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Les patrons américains préfèrent la France de Macron à l’Amérique de Donald Trump et l’idée du « grand débat » leur plait
©Geoffroy VAN DER HASSELT / POOL / AFP

Atlantico Business

Sous les ors de Versailles, les patrons américains en partance pour Davos se sont un peu lâchés pour soutenir les Européens et protéger les modèles économiques de la financiarisation.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Dans les salons du château de Versailles, les patrons américains se sont déclarés d’accord pour reconnaître que la mondialisation avait engendré depuis une vingtaine d’années des dysfonctionnements qu’il faudra corriger au risque de rendre le système capitaliste difficile à supporter par les populations. Parmi ces dysfonctionnements, on retrouve les délocalisations, la pression sur les salaires liée à la concurrence des émergents, la montée des inégalités et la financiarisation d’une économie globale obsédée par le résultat à court terme.

Pour la deuxième année consécutive, la France n’a donc eu aucun mal à obtenir que les grands patrons américains fassent un stop de deux ou trois jours à Paris avant de rejoindre Davos. Ils sont près de 120 à être arrivés dimanche pour s’installer au Crillon, au Shangri La ou au Bristol. Les patrons de Microsoft, Uber, Coca Cola, Google, le numéro 3 de Facebook. Sans compter les grands patrons de Procter and Gamble, Unilever, Nestlé, General Motors, et une kyrielle de patrons du digital, Intel, Oracle, Snap,Samsung ou quelques financiers comme JP Morgan et HSBC.

Les manifestations des Gilets jaunes n’ont rien changé à leurs impressions depuis l'année dernière, quand ils étaient venus découvrir Emmanuel Macron, ce jeune président qui avait l’ambition de tout changer et d’installer la France dans la mondialisation. Ces grands patrons sont encore aujourd'hui persuadés que la France conserve des atouts qui leur sont indispensables.

D’abord, parce que des manifestations populaires, ils en traversent dans le monde entier et d’abord dans les pays émergents et de bien plus graves. 

Ensuite, ils considèrent que ce qui se passe en France est beaucoup moins conséquent que le Brexit qui a complètement fracturé le Royaume-Uni. Ils ne croient pas que la Grande Bretagne ait un avenir en dehors de l’Europe. Ils ne croient pas que Londres puisse trouver du côté de l’Amérique ce qu'ils vont perdre en quittant l'Union européenne.

Enfin, la France leur paraît le pays le mieux structuré pour prendre le leadership politique et culturel de l’Union européenne. Devant l’Allemagne dont ils comprennent le logiciel, mais pour lequel ils ont assez peu d’affection. Or les américains, aussi cyniques soient-ils, sont dans les affaires de grands enfants où les rapports personnels sont presque plus importants que les rapports strictement comptables. Du coup, ce qui se passe dans les territoires ne les inquiète pas. Ils y voient une preuve de vitalité, ils font très bien la différence entre « les gilets jaunes créatifs » et les casseurs. Sauf que le mouvement des gilets jaunes, ajouté au Brexit, à l’élection de Donald Trump ou à la montée des populisme dans tous les pays du monde, ne fait qu’accélérer la nécessité d’apporter des réponses à toutes ces manifestations que la majorité des patrons n’avaient absolument pas prévues. 

La France reste en bonne position en Europe pour l’accueil des investissements étrangers, mais encore derrière la Grande Bretagne et les pays de l’Europe du Nord. Alors que la Grande Bretagne est en train de perdre son rang de terre d’accueil privilégiée. Pour une raison très simple, les chefs de grandes entreprises américaines ne croient pas que le Brexit permettra aux Anglais de construire une immense zone franche à partir de laquelle ils pourraient opérer et inonder l’Europe continentale. 

Cela dit, la France peut sans doute continuer à attirer les investisseurs étrangers à une condition, que la gouvernance française tienne le cap de ses réformes. Entre le désir des investisseurs et la grogne ou la colère des Gilets jaunes, il faudra tenir. 

Selon les dernières estimations, la France pourrait dépasser cette année 2019 la Grande Bretagne pour le montant des investissements étrangers et les entreprises contrôlées par des capitaux étrangers. Bercy a comptabilisé 340 investissements en 2017 dans l’ensemble de l’Hexagone, ce qui représente déjà 2 millions d’emplois. Et pour la plupart, des emplois à haute valeur ajoutée puisqu‘il s’agit pour 25% des investissements de recherche développement. 

Alors, le crédit d’impôt recherche a conservé tout son pouvoir d’attractivité, mais ça n’est pas le seul critère d’appréciation. 

Ce qui est intéressant cette année, c’est que le dialogue entre la majorité des patrons de multinationales et les autorités françaises n’a pas mis en évidence des rapports de forces rédhibitoires. En fait, tout est négociable, y compris l’instauration d’une fiscalité si elle correspond à la réalité de l’activité réalisé sur le marché français. 

Le plus important, c’est que la majorité des patrons de multinationales ont compris le fonctionnement du modèle européen et y adhèrent. C’est même une obligation pour eux pour pouvoir continuer à se développer. L‘hypothèse que certains grands patrons du digital, comme celui d’Amazon ou de Facebook, penseraient que les très grandes entreprises sont au dessus des lois et peuvent passer outre les situations politiques locales, plus graves, l’idée en Amérique que les grandes entreprises digitales sont plus à même d’apporter le bien commun et les progrès aux communautés que les organisations politiques est une idée complètement théorique et qui est partagée par très peu de grands patrons américains. 

La majorité d’entre eux sont très critiques envers certaines initiatives politiques mais ils considèrent de façon pragmatique qu’elles n‘arrivent pas par hasard. 

1er point. Les très grands patrons américains de l'industrie n’aiment pas Donald Trump. Ils considèrent que ses initiatives sont toxiques. Ils s’inquiètent que le nombre des Américains qui expriment le désir de quitter le pays n’a jamais été aussi nombreux. Ils s’inquiètent de l'effondrement du nombre d’étudiants étrangers à venir dans les universités américaines, ce qui était pour les Etats-Unis un facteur d‘enrichissement important. 

2e point, le montant des investissements américains en dehors des Etats-Unis augmente au profit de l’Europe. Beaucoup de patrons considèrent que, dans la confrontation inéluctable entre la Chine et les USA, l'Europe va offrir une base de repli très attractive. D’où les offensives de Trump pour gêner l'Europe, ce que le monde des affaires d’outre Atlantique n'accepte pas. C’est du moins ce qui ressort des commentaires et des visites faites en Europe. 

L'Europe est un immense marché, avec un pouvoir d’achat homogène et des valeurs occidentales qui sont parfaitement compatibles avec les logiciels de l’Amérique. 
C’est la raison pour laquelle les patrons sont aussi nombreux à accepter les discussions sur la fiscalité proposée par la France. 

3e point, la majorité des patrons de l’industrie, tous secteurs confondus, (les patrons du digital sont en tête de cette réflexion) considèrent que la financiarisation de l'économie depuis 20 ans est un facteur de crise systémique (les subprimes), que cette financiarisation impose une logique de fonctionnement très court termiste dans un monde qui a besoin d’investir sur le long terme, que ce soit dans la santé, l’éducation ou le climat. Les fonds d’investissements, et notamment les fonds de pension, ne répondent pas aux besoins de financement réel mais à la spéculation financière immédiate. Enfin, ces grands patrons s'inquiètent eux aussi de la montée des inégalités de richesses, parce que ces inégalités sont devenues insupportables. 

S’il existe une fracture aux Etats-Unis dans le monde des affaires, elle n’est pas géographique, elle est sectorielle. Il y a d’un côté l'industrie financière qui règne sur New-York et de l'autre les patrons de l’industrie manufacturière qu’elle soit digitale, mécanique, textile, commerciale. D’un côté la banque, de l’autre le reste. 

Les représentants des grandes banques de New-York n'étaient pas très nombreux à Versailles hier lundi. Ils ne seront pas non plus très présents à Davos. 

Dernier point, les patrons américains se déclarent aujourd'hui beaucoup plus à l’aise pour aborder tous ces dysfonctionnements avec le président français qu'avec Angela Merkel, Theresa May ou avec le chef du gouvernement italien ou même avec Donald Trump. Avec ça, la France a une carte à jouer. 

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