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Comment le Canard Enchaîné a envoyé François Fillon, Jacques Chaban-Delmas et Valéry Giscard d'Estaing au cimetière des éléphants de la politique
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Bonnes feuilles

Véronique Jacquier publie aux éditions de L’artilleur "L’homme qui ne voulait pas être président", fruit de deux ans d’enquête. Elle revient sur les soubresauts de la campagne de 2017. François Fillon voulait-il vraiment être président de la République ? Extrait 1/2.

Véronique Jacquier

Véronique Jacquier

Véronique Jacquier a été éditorialiste à RMC et BFM TV. Elle est journaliste politique à Sud Radio.

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Un « assassinat politique » fomenté par « le tribunal médiatique ». Voilà l’assassin tout trouvé le 6 février 2017. C’est en tout cas l’explication donnée par François Fillon. Le candidat à la présidentielle ne manque pas de culot puisqu’il use de ces mots devant 250 journalistes. Ce jour-là, droit dans ses bottes, il assure que les salaires de sa femme et de ses enfants sont « parfaitement justifiés ». La question n’est pas de savoir s’il a été mis en joue par un fantasmatique tribunal médiatique. Si les journalistes font leur travail, il n’y a pas de tribunal médiatique. La campagne présidentielle a néanmoins témoigné régulièrement de la violation du secret de l’instruction. Le principe est-il dépassé ? Le Canard Enchaîné a-t-il fait son travail ? L’hebdomadaire s’est-il acharné sur François Fillon d’une façon discutable ? A-t-il contribué à envoyer au cimetière des éléphants de la politique d’autres personnalités ? François Fillon n’a-t-il pas prêté le flanc pour se faire battre, vu ses relations distantes avec les journalistes ? Enquête.

Oui, le Canard Enchaîné penche à gauche.

François Fillon aurait dû avoir de la mémoire. Le Canard Enchaîné lui fait subir le même sort qu’à Jacques Chaban-Delmas et Valéry Giscard d’Estaing. Le 19 janvier 1971, Chaban, Premier ministre porté par une popularité record, est foudroyé par les révélations du Canard Enchaîné. Il est accusé de ne pas avoir payé d’impôts sur le revenu de 1967 à 1970. En vérité, il n’a fait que profiter de l’instauration en 1965 d’un nouveau dispositif : l’avoir fiscal. Dans les faits, il n’a rien commis d’illégal. Il se défend très vite. Mais le coup est mortel. Six mois plus tard il quitte Matignon. Il ne se relèvera pas. Trois ans plus tard, il est éliminé dès le premier tour de la présidentielle de 1974 par Valéry Giscard d’Estaing. « Complot venu de son camp », pensera toujours Chaban, songeant à Jacques Chirac qui fut son secrétaire d’État à l’Économie et aux Finances jusqu’au 7 janvier 1971. Pour Valéry Giscard d’Estaing, le Canard Enchaîné s’est illustré avec l’affaire des diamants de Bokassa. Elle sort le 10 octobre 1979 pour des faits remontant à 1973. Giscard aurait reçu une plaquette de diamants de trente carats de Jean Bedel Bokassa, l’ancien empereur-dictateur centrafricain. Giscard traite l’affaire par le mépris, ce qui alimente le feuilleton ! Qui appelle directement le Canard Enchaîné pour une deuxième salve de révélations ? Jean Bedel Bokassa en personne ! Il est furieux que Valéry Giscard  d’Estaing ait confié au journaliste Alain Duhamel au sujet des diamants : « j’oppose un démenti catégorique et, j’ajoute, méprisant ». Petite anecdote amusante : quand l’ex-empereur de Centrafrique se présente au téléphone, la secrétaire du journal lui répond : « Et moi je suis la reine d’Angleterre ! ». À cause de cette affaire, Giscard ne connaîtra pas de deuxième sacre lors de la présidentielle de 1981. La gauche exploitera le scandale jusqu’à l’entrée à l’Élysée de François Mitterrand. À l’époque, qui était l’avocat du Canard Enchaîné ? Roland Dumas, fidèle compagnon de route du nouveau président… 

Jacques Chaban-Delmas et Valéry Giscard d’Estaing n’ont pas été affaiblis en pleine campagne présidentielle. Mais avant. Ils étaient, chaque fois, le candidat tout désigné de la droite pour l’élection suprême. François Fillon, lui, a été violemment déstabilisé par les révélations à trois mois du premier tour. Y a-t-il un précédent ? Oui, même si l’onde de choc ne fut pas du tout comparable. Dans l’entre-deux-tours de la présidentielle de 1981, le 6 mai, l’hebdomadaire sort un article « Papon aide de camp ». Il accuse le ministre du budget de Valéry Giscard d’Estaing d’avoir concouru à la déportation de 1 690 juifs du département de la Gironde.

Extrait de "L’homme qui ne voulait pas être président", de Véronique Jacquier, publié aux éditions de L’artilleur 

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