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Lettre ouverte à Valérie Pécresse, Virginie Calmels, Gérard Larcher, Hervé Morin, Xavier Bertrand, François Baroin, en particulier et à tous les autres
©Reuters

Tribune

Patrice Gassenbach, ancien Président de la Fédération de Paris du Parti Radical et de l'UDI adresse une lettre ouverte à la droite.

Patrice Gassenbach

Patrice Gassenbach

Avocat inscrit au barreau de Paris depuis 1971, Patrice Gassenbach intervient dans les domaines du droit de la concurrence et dans ceux qui relèvent de la stratégie de développement des entreprises. A ce titre, il est le conseil de nombreuses entreprises dans les secteurs de l'agroalimentaire, de la distribution, des services, de l'énergie et des médias, notamment pour des sociétés et groupes du CAC 40.​

Politiquement engagé de longue date au Parti Radical, dont il fût pendant de nombreuses années vice-président, il a en également occupé les fonctions de trésorier entre 1990 et 2002. Il est membre fondateur de l'UDI et a présidé la très puissante fédération de Paris de l'UDI jusqu'en 2014.

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Ne pensez-vous pas que la démocratie libérale est en danger ?

Avez-vous déjà oublié que contre vents et marées vous avez pour la plupart d’entre vous soutenu François Fillon au lieu d’exiger son retrait ?

Croyez-vous que votre aveuglement collectif, vos solidarités partisanes, voire votre défaut de courage, qui ont consacré l’échec de la Droite Républicaine et du Centre à la dernière présidentielle vous exonèrent de toute responsabilité devant ceux qui étaient et qui restent attachés au libéralisme, aux valeurs républicaines et à l’Europe ?

Considérez-vous que la situation misérable des Républicains est liée seulement à Laurent Wauquiez et à ses affligeants porte-paroles ?

Etes-vous prêts à admettre que vos électeurs perdus sont ceux qui comme moi ont refusé de voter pour François Fillon l’imposteur et qui ont voulu, dès le premier tour en votant pour Emmanuel Macron, écarter le risque d’une confrontation finale entre Bécassine et Furax le Vénézuélien ?

Ignorez-vous, vous qui connaissez si bien l’histoire de France, que le pouvoir, quelle que soit sa nature, croise toujours des réseaux sulfureux et attire toujours des intermédiaires douteux en quête de profits illicites ?

Avez-vous oublié la liste interminable des affaires qui ont secoué la Vème République depuis 1958 ?

Quand cesserez-vous de faire un procès au Chef de l’Etat pour reconnaissance à l’égard d’une personne qui avait assuré sa sécurité ?

Avez-vous accablé Nicolas Sarkozy qui s’est trouvé à son corps défendant dans la même équation avec des amis bruyants ?

Savez-vous comme Jean Paulhan qu’ « Un ami, c’est quelqu’un sur qui vous pouvez compter pour compter sur vous. ».

Etes-vous prêts à reconnaître enfin que l’affaire Benalla est un dossier de droit commun et qu’il est temps de respecter le principe de la séparation des pouvoirs et ce d’autant plus que les juges sont saisis ? Et à peser au sein des assemblées pour remettre du droit et de l’ordre dans les modalités de mise en œuvre et de fonctionnement des commissions d’enquête parlementaire ?

Comme vous lisez tous beaucoup, confer vos confidences médiatiques d’été à propos de vos lectures, et comme vous aimez la France vous avez sans aucun doute lu attentivement « La France Périphérique » (2015) et « Le crépuscule de la France d’en haut » (2016) de Christophe Guilly, et ce d’autant plus que vous avez été des acteurs engagés pendant la campagne présidentielle de 1995 sur le thème de la fracture sociale.

Elus dévoués de proximité ayant tous exercé le noble mandat de Maire, vous connaissez, pour avoir reçu dans vos permanences nos concitoyens, les difficultés multiples auxquelles ils sont confrontés, et vous ne pouvez donc pas ignorer que plus de 6 millions d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté suivant l’INSEE.

En votre qualité de lecteurs assidus du Figaro, vous avez pris connaissance des résultats de l’enquête réalisée par Odoxa et Dentsu Consulting les 2 et 3 janvier 2019 qui à propos des souhaits des Français pour l’année 2019 place l’augmentation du pouvoir d’achat et la diminution de la pauvreté et de la précarité en première et deuxième position, loin devant la question de l’immigration qui arrive au 6ème rang avec 26%.

Il résulte de ce qui précède que les maladresses de communication du Chef de l’Etat, la rigidité du Premier Ministre sur des mesures inappropriées ou mal adressées comme la taxe sur les carburants, au surplus décorrélée en termes d’impact significatif sur la pollution, ou la CSG sur les retraites, ne sont que des détonateurs de la crise populaire qui couvait.

Le mal est beaucoup plus grave car c’est le résultat de trente années de renoncement, de procrastination et de démagogie. C’est également un immense déficit d’exemplarité civique, de solidarité sociale, de pédagogie non technocratique et de respect. C’est également un vif rejet à l’égard de l’entre-soi et de la société de connivence où les fautes ne sont jamais sanctionnées.

Jacques Attali, dans un ouvrage récent et remarquable « Comment nous protéger des prochaines crises », a identifié les huit formes de celles auxquelles nous pourrions être exposés :

« 

  • Financière : quand le système financier, trop endetté, perd la confiance de ceux qui y ont investi.
  • Économique, quand l’économie s’effondre, faute d’une demande suffisante.
  • Sociale : quand le chômage explose et les inégalités s’accumulent, rendant les élites illégitimes, et le mérite n’est plus un facteur de réussite.
  • Politique : quand le système politique est contesté parce qu’il n’a pas su gérer les crises précédentes.
  • Géopolitique : quand basculent les rapports de force entre nations.
  • Technologique : quand l’homme est dépassé par des technologies qui peuvent lui nuire.
  • Ecologique : quand surgit une pénurie majeure, ou un dérèglement systémique de l’environnement, provoqués par les dérèglements précédents.
  • Idéologique : quand les valeurs sur lesquelles sont fondées les sociétés sont mises en cause. ».

Il me semble bien, ne pensez-vous pas, que nous y sommes ?

Comme vous voyagez beaucoup, vous avez pu mesurer combien les rapports aux plans militaires et économiques se crispent entre les Etats-Unis et la Chine alors que les dictatures se multiplient dans le monde, que la Russie, entre provocations et alliances à géométrie variable, reste en quête de sa grandeur perdue et qu’Erdogan achève de détruire définitivement le kémalisme et ses vertus laïques.

Comme Européens vous savez que depuis 60 ans l’Union assure la paix, la libre circulation des personnes et des biens et que ni la Chine, ni les Etats-Unis, ni la Russie ne veulent d’une Europe puissante qui avec plus de 500 millions de citoyens génère 25% du PIB mondial.

Je ne doute pas de votre attachement à l’Euro, qui est la monnaie solide de notre espace économique, dans lequel on trouve de grandes entreprises qui sont parmi les plus performantes du monde, qu’il s’agisse de l’énergie, de l’aéronautique, des services, des infrastructures, de l’agro-alimentaire et de la recherche, sans compter quelques prestigieuses universités et son exemplaire tissu de PME et de grands entrepreneurs familiaux.

Mais vous savez aussi que l’Union est menacée de dislocation, Brexit, Pologne, Hongrie, Italie,… que nous n’avons pas de défense européenne et que nos carences collectives ont entre autres permis les comportements fiscaux déloyaux de l’Irlande, des Pays-Bas et du Luxembourg, sous oublier le coup d’Etat réalisé à son profit par la technostructure de Bruxelles en 2012 à l’occasion du traité de Lisbonne qui a dessaisi le Conseil européen de son pouvoir de décision dans la procédure de désignation du Président de la Commission et dont les excès nourrissent chaque jour davantage les démagogues nationalistes qui ont transformé l’Union en bouc émissaire.

Comme je ne veux pas croire que vous n’êtes pas inquiets pour notre pays, cela me conduit à vous interroger.

Comment entendez-vous répondre à la conjuration des anti-européens qui souhaitent transformer la prochaine élection Européenne en règlement de compte national pour remettre en cause, hors du fonctionnement normal de nos institutions, le résultat de la dernière élection Présidentielle ?

Que comptez-vous faire quand le Chef de l’Etat se trompe de mesure économique pour parer au plus pressé alors qu’au plan international il a remis la France dans le peloton de tête des pays attractifs ?

Que comptez-vous faire quand Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen bafouent la justice en grimaçant et encouragent directement ou indirectement à la sédition et à l’agression contre nos forces de l’ordre ?

Que comptez-vous faire face à la carence du CSA devant les traitements éditoriaux des médias en continu des manifestations ?

Comment réagissez-vous face à ces chaines de télévisions et de radios qui se sont révélées être des agents de liaison entre les manifestants et les casseurs de plusieurs villes ?

Comment appréciez-vous ces micros tendus aux mauvaises personnes, relayant les propos injurieux à l’égard du Chef de l’Etat et de son entourage ou des invitations à prendre d’assaut l’Elysée ?

N’avez-vous pas été choqués par ces débats indignes : pugilats, bêlements, braiements, beuglements, vociférations, organisés par des éditorialistes qui ont fait leur miel des désordres et des violences pour faire plus d’audience ?

Vous êtes-vous interrogés sur les conditions dans lesquelles ont été invités sur les plateaux ces experts auto-proclamés dont les publications sont si sacrées, pour reprendre l’expression d’un libraire, « que personne n’y touche » ?

Quelles réflexions vous inspirent ces éditorialistes bavards qui s’interrogent entre eux pour commenter leurs commentaires respectifs et qui émettent avec suffisance et une légèreté insoutenable des avis sans appel ? J’espère que vous n’avez pas manqué les déclarations de deux célèbres bêtas qui, pour le premier, a déclaré qu’il emm… le Chef de l’Etat et pour le second, qu’il était le seul Chef à bord !

Mesurez-vous la nature insurrectionnelle de la crise à laquelle notre pays est confronté lorsque des policiers, des élus et des parlementaires sont agressés sans une protestation unanime des élus de la Nation et que s’engage une course de vitesse entre le Rassemblement National, La France insoumise et Debout la France pour récupérer les gilets jaunes ?

Aux crises identifiées par Jacques Attali, j’ajouterai celle liée au poids des réseaux sociaux, lesquels, conjuguant la tyrannie du bruit, de la fureur et de l’immédiateté, considèrent que la volonté du peuple n’a plus besoin de corps intermédiaires, ce qui illustre parfaitement l’abstention toujours plus grande et la relégation au dernier rang de la confiance dans les partis politiques.

 Avec pertinence, Yascha Mounk, dans son essai « Le peuple contre la démocratie », nous rappelle alors que nous considérions depuis toujours « que le libéralisme et la démocratie formaient un tout cohérent », que ce n’est plus le cas et que ces « deux éléments cruciaux de nos systèmes politiques sont désormais entrés en conflit ».

Il en résulte que les réseaux sociaux, selon lui, favoriseraient à la fois « les forces du changement et du désordre ». Ce constat me semble d’autant plus périlleux quand des leaders politiques populaires deviennent des baratineurs ou des bateleurs, et que leurs propos intellectuellement malhonnêtes, à force d’être réitérés, sont banalisés au point de devenir des vérités d’évidence.

Au surplus, l’alliance dans l’espace médiatique politique du Net et de la « télé café du commerce » assure le succès de l’émotion, des mensonges et le recul de l’exigence cognitive pour le plus grand péril de nos libertés et ce d’autant plus que notre pratique démocratique nous conduit davantage à privilégier les mesures populaires à celles qui sont impopulaires, au détriment de la prise en compte de la réalité.

Aussi, et en raison de cette situation explosive, je considère que notre pays doit se mobiliser sur deux objectifs :

  • Continuer à se réformer ;
  • Adresser un message européen à l’ensemble des pays de l’Union en plaçant en tête aux prochaines élections Européennes une liste qui veut construire l’Europe contre ceux qui veulent la détruire et qui n’ont pas compris que l’isolement dans le cadre de la bataille mondiale ne peut déboucher que sur le chaos et la ruine.

Il faut donc s’approprier le grand débat et y participer activement même si de nombreuses questions restent en suspens et que de multiples risques subsistent sur le périmètre des sujets à aborder, tel par exemple la question du RIC dont les modalités de mise en œuvre inquiètent les constitutionnalistes.

Il va de soi que notre participation ne saurait être maintenue en cas de remise en cause de nos grands acquis sociétaux ou s’il apparaissait qu’il s’agisse d’une opération chloroforme.

En réalité, notre participation doit être conditionnée à l’idée que les réformes seront poursuivies dans un cadre idéologique où le mot libéral n’est pas un gros mot et que les réformes qui auront été identifiées feront l’objet d’une procédure accélérée pour leur mise en œuvre car l’urgence c’est de réformer, de réformer et encore de réformer.

Les pro-Européens doivent s’organiser pour constituer une liste commune afin d’envoyer au Parlement des députés compétents qui représenteront la France et non des boutiques et faire en sorte que le front de la destruction ne soit pas majoritaire dans notre pays.

Cela signifie qu’il faudra en finir avec cette pratique détestable d’investir des recalés de l’Assemblée Nationale ou du Sénat et exiger de nos députés européens un travail quotidien de participation aux travaux de l’Assemblée Européenne mais aussi une obligation de rapporter à nos concitoyens.

Quand des formations politiques détournent des fonds européens pour financer leurs partis cela ne m’étonne qu’à moitié, mais ce qui m’indigne le plus, alors que l’Europe est contestée, c’est que des députés pro-européens restent quasiment silencieux et ne se mobilisent jamais pour la défendre ni même prendre la peine d’expliquer leur travail.

A ma connaissance, à une ou deux exceptions près, je crois qu’aucun d’entre eux n’a relayé publiquement ou médiatiquement le contenu du site de la Commission « Ce que l’Europe fait pour moi ».

Valéry Giscard d’Estaing, dès 2014, aux termes de son livre « Europa », nous a prophétiquement invités à mettre en œuvre une méthode de relance de l’Europe fondée sur la construction, sans modification des traités, d’une organisation autour d’un noyau de pays désireux d’avancer pour partager un directoire, un budget et une même fiscalité.

Aujourd’hui, les dangers sont tels qu’il convient de suivre les recommandations de VGE qui nous rappelle que « Ce projet d’Europa vous appartient. Pour le mener à bien, il vous faudra abandonner beaucoup de vos pensées négatives, l’égoïsme individuel, la peur du changement, et croire dans l’espoir de bâtir une des grandes civilisations du XXIe siècle ! ».

Vous devez inviter fermement Laurent Wauquiez à cesser d’instrumenter la bataille européenne pour « en faisant disparaître le commun » relégitimer sa présidence.

Dans « Demeure », François-Xavier Bellamy faisait observer « (…) le débat n’est plus qu’un combat où chacun cherche à imposer l’efficacité de ses répliques. La politique n’est plus qu’une juxtaposition d’individualités, de communautés, qui entrent en lutte pour faire prévaloir leurs intérêts. ».

Comment Laurent Wauquiez peut-il imaginer un instant qu’un esprit aussi avisé acceptera d’avoir sur sa liste d’ineffables sortantes, célèbres pour leurs écarts de langages, dont la reconduction sur une liste dirigée par François-Xavier Bellamy ferait penser immédiatement à la célèbre émission « La tête et les jambes » !

Ma lettre est sans doute trop longue mais les enjeux sont tels qu’il me semble urgent de faire une liste Europa commune avec le Modem, En Marche, l’UDI et des personnalités écologistes.

Je sais que vous avez tous un grand sens des responsabilités et que la France est votre passion, aussi je considère que vous n’avez pas de temps à perdre pour entre vous vous concerter et, sur ma suggestion, mettre en œuvre un tel processus de sursaut.

Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, dont le sens de l’Etat n’est plus à démontrer, sont à même de vous aider pour mobiliser toutes les forces de notre pays attachées, comme eux, au projet européen.

J’ai commencé par votre grave erreur présidentielle. Vous avez l’occasion de la réparer en vous mobilisant pour construire une liste d’union élargie dans l’intérêt de notre pays et de l’Europe.

C’est une impérieuse et ardente obligation, qui pourrait être incarnée par Michel Barnier.

Patrice Gassenbach

Membre fondateur de l’UDI

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