont collectées via le moteur de recherche et via leurs amis qui, eux, ont un compte. Pour bien souligner la situation, même les données médicales ne sont pas protégées. C'est donc une excellente nouvelle qui nous vient d'outre Rhin ! Inéluctablement nous allons vers un durcissement par rapport à l'utilisation des données, même s'il y a l'illusion du libre choix avec la demande d'accord, personne ne lit les "contrats" avant de signer. Le New York Time a calculé qu'un internaute voulant lire tous les contrats numériques qui lui était proposé, devrait passer plus de 76 jours par an devant son écran. A terme, la notion même de "Data Brokers" devra être remise en cause, le business qui en découle est de fait illégal selon le droit européen.   

Entre Apple qui va verser 500 millions d'euros au fisc français et maintenant l'Allemagne qui passe à l'offensive contre Facebook, le tout sur fond de RGPD, n'est-ce pas là le signe que la seule chose qu'il faut pour contraindre les géants de la tech est un peu de volonté politique ? 

Il y a eu par le passé une frilosité politique concernant la question, notamment en France où l'on s'est concentré sur l'unique aspect fiscal. Nous devons aller beaucoup plus loin ! L'expertise manque sur la question, il nous faut aussi une meilleure coordination politique, et surtout une plus grande volonté !  

Est-ce pour le signe de la fin d'une période de "far west" de la collecte des données personnelles des utilisateurs ? 

J'aimerai que cela soit vrai, cependant nous ne sommes pas encore dans des schémas qui pourraient freiner qui que ce soit. En fait on assiste à une crise de confiance, justifiée par plusieurs scandales, dont celui de Facebook payant des adolescents pour pouvoir mieux les espionner sur Instagram. Cette crise peut faire peur aux investisseurs, plus encore qu'aux internautes. On voit bien dans le cas Facebook que malgré les scandales, les utilisateurs n'abandonnent pas le réseau, l'entreprise a toujours 2,3 milliards d'utilisateurs. C'est donc de la part des actionnaires que pourra venir le changement, on voit déjà des fonds d'investissements se réorienter vers des secteurs plus traditionnels. La période est charnière, mais il ne faut pas croire que les GAFAM vont se laisser faire. Ils se battront pied à pied ! Il y a déjà des recours lancés contre les amendes de certains d'entre eux. Ils utiliseront toutes les juridictions, tous les appels possibles, pour repousser au plus loin le moment où ils devront repenser leurs modèles d'affaires. Dans le cas Facebook, je pense qu'il est impossible de faire évoluer quoi que ce soit, par définition c'est une question existentielle qui se pose à l'entreprise. Même s'ils ont déjà arrêté (officiellement) de faire appel à des Data Brokers, la collecte des données est essentielle à leur survie, c'est ce qui alimente leur système publicitaire. Donc même avec des pressions politiques, cela parait compliqué.

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