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Le voile : un tissu "reconstruit, détourné et instrumentalisé par l'islamisme"
©MIGUEL MEDINA / AFP

Bonnes feuilles

Jeannette Bougrab publie « Lettre aux femmes voilées et à ceux qui les soutiennent » aux éditions du Cerf. Partout dans le monde des femmes se rebellent afin d'échapper au joug des islamistes. Pourtant, des féministes et des idéologues défendent le port du voile comme un progrès et un symbole d'émancipation. Jeannette Bougrab s’interroge sur cet aveuglement. Extrait 1/2.

Jeannette  Bougrab

Jeannette Bougrab

Jeannette Bougrab, docteur en droit de la Sorbonne, ex-présidente de la Halde et ancienne ministre, est aujourd'hui membre du Conseil d'État. Elle est l'auteur de Ma République se meurt, Maudites et Lettre d'exil qui ont rencontré un grand succès en librairie.

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En octobre 2013, au cours d’un déjeuner au restaurant annexe de la Maison de la Radio, le Zebra square, Riss m’avait proposé de rédiger un texte dont le titre de travail était « Lettre aux jeunes femmes voilées et à celles qui les soutiennent ».

Je réalisais alors un documentaire sur les filles délibérément privées d’instruction au Pakistan, au Kenya ou encore au Yémen. Me consacrer entièrement à ce film, Interdites d’école, me paraissait alors plus vital qu’ausculter les états d’âme de dames se sentant obligées de se couvrir la tête d’un foulard pour se rapprocher de leur dieu. Et mon projet éditorial se perdit dans les limbes de ma mémoire.

Jusqu’à ce fameux samedi où je vis cette petite fille voilée du jour au lendemain par sa mère luthérienne convertie à l’islam. Qu’une femme adulte en Finlande ou en France, ou dans tout autre Etat de droit, veuille le porter, soit, c’est son affaire, et je m’y résous. La question n’en reste pas moins objet d’un débat politique et éthique décisif car ledit voile ne fait pas que charrier le spectre d’un multiculturalisme bidon qui porte atteinte à la liberté et à l’égalité sous couvert de respect des différences. On ne saurait se tromper : tel qu’il a été reconstruit, détourné et instrumentalisé par l’islamisme, il est le signe éminent d’une volonté de conquête hégémonique. Qu’on l’impose aux adultes et surtout aux enfants m’est insupportable.

En voyant cette gamine, je me suis dit qu’il ne fallait pas céder un centimètre carré de tissu. En commençant par l’école. Notre droit est bien sûr assez fort pour résister dans ses principes, comme on a pu le constater avec la loi de 2004 sur les signes ostentatoires, mais son application demeure incertaine à considérer le cas des femmes accompagnatrices lors de sorties scolaires. De surcroît, il n’échappe pas au maelström de la globalisation. L’interdiction de la burqa en France est en suspens après la décision du Comité des droits de l’homme des Nations unies comme d’ailleurs la jurisprudence Babyloup sur le port du voile dans les entreprises. Enfin, la révolution islamiste mondiale, comme les totalitarismes qui l’ont précédée, sait se ménager des colonnes de complices intéressés et des cohortes d’idiots utiles au sein de nos sociétés où les droits vont désormais sans devoirs.

C’est ainsi, inscrite violemment dans la suite banale des jours, que m’est revenue la nécessité de cette Lettre aux femmes voilées et à ceux qui les soutiennent que j’ai confiée aux Editions du Cerf après qu’elles ont publié ma Lettre d’exil, La barbarie et nous : il est peu de maisons qui, comme celle-ci, tout en se concentrant sur la sphère religieuse, œuvrent à en dégager une conception rationnelle et critique, sauve des confusions avec l’ordre politique.

Tel est en effet l’enjeu majeur d’aujourd’hui. Il faut dire, expliquer et raconter ce que vivent les femmes là-bas mais aussi ici. Des territoires de la République, de « ma République qui se meurt » toujours plus, sont aujourd’hui perdus. C’est aux mères que j’écris, à celles qui le sont déjà ou qui le seront un jour. Et c’est pour la petite fille que je voyais à Helsinki les samedis que j’écris, pour elle et aussi pour toutes les autres qui, ailleurs, subissent le même sort. L’essor du voile islamique constitue en effet un phénomène historique d’ampleur planétaire et représente ainsi une ligne de front universelle.

Si aujourd’hui à Alger et à Téhéran, des femmes et des hommes se lèvent pour dénoncer ce maudit chiffon symbole de soumission et d’enfermement, de Jakarta à Paris, trop nombreux sont encore ceux qui lui trouvent des vertus. Cette lettre s’adresse donc également à eux car, qu’elle relève de la candeur ou de la complicité, leur connivence a des conséquences délétères qu’ils ne sauraient ignorer plus longtemps. Quand ils se complaisent à disserter de manière abstraite de l’émancipation, ce sont les femmes qui souffrent dans leur être et dans leur chair d’oppressions réelles.

La Terre tourne parfois à l’envers.

Extrait de "Lettre aux femmes voilées et à ceux qui les soutiennent" de Jeannette Bougrab, publié aux éditions du Cerf.

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