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Hausse de prix dans les supermarchés : la France souffre-t-elle d’un excès de réglementation ou d’une concurrence sauvage ?
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Loi alimentation

La loi Alimentation qui devrait interdire de vendre des produits à un prix coûtant devrait entraîner une hausse des prix de plusieurs produits. Carrefour anticipe une hausse de 3% sur 1000 produits par exemple.

Jean-Marc Boussard

Jean-Marc Boussard

Jean-Marc Boussard est économiste, ancien directeur de recherche à l’INRA et membre de l’Académie d’Agriculture.

Il est l'auteur de nombreux ouvrages dont La régulation des marchés agricoles (L’Harmattan, 2007).

 

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Atlantico : Dans le contexte de la loi alimentation, certains produits alimentaires devraient subir une forte hausse (10%) des prix, en raison d'une mesure ayant trait au seuil de revente à perte. Une situation qui effraye distributeurs et consommateurs. Plus largement, en ce qui concerne le secteur alimentaire Français, peut-on le qualifier de trop, ou de passez assez libéral ? 

Jean-Marc Boussard : J’avoue que je ne comprends pas trop tout le bruit qui est fait autour de cette affaire de revente à perte. C’est en vérité assez secondaire, et je ne crois pas que cette pratique soit si généralisée que cela, sinon pour liquider des produits périssables (devront être détruits sans bénéfice pour personne ? ).

Quant au secteur alimentaire dans son ensemble, le problème n’est pas vraiment de savoir s’il est trop ou trop peu libéral. C’est de savoir si les interventions de toute façon nécessaires en raison des imperfections des marchés sont faites à bon escient, et de façon utile. J’ai peur que ce ne soit pas toujours le cas !

Quelles sont les situations ou l'on pourrait considérer que ce secteur n'est pas assez libéralisé, et quelles en sont les conséquences pour les différents acteurs ? 

La multiplication des subventions pour un oui ou pour un non, est souvent dévastatrice pour les finances publiques. Par exemple, on subventionne l’agriculture « bio » : C’est complètement absurde puisque l’agriculture « bio » se débrouille très bien toute seule avec une clientèle aisée tout heureuse de payer plus cher pour étaler son « standing ». Ces subventions sont donc de l’argent perdu...

De même, les agriculteurs français sont écrasés de règlements techniques et d’obligations bureaucratiques tatillonnes dont l’intérêt est souvent peu évident. Par exemple, on peut bien comprendre l’interdiction de cultiver en France des plantes susceptibles de présenter un danger pour le consommateur, ce qui, selon certains « écologistes », serait le cas des « PGM » (plantes génétiquement modifiées) . Mais alors, comme ces plantes n’ont aucune raison d’être moins nocives si elles sont cultivées ailleurs, il faudrait absolument aussi en interdire l’importation. Or on en importe des millions de tonnes, au détriment de nos producteurs dont les coûts sont de ce fait plus élevés que ceux de leurs concurrents, et qui sont donc privés d’un « avantage comparatif » important. L’ironie de la chose est que, comme personne ne semble mourir de les avoir consommées, il est plus que probable que ces plantes ne sont pas si nocives que cela... et donc que les règlements anti-PGM sont abusifs, et constituent des «distorsions de concurrence» au détriment de nos producteurs.

De la même façon, quelles sont les situations où l'on pourrait considérer que ce secteur serait trop libéralisé, et quelles en sont les conséquences pour les différents acteurs ?   

En même temps, les prix agricoles sont laissés à des marchés incertains, qui montent ou qui baissent sans raison apparente, ce qui diminue beaucoup l’enthousiasme des producteurs ( et de leurs banques) pour l’investissement. Or l’investissement, en agriculture comme ailleurs, est indispensable pour abaisser les coûts et rester compétitif.

Les « prix garantis » qui avaient été au cœur des politiques agricoles des années 1950 à 1990 avaient pourtant montré leur efficacité pour passer de la pénurie à l’abondance, justement en autorisant des investissements gigantesques. On était même passé à la surabondance, ce qui est évidemment absurde, et coûtait très cher. Il eut été possible (par exemple, avec des « quotas de production ») de réduire ces coûts ou même de les faire disparaître sans laisser la régulation à long terme des marchés myopes dépendre de la fantaisie irrépressible de mécanismes chaotiques. Au lieu de cela, on a jeté le bébé avec l’eau du bain, et « libéralisé » à tout va, avec des « crises » récurrentes, et leur cortège de faillites, et même de suicides. Et avec tout cela, la moyenne des prix pour le consommateur n’a aucune tendance à baisser, comme le prévoyaient les apôtres de la libéralisation, et pourrait peut-être augmenter sans bénéfice réel pour personne...

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